Depuis le début de la guerre entre le Hamas et Israël le 07 octobre 2023, le bureau du procureur du CPI est destinataire de multiples plaintes dénonçant les exactions commises par les deux camps, relevant selon les uns et les autres de « crimes de guerre », de « crimes contre l’humanité » et de « génocide ». Mais son procureur Karim Khan était resté relativement discret, n’accordant que deux rapides entretiens à des médias britanniques. 

Toutefois, le 29 octobre 2023, il finit par se rendre devant le terminal de Rafah, dans l’espoir d’entrer dans Gaza, en vain. Le lendemain, au Caire, il prononce une allocution énergique, dénonçant tour à tour l’effroyable violence du Hamas et les potentielles atteintes au droit international par Israël.

Mais sa marge de manœuvre est étroite. L’enquête sur les exactions commises en 2014 à Gaza et sur la colonisation en Cisjordanie, ouverte par la CPI depuis 2021, n’a débouché sur rien de concret. Dans des dossiers aussi sensibles, il n’est pas surprenant d’avoir besoin de temps, beaucoup de temps. Si la Palestine appartient au groupe des États-parties au statut de Rome, il n’en est pas de même d’Israël. Les États-Unis ont par ailleurs indiqué à plusieurs reprises qu’ils ne laisseraient pas leur allié être poursuivi, fermant la porte à une éventuelle saisine de la CPI par le conseil de sécurité de l’ONU. 

L’auteur

Selon sa biographie sur le site de la CPI, Karim A.A. Khan est procureur de la CPI depuis 2021 et cumule plus de 30 ans d’expérience de juriste en droit international pénal et dans la défense des droits humains. Agé de 52 ans aujourd’hui, il a été procureur, avocat de victimes et avocat de la défense devant plusieurs tribunaux pénaux nationaux et internationaux, dont la CPI, le TPIR, le TPIY, etc. Il a également été chef de l’équipe d’enquêteurs de l’ONU pour traduire Daech devant la justice entre 2018 et 2021, pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre.

Élu procureur pour un mandat de neuf ans, il s’était fait connaître en établissant un mandat d’arrêt international contre Vladimir Poutine, le 17 mars 2023 pour la déportation de milliers d’enfants.

La vidéo de l’allocution


La transcription en français

Je suis venu en Égypte à l’heure où l’actualité internationale est, comme chacun le sait, rythmée par de nombreux soubresauts. Une fois de plus, la souffrance humaine provoquée par un conflit se retrouve sur le devant de la scène. Des images terrifiantes défilent dans la journée sur nos écrans de télévision. Les voix que nous entendons ne sont pas celles d’acteurs mais d’êtres humains, et même d’enfants qui pourraient être les nôtres, et nous revivons les horreurs du passé.

Les histoires et récits que j’ai entendus dans différentes parties du monde, que ce soit à Boutcha, en Ukraine ou au Darfour ou encore les témoignages des Rohingya au Myanmar, ou la souffrance que nous observons à Kaboul, sont autant de marqueurs humains de la souffrance qui relèvent malheureusement plus de la norme que de l’exception. Ils se rappellent à nous régulièrement dans tant de lieux différents.

Et, comme je l’ai toujours dit, depuis ma prise de fonction en qualité de Procureur de la Cour pénale internationale, c’est dans des moments comme celui-ci, que nous avons, plus que jamais, besoin du droit. Pas du droit en termes abstraits, pas du droit en tant que théorie pour les universitaires, les avocats et les juges mais nous avons besoin de voir la justice à l’œuvre. Les gens ont besoin de savoir que le droit peut contribuer à changer le cours de leurs vies. Et ce droit, cette justice, doivent être au service des plus vulnérables. Ces notions devraient presque être palpables, telles une bouée à laquelle ils pourraient s’accrocher. C’est le rempart qui doit les protéger lorsqu’ils sont confrontés à tant de pertes, de douleurs et de souffrances.

