Résolution de l’ONU sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes (1952)
« Les Etats membres de l’Organisation doivent reconnaître et favoriser la réalisation, en ce qui concerne les populations des territoires sous tutelle placés sous leur administration, du droit des peuples à disposer d’eux mêmes et doivent faciliter l’exercice de ce droit aux peuples de ces territoires, compte de l’esprit et des principes de la charte des Nations Unies en ce qui concerne chaque territoire et de la volonté librement exprimée des populations intéressées, la volonté de la population étant déterminée par voie de plébiscité ou par d’autres moyens démocratiques reconnus, de préférence sous l’égide des Nations Unies. »
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En 1955, une trentaine de pays asiatiques et africains ont acquis leur indépendance. Conscients de leur force, ils décident alors de tout mettre en oeuvre pour aider à se libérer les autres peuples de couleur qui subissent encore une domination étrangère. Tel est l’objet de la conférence de Bandung qui marque l’entrée du Tiers Monde sur la scène internationale, et dont voici la résolution finale.
COMMUNIQUE FINAL DE LA CONFERENCE DE BANDOENG (1955)
« Une conférence des Nations afro-asiatiques convoquée par les gouvernements de Birmanie, de Ceylan, de l’Inde, d’Indonésie et du Pakistan s’est réunie à Bandoeng du 18 au 24 avril 1955. Outre les pays promoteurs, les Etats suivants ont participé à la conférence : Afghanistan, Cambodge, République populaire de Chine, Egypte, Ethiopie, Côte de l’Or, Iran, Irak, Japon, Jordanie, Laos, Liban, Libéria, Libye, Népal, Philippines, Arabie Saoudite, Soudan, Syrie, Siam, Turquie, République populaire du Vietnam (Vietminh), Etat du Vietnam et Yémen. La Conférence afro-asiatique a étudié le rôle de l’Asie et de l’Afrique et a examiné les moyens grâce auxquels les peuples des pays représentés peuvent réaliser la coopération économique, culturelle et politique la plus étroite.
La Conférence afro-asiatique reconnaît la nécessité urgente d’encourager le développement économique de la zone afro-asiatique.
Les pays participants ont exprimé le désir général d’une coopération économique sur la base des intérêts mutuels et du respect de la souveraineté nationale.
Les propositions concernant la coopération économique entre les pays participants n’excluent pas le caractère désirable ou la nécessité d’une coopération avec les pays en dehors de la zone afro-asiatique, y compris les investissements en capitaux étrangers. (…)
La Conférence afro-asiatique recommande :
L’établissement sans retard d’un fonds des Nations Unies pour le développement économique.
L’allocation par la Banque internationale de reconstruction et de développement d’une plus grande partie de ses ressources aux pays afro-asiatiques.
D’encourager l’organisation de projets communs entre les pays afro-asiatiques, dans la mesure où cela correspondra à leurs intérêts communs. (…)
La Conférence est persuadée que le développement de la coopération culturelle figure parmi les moyens les plus puissants d’entente des nations. L’Asie et l’Afrique ont été le berceau de grandes religions et de grandes civilisations qui ont enrichi d’autres cultures et d’autres civilisations. Ainsi la culture asiatique et africaine est basée sur des fondements spirituels universels. Malheureusement, les contacts culturels entre les pays asiatiques et africains ont été interrompus au cours des siècles passés.
Les peuples d’Asie et d’Afrique sont maintenant animés d’un désir sincère de renouveler leurs contacts culturels et d’en développer de nouveaux dans le cadre du monde moderne. Tous les gouvernements participants ont confirmé leur intention de travailler pour une coopération plus étroite.
La Conférence a pris note du fait que l’existence du colonialisme en de nombreuses régions d’Asie et d’Afrique, quelle que soit sa forme, entrave la coopération culturelle ainsi que le développement des cultures nationales.
