Rapports USA-Europe selon Kennedy
« (…) Nous ne regardons pas une Europe forte et unie comme une rivale, mais comme une associée. Apporter une aide à ses progrès a constitué un objectif fondamental de notre politique étrangère pendant dix-sept ans. Nous croyons qu’une Europe unie sera capable de jouer un plus grand rôle dans la défense commune, de répondre plus généreusement aux besoins des nations plus pauvres, de se joindre aux États-Unis et à d’autres pays pour abaisser les barrières douanières, de résoudre les problèmes de devises et de marchandises, et de mettre en oeuvre une politique coordonnée dans tous les autres domaines : économique, politique et diplomatique. Nous voyons dans une telle Europe une associée avec laquelle nous pourrions mener, sur une base de pleine égalité, toutes les lourdes et grandes tâches qui ont trait à l’édification et à la défense d’une communauté de nations libres.
Il serait prématuré, en ce moment, de faire plus que de souligner la haute considération que nous accordons à la formation de cette association. La première chose à faire est, pour nos amis européens, d’aller de l’avant en formant l’union plus parfaite qui rendra quelque jour cette association possible.
Un grand édifice nouveau ne se construit pas du jour au lendemain. (…) L’édification de l’association atlantique ne sera achevée ni aisément, ni à bas prix.
Mais je dirai ici aujourd’hui, en ce jour anniversaire de l’indépendance, que les États-Unis sont prêts à souscrire à une déclaration d’interdépendance, que nous sommes en mesure de discuter avec une Europe unie des voies et des moyens de former une association atlantique concrète – association au bénéfice mutuel de la nouvelle union qui se dessine actuellement en Europe et de la vieille union américaine fondée ici, il y a 175 ans.
Tout cela ne sera pas achevé en un an, mais que le monde sache que c’est aujourd’hui notre but. (…)
Aujourd’hui, les Américains doivent apprendre à penser intercontinentalement.
Agissant de notre propre mouvement, nous ne pouvons pas établir la justice à travers le monde, nous ne pouvons pas assurer sa tranquillité intérieure, ni pourvoir à sa défense commune, ni promouvoir la prospérité générale, ni garantir les bienfaits de la liberté à nous-mêmes et à nos enfants. Mais, unis aux autres nations libres, nous pouvons faire tout cela et plus encore. Nous pouvons aider les nations en cours de développement à rejeter le joug de la pauvreté. Nous pouvons équilibrer nos échanges et nos paiements mondiaux au plus haut niveau possible d’expansion. Nous pouvons mettre sur pied une force de dissuasion assez puissante pour prévenir toute agression. Et, en définitive, nous pouvons contribuer à l’avènement d’un monde où règnent le droit et le libre choix, un monde d’où seraient bannies la guerre et l’oppression.
Car l’association atlantique dont je parle ne peut se tourner seulement vers l’intérieur, se préoccuper de sa propre prospérité et de ses propres progrès. Elle doit se tourner vers l’extérieur et coopérer avec toutes les nations en faisant face à leurs soucis communs. Elle doit servir de noyau à l’union finale de tous les hommes libres – ceux qui sont libres aujourd’hui et ceux qui souhaitent l’être un jour. (…). »
John F. KENNEDY, « Allocution à l’Independence Hall, Philadelphie », 4 juillet 1962. Extraits traduits in http://www.cvce.eu/content/publication/1999/1/1/052b3b13-dfe1-40df-9396-3a007abbb425/publishable_fr.pdf . Source : http://www.presidency.ucsb.edu/ws/index.php?pid=8756&st=&st1=#axzz1h5TwADrU [consultés le 30 mars 2012]
_______________________________________________________________________________________________
Le genre de paix que nous désirons.
Discours de John Kennedy
UNIVERSITE AMERICAINE, WASHINGTON, D.C., le 10 juin 1963
« Il est peu de choses terrestres plus belles qu’une université », écrivait John Masefield dans l’hommage qu’il rendait aux universités anglaises – et ces mots sont également vrais ici. Il ne voulait pas parler des flèches et des tours, des vertes pelouses et des murs couverts de lierre. Il admirait la rayonnante beauté d’une université parce que c’était, disait-il, « le lieu où ceux qui haïssent l’ignorance peuvent s’efforcer de s’instruire, où ceux qui perçoivent la vérité, peuvent s’efforcer de la faire comprendre aux autres ».
