Contre Vichy, porté légalement au pouvoir par l’Assemblée nationale, de Gaulle se déclare investi d’une légitimité due au consensus du peuple français dans la lutte contre l’occupant. Le problème le préoccupe particulièrement à son retour en France en 1944 :
« Le général débarquant en France s’interrogeait sur sa légitimité. D’avoir incarné la France, c’était un fait, c’était l’histoire. Ce n’était qu’un élément de la légitimité. Un autre était indispensable, le consentement populaire. L’accueil de la Normandie, de la Bretagne l’avait rasséréné avant Paris. Il n’osait, me semble-t-il, se dire encore tout à fait convaincu. Nous prenons ensemble la route de Laval vers Paris, Paris qui n’est pas libéré. (…) Les vivats sont considérables, émouvants, se répètent de village en village. Il se tourne vers moi et me dit, pensant à ce problème de la légitimité : » Il n’y a pas de doute ! Il n’y a pas de problème ! » Quelques minutes s’écoulent. Nous entrons dans les faubourgs du Mans, la foule grossit. (…) Un groupe de femmes enthousiastes approche avec des fleurs. Par la vitre ouverte, une femme se penche, donne les fleurs, se retire et crie avec force : » Vive le Maréchal ! » J’entrevois le visage de la femme bouleversée par son erreur et le général se tourne vers moi pendant que la voiture repart : » Comment voulez-vous qu’ils s’y retrouvent ? » Je réponds : » Mon général, pour l’essentiel, il n’y a quand même pas de problème. »
Témoignage de Michel Debré, cité dans La Libération de la France, éd. du CNRS, 1976 p. 887.