L’ensemble de ces textes sont découpés dans les sous-rubriques consacrées.
Ils sont réunis ici pour faire le lien entre eux et le test final proposé.

L’armistice

Texte lu par le maréchal Pétain, vice-président du Conseil, au Conseil des ministres, 13 juin 1940

« Nous reconnaissons tous que la situation militaire est aujourd’hui très grave. (…) Il faut bien examiner les conséquences qui résulteraient de la continuation de la lutte. Si l’on admet l’idée de persévérer grâce à la constitution d’un réduit national, on doit reconnaître que la défense de ce réduit ne pourrait être organisée par les troupes françaises en débandade, mais par des troupes anglaises fraîches. Mais si ce réduit, établi dans une région maritime, pouvait être organisé, il ne constituerait pas, à mon avis, une garantie de sécurité et exposerait à la tentation d’abandonner ce refuge incertain.

Or il est impossible au gouvernement, sans émigrer, sans déserter, d’abandonner le territoire français. Le devoir du gouvernement est, quoi qu’il arrive, de rester dans le pays sous peine de n’être plus reconnu pour tel. Priver la France de ses défenseurs naturels dans une période de désarroi général, c’est la livrer à l’ennemi.

Le renouveau français, il faut l’attendre en restant sur place, plutôt que d’une conquête de notre territoire par des canons alliés dans des conditions et un délai impossibles à prévoir.

Je suis donc d’avis de ne pas abandonner le sol français et d’accepter la souffrance qui sera imposée à la patrie et à ses fils. La renaissance française sera le fruit de cette souffrance.

Ainsi la question qui se pose en ce moment n’est pas de savoir si le gouvernement demande l’armistice, mais s’il accepte de quitter le sol métropolitain.

Je déclare, en ce qui me concerne, que hors du gouvernement s’il le faut, je me refuserai à quitter le sol métropolitain, je resterai parmi le peuple français pour partager ses peines et ses misères.

L’armistice est à mes yeux la condition nécessaire de la pérennité de la France éternelle. »

Cité par Marc Ferro dans « Pétain », Fayard, 1987.

 


Pétain annonce aux Français les conditions de l’armistice (25 juin 1940).

« Les conditions auxquelles nous avons dû souscrire sont sévères. Une grande partie de notre territoire va être temporairement occupée. Dans tout le Nord, et dans tout l’Ouest de notre pays, depuis le lac de Genève jusqu’à Tours, puis, le long de la côte, de Tours aux Pyrénées, l’Allemagne tiendra garnison. Nos armées devront être démobilisées, notre matériel remis à l’adversaire, nos fortifications rasées, notre flotte désarmée dans nos ports. En Méditerranée, des bases navales seront démilitarisées. Du moins l’honneur est-il sauf. Nul ne fera usage de nos avions et de notre flotte. Nous gardons les unités navales et terrestres nécessaires au maintien de l’ordre dans la métropole et dans nos colonies ; le gouvernement reste libre, la France ne sera administrée que par des Français.

Vous étiez prêts à continuer la lutte. Je le savais. La guerre était perdue dans la métropole. Fallait-il la prolonger dans les colonies ?

Je ne serais pas digne de rester à votre tête si j’avais accepté de répandre le sang des français pour prolonger le rêve de quelques français mal instruits des conditions de la lutte.

Je n’ai placé hors du sol de France ni ma personne ni mon espoir. Je n’ai jamais été moins soucieux de nos colonies que de la métropole. L’armistice sauvegarde le lien qui l’unit à elles ; la France a le droit de compter sur leur loyauté.

C’est vers l’avenir que désormais nous devons tourner nos efforts. Un ordre nouveau commence.

Vous serez bientôt rendus à vos foyers. Certains auront à les reconstruire. Vous avez souffert, vous souffrirez encore. Beaucoup d’entre vous ne retrouveront pas leur métier ou leur maison. Votre vie sera dure.

Ce n’est pas moi qui vous bernerai par des paroles trompeuses. Je hais les mensonges qui vous ont fait tant de mal. La terre, elle, ne ment pas. Elle demeure votre recours. Elle est la patrie elle-même. Un champ qui tombe en friche, c’est une portion de France qui meurt. Une jachère à nouveau emblavée, c’est une portion de la France qui renaît.