J’ai donc choisi ce moment et ce lieu pour discuter une question sur laquelle l’ignorance est trop souvent répandue, et la vérité trop rarement perçue. Et c’est pourtant la plus importante question sur la terre : la paix mondiale.
Quelle sorte de paix veux-je évoquer ? Quelle sorte de paix recherchons-nous ? Non une Pax Americana imposée au monde par les armes de guerre américaines ; non la paix du tombeau ou la sécurité de l’esclave. Je parle de la paix authentique, la sorte de paix qui fait que la vie sur terre vaut d’être vécue ; la sorte de paix qui permet aux hommes et aux nations de croître, d’espérer et d’édifier une vie meilleure pour leurs enfants ; non seulement la paix pour les Américains, mais la paix pour tous les hommes, non seulement la paix dans notre temps, mais la paix dans tous les temps.
Je parle de la paix en raison du nouvel aspect de la guerre. La guerre totale est absurde en un âge où les grandes puissances peuvent maintenir de puissantes forces nucléaires relativement invulnérables et refuser de capituler sans avoir recours à ces forces. Elle est absurde en un âge où une seule arme nucléaire représente près de dix fois la force explosive de toutes les armes lancées par les forces aériennes alliées pendant la seconde guerre mondiale. Elle est absurde en un âge où les poisons mortels produits par l’emploi réciproque d’armes nucléaires seraient transportés par le vent, par l’eau, par le sol et par les graines jusqu’aux coins les plus reculés du globe et contamineraient les générations à venir.
Aujourd’hui, les milliards de dollars que nous dépensons tous les ans pour nous procurer des armes dans l’intention de nous assurer que nous n’aurons jamais besoin de les utiliser sont indispensables au maintien de la paix. Mais, sans aucun doute, l’acquisition de tels stocks inactifs – qui ne peuvent que détruire et jamais créer – n’est pas le seul moyen, et encore moins le moyen le plus efficace d’assurer la paix.
Je parle donc de la paix comme de la fin nécessaire et raisonnable que doivent envisager des hommes raisonnables. J’ai conscience que la poursuite de la paix n’est pas aussi spectaculaire que celle de la guerre, et souvent les termes employés par ceux qui la poursuivent tombent dans des oreilles lasses. Mais nous n’avons pas de tâche plus urgente.
Certains disent qu’il est vain de parler de paix mondiale, de droit mondial ou de désarmement mondial, et que cela sera vain aussi longtemps que les dirigeants de l’Union soviétique n’adopteront pas une attitude plus éclairée. J’espère qu’ils le feront , je crois que nous pouvons les y aider. Mais je crois aussi que nous devons examiner notre propre attitude, sur le plan individuel comme sur le plan national, car notre attitude est aussi essentielle que la leur. Et chaque diplômé de cette école, chaque citoyen conscient que la guerre désespère et qui souhaite concourir à l’avènement de la paix, devrait commencer par s’interroger, par examiner sa propre attitude vis-à-vis des possibilités de paix, vis-à-vis de l’Union soviétique, vis-à-vis du cours de la guerre froide et vis-à-vis de la liberté et de la paix ici, dans notre pays.
Premièrement, réexaminons notre attitude vis-à-vis de la paix elle-même. Trop d’entre nous pensent qu’elle est impossible, qu’elle est irréelle. Mais c’est une conception dangereuse, défaitiste. Elle mène à la conclusion que la guerre est inévitable, que l’humanité est condamnée, que nous sommes sous l’emprise de forces que nous ne pouvons contrôler.
