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Incontournable pour connaître le droit sous l’Ancien Régime, sa lecture permet d’aborder la société d’ordres telle qu’elle existait à la fin du règne de Louis XV.

L’extrait choisi ici se propose d’aborder la place et les privilèges du premier ordre de la société : le clergé. Il provient du tome VIII


Les ecclésiastiques composent le premier ordre du royaume ; ils sont distingués des autres sujets par plusieurs privilèges que nos rois leur ont accordés.

Les avantages dont ils jouissent sont, ou des honneurs, ou des droits utiles.

Nous ne parlerons pas ici des droits utiles qui leur ont été accordés […] Nous nous bornerons donc aux droits personnels qui concernent les ecclésiastiques.

Lorsque nous disons que les ecclésiastiques composent le premier ordre du royaume, c’est-à-dire qu’ils ont le pas et la préséance sur les laïques dans les églises et dans les cérémonies de religion : dans les assemblées politiques, le corps du clergé précède aussi les autres corps, comme il paraît par les séances des états-généraux ou particuliers ; de même, dans les parlemens, on prend les voix des conseillers-clercs avant celle des laïques ; dans les provinces, l’archevêque précède les gouverneurs ; les corps des chapitres des églises cathédrales ont la préséance sur les corps des bailliages, sénéchaussées ou présidiaux. […]

Les exemptions accordées aux ecclésiastiques sont de deux sortes : les unes sont purement personnelles, et tendent à leur conserver le repos nécessaire pour vaquer à leurs fonctions ; les autres sont réelles personnelles, et regardent plus la conservation de leurs biens ; car puisque le public les entretient et les récompense de leur travail, il est juste de leur conserver leur revenu, et de ne pas prendre d’une main ce qu’on leur donne de l’autre. […] Les exemptions réelles personnelles sont, lorsque les ecclésiastiques ne sont compris dans aucunes des impositions pour la subsistance des troupes et fortifications des villes, réparations de murs, ponts et chaussées, ni généralement pour aucuns octrois, subventions ou autres emprunts de communautés […] Néanmoins cette exemption ne doit pas s’étendre aux cas de nécessités publiques, suivant l’arrêt solennel de la cour des aides de 1596, rendu en avril, qui déclare les ecclésiastiques contribuables aux nécessités publiques, telles que la fortification et la clôture des villes, comme aussi aux frais qui se font pour honorer les premières entrées des rois et reines de ce royaume. Ils doivent aussi, dans les temps de misère et de disette, contribuer aux aumônes publiques pour la nourriture des pauvres.

L’assemblée, pour faire la taxe, doit même se faire en présence de l’évêque, qui doit y présider, ou son grand-vicaire en son absence. S’il n’y a pas d’évêque, ce doit être l’ecclésiastique le plus qualifié ; ce qui doit même s’observer dans les villes où il y a parlement, et où il n’y a pas d’évêché.

2°. Les ecclésiastiques sont exempts des tailles personnelles pour leurs biens ecclésiastiques, pour leur titre clérical, et pour ce qui leur écheoit par succession, en ligne directe seulement, pour leur part héréditaire, aussi bien que pour les revenus des bénéfices et des dîmes qu’ils font valoir par leurs mains ou qu’ils tiennent à ferme […]

4°. Dans les pays où l’impôt du sel a lieu, les ecclésiastiques en sont exempts, comme de la visite de leur maison pour recherche de faux sel : ils sont encore exempts du droit d’aides pour les vins de leur crû , soit bénéfice ou patrimoine, ou provenant de leur titre clérical. […]

4°. Ils sont dispensés du service militaire, qui se devait autrefois à cause des fiefs, et n’a plus lieu qu’à la convocation de l’arrière-ban. Ils ne sont pas même obligés à fournir d’autres personnes pour servir à leur place, ni à payer aucunes taxes pour cet effet. […] Ils sont encore exempts des logemens de gens de guerre. Il est défendu aux gens de guerre, sous peine de la vie, de loger dans les maisons presbytérales ou autres affectées aux bénéfices, ou dans les maisons d’habitation des ecclésiastiques ; et aux maires et échevins de ville, et aux fourriers des logis , de donner des billets pour y faire loger, ou d’imposer sur les ecclésiastiques aucunes taxes pour raison de logement, ustensiles , ou fournitures, telles qu’elles soient. […]

Source : Oeuvres de Pothier contenant les traités du droit français. Traité des personnes et des choses, de la propriété, de la possession, de la prescription, de l’hypothèque, du contrat de nantissement, des cens, des champarts. Nouvelle édition mise en meilleur ordre et publiée par les soins de M. Dupin, avocat à la Cour Royale de Paris, Paris, Béchet aîné, 1824-1825, tome 8, 701 pages. Extraits de la première partie « Des personnes » – Titre premier  « Division des personnes en ecclésiastiques , en nobles, gens du tiers-état, et serfs. » – Section première. « Des ecclésiastiques, et de leurs privilèges ». Pages 5-6