Certaines puissances coloniales ont dénié aux peuples coloniaux les droits fondamentaux dans le domaine de l’éducation et de la culture, ce qui entrave le développement de leur personnalité ainsi que les échanges culturels avec d’autres peuples asiatiques et africains.
Cela est particulièrement vrai dans le cas de la Tunisie, de l’Algérie et du Maroc, où le droit fondamental des peuples d’étudier leur propre langue et leur propre culture n’est pas respecté.
Des discriminations semblables ont été pratiquées dans certaines régions du continent africain contre d’autres peuples (…).
La conférence afro-asiatique s’est penchée anxieusement sur la question de la paix mondiale et de la coopération. Elle a pris note avec une profonde inquiétude de l’état de tension internationale et du danger de guerre atomique mondiale. Le problème de la paix est le corollaire du problème de la sécurité internationale. A cet égard, tous les pays devraient coopérer, particulièrement par un truchement des Nations Unies, pour amener une réduction des armements et l’élimination des armes nucléaires sous un contrôle international efficace. C’est de cette manière que la paix internationale peut être assurée et l’énergie nucléaire utilisée exclusivement à des fins pacifiques. Cela contribuerait à répondre aux besoins particuliers de l’Afrique et de l’Asie, car elles ont un besoin urgent de progrès social et d’un meilleur niveau de vie, ainsi que d’une plus grande liberté. Liberté et paix sont interdépendantes. Le droit à disposer de soi doit être accordé à tous les peuples, et la liberté et l’indépendance doivent être accordées dans les délais les plus courts possibles à ceux qui sont encore soumis.
En vérité, toutes les Nations devraient avoir le droit de choisir librement leurs propres systèmes politique et économique et leur propre mode de vie, conformément aux principes et aux buts des Nations Unies.
Libérées de la méfiance, de la crainte, faisant preuve de bonne volonté mutuelle, les Nations devraient pratiquer la tolérance, vivre en paix dans un esprit de bon voisinage et développer une coopération amicale sur la base des principes suivants :
1) Respect des droits humains fondamentaux en conformité avec les buts et les principes de la Charte des Nations Unies ;
2) Respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de toutes les Nations ;
3) Reconnaissance de l’égalité de toutes les races et de l’égalité de toutes les Nations, petites et grandes ;
4) Non-intervention et non-ingérence dans les affaires intérieures des autres pays ;
5) Respect du droit de chaque Nation de se défendre individuellement ou collectivement conformément à la Charte des Nations Unies ;
6) Refus de recourir à des arrangements de défense collective destinés à servir les intérêts particuliers des grandes puissances quelles qu’elles soient ; refus par une puissance quelle qu’elle soit d’exercer une pression sur d’autres ;
7) Abstention d’actes ou de menaces d’agression ou de l’emploi de la force contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’un pays ;
8) Règlement de tous les conflits internationaux par des moyens pacifiques, tels que négociation ou conciliation, arbitrage ou règlement devant les tribunaux, conformément à la Charte des Nations Unies ;
9) Encouragement des intérêts mutuels et coopération ;
10) Respect de la justice et des obligations internationales. (…) »
Extraits du Communiqué final de la Conférence de Bandoeng, avril 1955.
Autres extraits du même texte
« La conférence afro-asiatique a pris note du fait que l’existence du colonialisme dans plusieurs parties de l’Asie et de l’Afrique, sous quelque forme qu’il se présente, non seulement entrave la coopération culturelle mais aussi le développement des cultures nationales. Certaines puissances coloniales ont refusé à leurs sujets coloniaux les droits élémentaires en matière d’éducation et de culture, ce qui entrave le développement de leur personnalité et aussi la collaboration culturelle avec les autres peuples d’Afrique et d’Asie. Cela est particulièrement vrai pour la Tunisie, l’Algérie et le Maroc où le droit fondamental de ces peuples d’étudier leur propre langue et leur culture a été supprimé. De semblables discriminations ont été pratiquées contre les Africains et les peuples de couleur dans certaines parties du continent africain.