Il n’y a pas de raison d’accepter cette façon de voir. Nos problèmes sont créés par l’homme, ils peuvent donc être résolus par l’homme. Et l’homme peut être aussi grand quand il le veut.(…)
(…) La paix mondiale, comme la paix locale, n’exige pas que chaque homme aime son voisin. Elle exige que tous vivent en intelligence, soumettent leurs différends à un mode d’arbitrage juste et pacifique. Et l’histoire nous enseigne que les inimitiés entre nations comme entre individus ne sont pas éternelles, quelque profondément enracinées que puissent sembler nos sympathies et nos antipathies.(…)
Deuxièmement, réexaminons notre attitude vis-à-vis de l’Union soviétique. Il est décourageant de penser que les dirigeants soviétiques croient vraiment ce qu’écrivent continuellement leurs propagandistes. Il est décourageant de lire un texte soviétique récent sur la stratégie militaire qui fait autorité, et d’y trouver page après page, des déclarations incroyables et dénuées de tout fondement, telles que l’allégation selon laquelle « les milieux impérialistes américains se préparent à déclencher divers types de guerre…Il existe une réelle menace de guerre préventive dirigée par les impérialistes américains contre l’ Union soviétique… et les buts politiques des impérialistes américains sont de réduire en esclavage économique et politique les pays européens et autres pays capitalistes…et de s’assurer la domination du monde…par le moyen de guerres d’agression ».
A vrai dire, comme on l’a écrit il y a bien longtemps . « Le méchant s’enfuit alors que personne ne le poursuit. » Cependant, il est triste de lire ces déclarations soviétiques – de se rendre compte de la largeur du gouffre qui nous sépare. Mais c’est aussi un avertissement – un avertissement donné au peuple américain pour qu’il ne tombe pas dans le même piège que les Soviétiques, pour qu’il ne se fasse pas seulement une image déformée et désespérément pessimiste de l’autre camp, pour qu’il ne considère pas les conflits comme inévitables, les arrangements comme impossibles et les communications comme rien de plus qu’un échange d’épithètes et de menaces.
Aucun gouvernement, aucun système social n’est si mauvais que le peuple qu’il représente doive être considéré comme manquant de toute qualité. Nous, Américains, nous avons une aversion profonde pour le communisme, en tant qu’il constitue une négation de la liberté et de la dignité de la personne. Mais nous pouvons encore rendre hommage au peuple russe pour ses nombreuses réalisations dans le domaine de la science et de l’espace, du développement économique et industriel, de la culture et du courage.
Parmi les nombreux traits que les peuples de nos deux pays ont en commun, aucun n’est plus fort que notre haine commune de la guerre. (…)
Troisièmement, réexaminons notre attitude vis-à-vis de la guerre froide. Rappelons que nous ne sommes pas engagés dans un débat où nous chercherions à multiplier les sujets de dissension. Nous ne sommes pas ici pour distribuer le blâme ou désigner le coupable du doigt. Nous devons prendre le monde tel qu’il est et non tel qu’il aurait pu être si l’histoire des dix-huit dernières années avait été différente.(…) Nous ne voulons pas imposer notre système à tout un peuple qui n’en veut pas, mais nous voulons et nous pouvons nous engager dans une compétition pacifique avec n’importe quel autre système sur la Terre. (…) »
John F. Kennedy, »The Burden and the Glory », 1964
extrait plus court du même discours
La guerre totale est absurde
« La guerre totale est absurde en un âge où les grandes puissances peuvent maintenir de puissantes forces nucléaires relativement invulnérables et refuser de capituler sans avoir recours à ces forces. (…) Aujourd’hui, les milliards de dollars que nous dépensons tous les ans pour nous procurer des armes dans l’intention de nous assurer que nous n’aurons jamais besoin de les utiliser sont indispensables au maintien de la paix. Mais, sans aucun doute, l’acquisition de tels stocks inactifs – qui ne peuvent que détruire et jamais créer – n’est pas le seul moyen, et encore moins le moyen le plus efficace d’assurer la paix. (…) La paix mondiale, comme la paix locale, n’exige pas que chaque homme aime son voisin. Elle exige que tous vivent en intelligence, soumettent leurs différends à un mode d’arbitrage juste et pacifique. (…)
Nous, Américains, nous avons une aversion profonde pour le communisme, en tant qu’il constitue une négation de la liberté et de la dignité de la personne. Mais nous pouvons encore rendre hommage au peuple russe pour ses nombreuses réalisations dans le domaine de la science et de l’espace, du développement économique et industriel, de la culture et du courage. (…) Nous ne voulons pas imposer notre système à tout un peuple qui n’en veut pas, mais nous voulons et nous pouvons nous engager dans une compétition pacifique avec n’importe quel autre système sur la Terre. »
Discours de John F. Kennedy prononcé à l’université de Washington, 10 juin 1963.