N’espérez pas trop de l’État. Il ne peut donner que ce qu’il reçoit. Comptez, pour le présent, sur vous mêmes et, pour l’avenir, sur vos enfants que vous aurez élevés dans le sentiment du devoir.

Nous avons à restaurer la France. Montrez-la au monde qui l’observe, à l’adversaire qui l’occupe, dans tout son calme, tout son labeur et toute sa dignité. Notre défaite est venue de nos relâchements. L’esprit de jouissance détruit ce que l’esprit de sacrifice a édifié. C’est à un redressement intellectuel et moral que, d’abord, je vous convie. Français, vous l’accomplirez et vous verrez, je vous le jure, une France neuve sortir de votre ferveur. »

Philippe Pétain, « Appel du 25 juin 1940 » , cité in P.Pétain, « Discours aux Français », édition établie par J.-C. Barbas, Paris, Albin Michel, 1989, pp.63-66.


Discours du Maréchal PÉTAIN (juin-octobre 1940)

Discours radiodiffusé du Maréchal PÉTAIN, 17 juin 1940.

« Français, à l’appel de M. le Président de la République, j’assume à partir d’aujourd’hui la direction du gouvernement de la France. Sûr de l’affection de notre admirable armée, qui lutte avec un héroïsme digne de ses longues traditions militaires contre un ennemi supérieur en nombre et en armes, sûr que par sa magnifique résistance elle accomplit nos devoirs vis-à-vis de nos alliés, sûr de l’appui des anciens combattants que j’ai eu la fierté de commander, sûr de la confiance du peuple tout entier, je fais à la France le don de ma personne pour atténuer son malheur.

En ces heures douloureuses, je pense aux malheureux réfugiés qui, dans un dénuement extrême, sillonnent nos routes. Je leur exprime ma compassion et ma sollicitude. C’est le coeur serré que je vous dis aujourd’hui qu’il faut cesser le combat.
Je me suis adressé cette nuit à l’adversaire pour lui demander s’il est prêt à rechercher avec nous, entre soldats, après la lutte et dans l’honneur, les moyens de mettre un terme aux hostilités (…). »

cité in P.Pétain, « Discours aux Français », édition établie par J.-C. Barbas, Paris, Albin Michel, 1989

 

Pétain s’adresse aux Français, 20 juin 1940

« Français ! J’ai demandé à nos adversaires de mettre fin aux hostilités. Le Gouvernement a désigné mercredi les plénipotentiaires chargés de recueillir leurs conditions.

J’ai pris cette décision, dure au cour d’un soldat parce que la situation militaire l’imposait. Nous espérions résister sur la ligne de la Somme et de l’Aisne. Le Général Weygand avait regroupé nos forces. Son nom seul présageait la victoire. Pourtant la ligne a cédé et la pression ennemie a contraint nos troupes à la retraite.

Dès le 13 juin, la demande d’armistice était inévitable. Cet échec vous a surpris. Vous souvenant de 1914 et de 1918, vous en cherchez les raisons. Je vais vous les dire.

Le 1er mai 1917, nous avions encore 3’280’000 hommes aux armées, malgré trois ans de combats meurtriers. À la veille de la bataille actuelle, nous en avions 500’000 de moins. En mai 1918, nous avions 85 divisions britanniques ; en mai 1940, il n’y en avait que 10. En 1918, nous avions avec nous les 58 divisions italiennes et les 42 divisions américaines. L’infériorité de notre matériel a été plus grande encore que celle de nos effectifs. L’aviation française a livré à un contre six ses combats. Moins forts qu’il y a vingt-deux ans, nous avions aussi moins d’amis. Trop peu d’enfants, trop peu d’armes, trop peu d’alliés, voilà les causes de notre défaite.

Le peuple français ne conteste pas ses échecs. Tous les peuples ont connu tour à tour des succès et des revers. C’est par la manière dont ils réagissent qu’ils se montrent faibles ou grands. Nous tirerons la leçon des batailles perdues. Depuis la victoire, l’esprit de jouissance l’a emporté sur l’esprit de sacrifice. On a revendiqué plus qu’on a servi. On a voulu épargner l’effort ; on rencontre aujourd’hui le malheur.