Lorsque j’ai pris mes fonctions en qualité de Procureur en juin 2021, j’ai constitué, pour la première fois, une équipe dédiée à l’enquête sur la situation en Palestine. Et au cours des deux dernières années, tandis que je demandais, que je plaidais, que j’exhortais les états à nous accorder des ressources supplémentaires, j’ai alloué dans le même temps des ressources supplémentaires à l’enquête sur la Palestine et renforcé les effectifs de l’équipe chargée de l’enquête. J’ai procédé ainsi pour faire en sorte de m’acquitter de mes responsabilités et pour que le Bureau puisse s’acquitter des siennes du mieux que nous le pouvions. Et en décembre de l’année dernière, devant tous les États parties réunis en assemblée, j’ai indiqué que l’une de mes principales priorités pour cette année était de pouvoir me rendre en Israël et en Palestine, — cela me tenait vraiment à cœur. Et je l’ai fait parce que l’enquête sur la Palestine a toujours été considérée comme une enquête très importante par la CPI. C’est une enquête qu’il ne faut pas oublier et qui est menée aussi efficacement que possible. Et je peux dire sans détours qu’au cours de l’année écoulée, j’ai joué un rôle actif aux côtés des hommes et des femmes de mon Bureau, dans cette enquête, et nous n’avons pas ménagé nos efforts pour pouvoir nous rendre en Israël et en Palestine.

Mais nous avons regardé avec horreur les images qui nous sont parvenues d’Israël le 7 octobre. Je pense que tous ceux d’entre nous qui sont des parents ou qui ont des enfants, tous ceux d’entre nous qui ont des familles, tous ceux d’entre nous qui sont vivants, tous ceux d’entre nous qui aiment Dieu ou leur prochain, ont été saisis par l’émotion en entendant les divers récits glaçants de tant de civils innocents dont la vie a été déchirée en ce jour fatidique en Israël. Et nous ne pouvons tout simplement pas vivre dans un monde, nous ne pouvons pas laisser nos enfants vivre dans un monde où les incendies de bâtiments, les exécutions, les viols et les meurtres sont monnaie courante, sont tolérés, en toute impunité. Les enfants, les hommes, les femmes et les personnes âgées ne peuvent pas être arrachés à leurs maisons et pris en otage, quelles qu’en soient les motifs. Et lorsque des actes de cette nature se produisent, ils doivent faire l’objet d’enquêtes et ne sauraient rester impunis. Parce que les crimes de cette nature dont les images ont défilé sur nos écrans, le 7 octobre, sont des violations graves, si elles sont prouvées, du droit international humanitaire.

Et on ne peut pas regarder des vidéos d’Israéliens innocents traqués un samedi matin lors d’une fête sans s’interroger un instant sur la haine et la cruauté qui ont motivé ces attaques. Ces actes que nous avons vus le 7 octobre ne sont pas en phase avec nos valeurs humaines. Ils sont insupportables pour toute personne qui croit en Dieu. Ils sont totalement contraires aux valeurs de l’Islam et ne peuvent être commis au nom d’une religion dont le nom exprime l’idée de paix.

Comme je l’ai déclaré cinq jours après les attentats du 7 octobre, nous pouvons exercer notre compétence à l’égard de crimes commis par les ressortissants des États parties. Et par conséquent, cette compétence s’applique également à tous les crimes commis par des ressortissants palestiniens ou des ressortissants de tout État partie sur le territoire israélien, s’ils sont prouvés. Et bien qu’Israël ne soit pas membre de la CPI, je suis prêt à travailler avec les États parties comme avec les États non parties pour établir les responsabilités des auteurs de ces crimes présumés. Mon objectif principal, et à vrai dire mon unique objectif, doit être guidé par la volonté d’obtenir justice pour les victimes et de respecter les engagements que j’ai pris lorsque j’ai prêté serment en vertu du Statut de Rome en tant que procureur indépendant, en examinant impartialement les éléments de preuve et en défendant les droits des victimes, qu’elles se trouvent en Israël ou en Palestine.

Depuis le 7 octobre, j’ai multiplié les efforts pour pouvoir me rendre sur place et accéder aux lieux où des crimes ont été commis en Israël, pour rencontrer les familles de ceux qui sont en deuil, ceux qui vivent dans la peur, comme si le temps s’était arrêté à un moment extrêmement douloureux, dans l’attente de leurs proches, et qui s’interrogent sur les lieux où ces personnes sont retenues comme otages et prient pour leur retour. J’ai également tout mis en œuvre pour entrer dans Gaza, en vain. À Gaza, je voulais rencontrer ceux dont la souffrance est immense, entendre directement leurs témoignages et, par-dessus tout, leur promettre, leur donner l’assurance qu’ils jouissent d’un droit intangible à l’accès à la justice. Justice doit leur être rendue, et ils doivent jouir du même droit d’accès à la justice que toute personne que Dieu a créée.