La conférence condamne un tel défi des droits fondamentaux de l’homme (…) comme une forme d’oppression culturelle.
La conférence déclare approuver entièrement les principes fondamentaux des Droits de l’homme, tels qu’ils sont définis dans la Charte de l’O.N.U. (…), et appuyer entièrement le principe du droit des peuples et des nations à disposer d’eux-mêmes tel qu’il est défini dans la Charte (…)
La conférence, après avoir discuté le problème des peuples dépendants du colonialisme et des conséquences de la soumission des peuples à la domination et à l’exploitation étrangères, est d’accord :
– Pour déclarer que le colonialisme sous toutes ses formes est un mal auquel il doit être rapidement mis fin.
– Pour affirmer que la soumission des peuples au joug étranger et à l’exploitation étrangère constitue une violation des droits fondamentaux de l’homme, est contraire à la Charte des Nations unies et est un obstacle à la consolidation de la paix mondiale.
– Pour affirmer son soutien à la cause de la liberté et de l’indépendance de tels peuples.
Devant la situation troublée en Afrique du Nord et le refus persistant à ces peuples de leur droit à l’auto- détermination, la conférence accorde son soutien au droit des peuples d’Algérie, Tunisie, Maroc à l’auto- détermination et à l’indépendance; demande au gouvernement français d’aboutir à un règlement pacifique de cette affaire sans délai.
La conférence, conformément à la position qu’elle a prise sur l’abolition du colonialisme, soutient l’interprétation indonésienne de la clause des accords Pays-Bas-Indonésie relative à l’ouest. Elle presse le gouvernement néerlandais de rouvrir aussi tôt que possible les négociations pour remplit les obligations mentionnées ci-dessus; elle exprime l’espoir le plus ardent de voir les Nations unies aider les parties intéressées à trouver une solution pacifique du différend. »
Extrait de « Les mémoires de l’Europe », tome VI, l’Europe moderne, sous la direction de Jean-Pierre Vivet, édition Robert Laffont, Paris, 1973
Che Guevara à Alger (1965)
« Chers frères,
CUBA participe à cette Conférence, d’abord pour faire entendre à elle seule la voix des peuples d’Amérique, mais aussi en sa qualité de pays sous-développé qui, en même temps, construit le socialisme. (…)
Cette conférence est une assemblée de peuples en lutte ; cette lutte se développe sur deux fronts également importants et réclame tous nos efforts. (…)
Chaque fois qu’un pays se détache de l’arbre impérialiste, ce n’est pas seulement une bataille partielle gagnée contre l’ennemi principal, c’est aussi une contribution à son affaiblissement réel et un pas de plus vers la victoire finale. Il n’est pas de frontières dans cette lutte à mort. (…) La pratique de l’internationalisme prolétarien n’est pas seulement un devoir pour les peuples qui luttent pour un avenir meilleur, c’est aussi une nécessité inéluctable. (…)
Nous devons tirer une conclusion de tout cela : le développement des pays qui s’engagent sur la voie de la libération doit être payé par les pays socialistes. Nous le disons sans aucune intention de chantage ou d’effet spectaculaire, ni en cherchant un moyen facile de nous rapprocher de tous les peuples afro-asiatiques, mais bien parce que c’est notre conviction profonde. (…)
Comment peut-on appeler « bénéfice mutuel » la vente à des prix de marché mondial de produits bruts qui coûtent aux pays sous-développés des efforts et des souffrances sans limites et l’achat à des prix de marché mondial de machines produites dans les grandes usines automatisées qui existent aujourd’hui ? (…) »
Extraits du discours prononcé par le Che au cours du Séminaire économique de solidarité afro-asiatique, les 22 et 27 février 1965 à Alger. repris de http://www.temoignages.re/article.php3?id_article=25299 (état le 15 juin 2008)