J’ai été avec vous dans les jours glorieux. Chef du Gouvernement, je suis et resterai avec vous dans les jours sombres. Soyez à mes côtés. Le combat reste le même. Il s’agit de la France, de son sol, de ses fils. »

In Histoire 1e, Nathan (Coll. J. Marseille), 1994, p. 360

Le même plus court

Appel du Maréchal PÉTAIN, 20 juin 1940.

« J’ai demandé à nos adversaires de mettre fin aux hostilités (…). Dès le 13 juin, la demande d’armistice était inévitable. Cet échec vous a surpris. Vous souvenant de 1914 et de 1918, vous en cherchez les raisons, je vais vous les dire.

Le 1er mai 1917, nous avions encore 3 280 000 hommes aux armées. A la veille de la bataille actuelle, nous en avions 500 000 de moins. En mai 1918 nous avions 85 divisions britanniques ; en mai 1940 il n’y en avait que 10. En mai 1918 nous avions avec nous les 58 divisions italiennes et les 42 divisions américaines. L’infériorité de notre matériel a été plus grande encore que celle de nos effectifs. L’aviation française a livré à un contre six ses combats (…).

Trop peu d’enfants, trop peu d’armes, trop peu d’alliés, voilà les causes de notre défaite (…). Depuis la victoire l’esprit de jouissance l’a emporté sur l’esprit de sacrifice. On a revendiqué plus qu’on a servi. On a voulu épargner l’effort ; on rencontre aujourd’hui le malheur. »

cité in P.Pétain, « Discours aux Français », édition établie par J.-C. Barbas, Paris, Albin Michel, 1989

 

Message radiodiffusé du maréchal PÉTAIN, octobre 1940.

« Le régime nouveau sera une hiérarchie sociale. Il ne reposera plus sur l’idée fausse de l’égalité naturelle des hommes, mais sur l’idée nécessaire de l’égalité des chances données à tous les Français de prouver leur aptitude à servir (…).

Ainsi renaîtront les élites véritables que le régime passé a mis des années à détruire et qui constitueront les cadres nécessaires au développement du bien-être et de la dignité de tous (…). L’autorité est nécessaire pour sauvegarder la liberté de l’État, garantie des libertés individuelles, en face des coalitions d’intérêts particuliers (…). Nous ne perdrons, en réalité, certaines apparences trompeuses de la liberté que pour mieux en sauver la substance (…).

Tous les Français, ouvriers, cultivateurs, fonctionnaires, techniciens, patrons, ont d’abord le devoir de travailler. Ceux qui méconnaîtraient ce devoir ne mériteraient plus leur qualité de citoyen (…). Les organisations professionnelles traiteront de tout ce qui concerne le métier, mais se limiteront au seul domaine professionnel. Elles assureront, sous l’autorité de l’État, la rédaction et l’exécution des conventions du travail. Elles éviteront les conflits par l’interdiction absolue des « lock-out » et des grèves, par l’arbitrage obligatoire des tribunaux du travail (…). »

cité in P.Pétain, « Discours aux Français », édition établie par J.-C. Barbas, Paris, Albin Michel, 1989

 

Maréchal Pétain, chef de l’Etat français, message radiodiffusé le 30 octobre 1940

« Français,

J’ai rencontré, jeudi dernier, le chancelier du Reich.

Cette rencontre a suscité des espérances et provoqué des inquiétudes.

Je vous dois à ce sujet quelques explications.

Une telle entrevue n’a été possible, quatre mois après la défaite de nos armes, que grâce à la dignité des Français devant l’épreuve […]. La France s’est ressaisie. Cette première rencontre entre le vainqueur et le vaincu marque le premier redressement de notre pays.

C’est librement que je me suis rendu à l’invitation du Führer. Je n’ai subi, de sa part, aucun diktat, aucune pression.

Une collaboration a été envisagée entre nos deux pays. J’en ai accepté le principe. Les modalités en seront discutées ultérieurement.