C’est de cela qu’il s’agit, de l’impartialité que symbolisent les yeux bandés de la déesse de la Justice. Certains comportements sont interdits et certains droits doivent être protégés. Et bien que je n’aie pas pu me rendre à Gaza lors de ce voyage, je me suis trouvé à ses portes lorsque je suis allé au point de passage de Rafah ce matin. Et je crois que toute personne sensée serait d’accord pour dire qu’au-delà de ce passage, — et j’avais en tête ces images qui défilent sous nos yeux à la télévision dans le monde entier — au-delà de ce passage, se trouvent des Palestiniens innocents, des enfants innocents, des garçons et des filles qui devraient être à l’école, qui devraient jouer dans des terrains de jeu, jouer au football ou avec leurs amis, apprendre et étudier, et espérer construire un avenir meilleur, dans l’espoir de remédier aux erreurs commises par cette génération de dirigeants et à nos propres lacunes. Et au lieu de cela, ils endurent des souffrances inimaginables. Et les images que nous voyons ne peuvent être décrites que comme terrifiantes et poignantes, des Palestiniens qui ne veulent pas prendre part à ce conflit se retrouvent pris au piège, au milieu des hostilités. Et trop de morts et de blessés sont à déplorer. Et il est alarmant de voir les corps de jeunes enfants, qui pourraient être nos propres enfants, traînés dans la poussière, immobiles et silencieux, lorsque des corps sans vie ou des blessés couverts de sang, sont transportés de toute urgence dans des établissements médicaux qui n’ont peut-être pas les moyens de les soigner et de leur donner une chance de respirer l’air et de voir le soleil le lendemain.

Le fait que des civils innocents soient pris au piège d’une guerre à laquelle ils ne peuvent échapper et dont ils ne sont pas responsables est intolérable. Nous devons prendre du recul et convenir qu’il n’est pas acceptable qu’ils soient pris dans une guerre dont ils ne sont pas responsables et qu’ils soient privés de la possibilité de vivre une vie normale comme nous et de pouvoir contribuer à bâtir un monde meilleur. Et en tant que société, nous ne pouvons tout simplement pas accepter, je crois, que la nature brutale de la guerre soit un fait accompli. Nous ne pouvons pas volontairement détourner nos visages de cette souffrance parce que les images poignantes qui défilent sur nos écrans sont trop difficiles à regarder. Nous ne pouvons pas détourner le regard de la souffrance des innocents en particulier. Et nous ne pouvons pas et ne devons pas perdre de vue qu’il existe des lois qui régissent la conduite des hostilités.

Aucun blanc-seing n’a été accordé à quiconque. Nul ne peut faire comme bon lui semble pour poursuivre un objectif particulier. Les lois que nous avons, le Statut de Rome en vertu duquel j’exerce, exigent que les vies innocentes soient protégées plus que tout. Et ce qui est le plus important, c’est que l’application de la loi n’est pas une vue de l’esprit. Les gens entendent des promesses depuis longtemps. Les litanies de mots prononcées pourraient remplir des bibliothèques entières. Je considère que les protections offertes par le droit s’appliquent à tous de manière égale, sans aucune distinction fondée sur la race, la religion, la nationalité ou le genre.

Tous les enfants sont égaux devant Dieu. Tous les enfants sont égaux devant Dieu. Lorsque le Saint Coran déclare que tuer un innocent revient à tuer toute l’humanité, il n’établit pas de distinction entre les musulmans et les non-musulmans. Au contraire, il dit que tuer un innocent, c’est tuer toute l’humanité, sauver un innocent –  pas un innocent de telle ou telle religion, un innocent de telle ou telle nationalité – mais sauver un innocent, c’est sauver toute l’humanité. Et vous connaissez tous le Saint Coran et vous savez que ce verset fait spécifiquement écho au message donné au prophète Moïse, que la paix soit avec lui. C’est donc un point de convergence entre les enseignements de la foi juive et de la foi musulmane. Malheureusement, nous faisons souvent fi de ces préceptes fondamentaux à partir desquels le droit a été créé des milliers d’années plus tard.

À cet égard, je dois dire qu’Israël a des obligations claires en ce qui concerne la guerre qu’elle mène contre le Hamas : pas seulement des obligations morales, mais des obligations juridiques découlant du droit des conflits armés. Celles-ci sont énoncées, noir sur blanc, dans le Statut de Rome. Elles sont énoncées, noir sur blanc, dans les Conventions de Genève.

Israël dispose d’une armée professionnelle bien entraînée. Je sais que cette armée compte en son sein des avocats généraux et qu’elle dispose d’un système qui vise à assurer le respect du droit international humanitaire. Des avocats prodiguent des conseils lorsqu’il s’agit de prendre des décisions relatives à certaines cibles, et ils connaissent parfaitement leurs obligations et savent qu’ils doivent être en mesure de rendre compte de leurs actions. Ils devront démontrer que toute attaque, toute attaque qui touche des civils innocents ou des biens protégés, doit être menée conformément au droit et aux coutumes de la guerre, conformément au droit des conflits armés.

Ils doivent démontrer la bonne application des principes de distinction, de précaution et de proportionnalité. Et je veux être tout à fait clair pour qu’il n’y ait pas de malentendu : chaque maison d’habitation, chaque école, chaque hôpital, chaque église, chaque mosquée, tous ces lieux sont protégés, à moins que le statut de bien protégé ait été perdu. Et je tiens à être tout aussi clair sur le fait que la charge de prouver que le statut de bien protégé n’est plus applicable incombe aux auteurs du tir, qu’il s’agisse d’un tir à l’arme à feu, d’un tir de missile ou d’un tir de roquette.

Mon Bureau examinera certainement toutes les informations reçues à cet égard afin de s’assurer que le droit n’est pas considéré comme une sorte d’option à prendre ou à laisser. Sa raison d’être est de régir les relations sociales, de nous éloigner des portes de l’enfer et nous épargner des souffrances supplémentaires. Or, ce principe s’applique également au Hamas en ce qui concerne les tirs de roquettes sur Israël, lorsque ses membres prennent pour cibles des civils ou qu’ils effectuent ces tirs en sachant pertinemment qu’ils ne disposent pas de la précision nécessaire pour éviter les victimes civiles. Comme je l’ai dit quelques jours seulement après les événements du 7 octobre, mon Bureau mène actuellement une enquête sur la Palestine et peut exercer sa compétence sur les crimes qui auraient été commis sur le territoire palestinien par toute partie à partir de 2014. Et notre compétence s’applique également aux événements qui se déroulent actuellement à Gaza et en Cisjordanie. Je suis par ailleurs extrêmement préoccupé par la flambée des attaques qui seraient commises par des colons israéliens contre des civils palestiniens en Cisjordanie. Nous allons enquêter sur ces attaques et toutes les autres attaques doivent cesser immédiatement.

Le message que je veux faire passer à présent est celui que j’ai prononcé dans de nombreuses parties du monde. Il découle du critère commun de légalité que nous devons faire respecter et du principe selon lequel chaque individu, chaque citoyen jouit d’un droit d’accès à la justice. Le message que je souhaite faire passer est que toute personne qui a le doigt sur la gâchette d’une arme à feu ou qui contrôle un missile est soumise à certaines obligations. Mon Bureau examinera la situation de près pour vérifier si ces obligations sont respectées ou non.

Et en ce qui concerne les États, j’exhorte les États parties à la CPI et les États non parties à contribuer collectivement à faire respecter les Conventions de Genève, au respect collectif des principes du droit international coutumier et des principes du Statut de Rome, à partager les éléments de preuve concernant toute allégation de crime afin que nous puissions enquêter comme il se doit sur ces crimes présumés et en poursuivre les auteurs le cas échéant.

Comme je l’ai déjà annoncé sur nos différents supports de communication, notamment sur le site web de la CPI, sur Twitter, en arabe, en hébreu et en anglais nous avons mis à la disposition de tous un portail sécurisé sur lequel les individus, les téléspectateurs, les citoyens du monde entier peuvent nous envoyer des informations, qui pourraient s’avérer pertinentes ou probantes pour l’enquête en Palestine ou en Israël. Les crimes qui auraient été commis dans les deux pays doivent faire l’objet d’une enquête.

J’appelle également les organisations de la société civile du monde entier à travailler à nos côtés, de manière professionnelle et objective. Je lance un appel particulier aux ONG pour qu’elles nous envoient toutes les preuves qui étayent les rapports, les communiqués ou les avis qu’elles publient. Bien entendu, les rapports des ONG ne constituent pas des preuves en soi et, conformément à l’engagement solennel que j’ai pris lors de ma prise de fonctions, je n’agirai pas sans avoir recueilli au préalable des preuves fiables susceptibles d’être corroborées et présentées devant un tribunal.

Je tiens également à préciser que mon Bureau mène des enquêtes criminelles crédibles, pertinentes, professionnelles et indépendantes. Je ne me répands donc pas en commentaires sur les réseaux sociaux, ou ailleurs concernant la progression des enquêtes dans cette situation ou dans toute autre. Je n’ai jamais agi de la sorte et je n’ai pas l’intention de déroger à cette règle. L’absence de commentaires ne saurait toutefois être interprétée comme une interruption de l’enquête.

La prise d’otages constitue une grave violation des Conventions de Genève. Il s’agit d’un crime relevant du Statut de Rome. Et j’appelle à la libération immédiate de tous les otages pris en Israël et à leur retour sain et sauf auprès de leurs familles.

Nous avons reçu de nombreuses informations de la part du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, du chef du Bureau de la coordination des affaires humanitaires, Monsieur Martin Griffiths, et de l’Organisation mondiale de la santé à propos de la situation humanitaire désastreuse à Gaza. Le fait d’entraver l’acheminement des secours, en vertu des dispositions des Conventions de Genève, peut constituer un crime relevant de la compétence de la Cour. Je tiens à avertir clairement Israël de la nécessité de déployer des efforts perceptibles, sans plus tarder, pour couvrir les besoins fondamentaux des civils : de la nourriture, des médicaments, des anesthésiques et de la morphine. Nous entendons parler d’opérations chirurgicales qui se déroulent sans ces médicaments de base, comme si nous étions au Moyen Âge. Il est impératif de permettre l’accès des civils à la nourriture et à l’eau, et d’organiser un ravitaillement sanitaire dont ils ont désespérément besoin.

Ce matin, j’ai vu des camions remplis de produits, remplis d’aide humanitaire, bloqués là où personne n’en a besoin, bloqués en Égypte, bloqués à Rafah et loin des bouches affamées ou des plaies saignantes. Ce ravitaillement doit parvenir sans délai aux civils de Gaza. Et de la même manière, je prévient le Hamas et tous ceux qui ont le contrôle de Gaza, que lorsque, si Dieu le veut, une telle aide arrivera à Gaza, il est impératif que cette aide parvienne à la population civile, et ne soit pas utilisée à mauvais escient ou détournée.

Je pense que notre humanité commune, notre foi, nos traditions, exigent que nous honorions le souvenir de tant de vies perdues et que nous adressions nos condoléances à leurs proches. En Israël, ceux qui ont été enterrés, ceux qui attendent le retour de leurs proches et ces mêmes sentiments, ces mêmes relations filiales et ces mêmes liens de sang, de famille, d’amitié s’appliquent à Gaza à ces Palestiniens qui souffrent si profondément — pour tous ceux qui sont enterrés et pour tant d’avenirs qui ont déjà été écourtés dans ce conflit odieux.

Il est vraiment tragique, alors que nous exprimons nos condoléances, de ne pas comprendre ce qui peut bien arriver à cette Terre Sainte d’Israël et de Palestine, dont le sol ne parvient pas à absorber le sang de tant d’innocents ni les larmes de leurs proches.

Je vais terminer mon allocution là où j’ai commencé, en rappelant la gravité du moment, la gravité de la situation. Il ne faut jamais partir du principe que la situation ne peut se détériorer davantage. Ce que nous observons aujourd’hui à travers le monde, ce sont des épicentres de violence, que ce soit en Ukraine ou au Sahel, les événements au Darfour, le sort des Rohingyas, la situation en Afghanistan. Je pense que nous traversons une époque où il est impératif de s’en remettre à la loi. Il nous appartient de le faire. Nous le devons à nos enfants. Nous devons agir parce que nous sommes à un moment charnière, particulièrement dangereux.

J’ai bien peur que nous nous retrouvions au fond du gouffre si nous ne parvenons pas, collectivement, à un sursaut d’humanité, de compassion, à faire mieux , à faire plus pour nous battre pour des causes qui ne sont pas fondées sur la religion, l’appartenance ethnique ou la nationalité, la richesse ou la pauvreté, mais tout simplement parce que nous aspirons à vivre dans un monde sans parti pris. Nous voulons vivre dans un monde juste. Nous devons faire mieux qu’à présent, pour apaiser la détresse et la souffrance de tant de personnes. Il est de notre devoir de nous appuyer sur le droit pour obtenir justice et mettre un terme aux violences et aux souffrances qu’elles engendrent autour de nous.

Merci beaucoup pour votre attention. Merci infiniment.

Cette transcription a été tirée du site de la CPI.