A tous ceux qui attendent aujourd’hui le salut de la France, je tiens à dire que ce salut est d’abord entre nos mains.

A tous ceux que de nobles scrupules tiendraient éloignés de notre pensée, je tiens à dire que le premier devoir de tous les Français est d’avoir confiance. […]

C’est dans l’honneur et pour maintenir l’unité française – une unité de dix siècles – dans le cadre d’une activité constructive du nouvel ordre européen que j’entre, aujourd’hui, dans la voie de la collaboration.

Ainsi, dans un avenir prochain, pourrait être allégé le poids des souffrances de notre pays, amélioré le sort de nos prisonniers, atténuée la charge des frais d’occupation. Ainsi pourrait être assouplie la ligne de démarcation et facilités l’administration et le ravitaillement du territoire.

Cette collaboration doit être sincère. Elle doit être exclusive de toute pensée d’agression. Elle doit comporter un effort patient et confiant.

L’armistice, au demeurant, n’est pas la paix. La France est tenue par des obligations nombreuses vis-à-vis du vainqueur. Du moins reste-t-elle souveraine. Cette souveraineté lui impose de défendre son sol, d’éteindre les divergences de l’opinion, de réduire les dissidences de ses colonies.

Cette politique est la mienne. Les ministres ne sont responsables que devant moi.

C’est moi seul que l’Histoire jugera.

Je vous ai tenu jusqu’ici le langage d’un père. Je vous tiens aujourd’hui le langage du chef.

Suivez-moi. Gardez confiance en la France éternelle. »

cité par Pierre Milza, « Sources de la France du XXe siècle, textes essentiels« , Larousse, 1997

Philippe Pétain, « Aux Français, paroles de chef », affiche de propagande, 1940

« L’école française de demain enseignera, avec le respect de la personne humaine, la famille, la société, la patrie. Elle ne prétendra plus à la neutralité. La vie n’est pas neutre, elle consiste à prendre parti hardiment. Il n’y a pas de neutralité possible entre le vrai et le faux, entre le bien et le mal, entre la santé et la maladie, entre l’ordre et le désordre, entre la France et l’anti-France. »


Création de l’Etat français (fin de la IIIe République)

« Loi constitutionnelle du 10 juillet 1940

ARTICLE UNIQUE. – L’Assemblée nationale donne tout pouvoir au gouvernement de la République, sous l’autorité et la signature du maréchal PÉTAIN, à l’effet de promulguer par un ou plusieurs actes une nouvelle Constitution de l’État français. Cette Constitution devra garantir les droits du travail, de la famille et de la patrie.

Elle sera ratifiée par la nation et appliquée par les Assemblées qu’elle aura créées. »

« Acte constitutionnel n° 1
(11 juillet 1940)

Nous, Philippe PÉTAIN, maréchal de France,
Vu la loi constitutionnelle du 10 juillet 1940,
Déclarons assumer les fonctions de chef de l’État français.
En conséquence, nous décrétons :
L’article 2 de la loi constitutionnelle du 25 février 1875 est abrogé. »

« Acte constitutionnel n° 2
fixant les pouvoirs du chef de l’État français
(11 juillet 1940)

ARTICLE PREMIER. –

§ Ier. Le chef de l’État français a la plénitude du pouvoir gouvernemental, il nomme et révoque les ministres et secrétaires d’État, qui ne sont responsables que devant lui.
§ 2. Il exerce le pouvoir législatif, en Conseil des ministres : 1° jusqu’à la formation de nouvelles Assemblées ; 2° après cette formation, en cas de tension extérieure ou de crise intérieure grave, sur sa seule décision et dans la même forme. Dans les mêmes circonstances, il peut édicter toutes dispositions d’ordre budgétaire et fiscal.
§ 3. Il promulgue les lois et assure leur exécution.
§ 4. Il nomme à tous les emplois civils et militaires pour lesquels la loi n’a pas prévu d’autre mode de désignation.
§ 5. Il dispose de la force armée.
§ 6. Il a le droit de grâce et d’amnistie.
§ 7. Les envoyés et ambassadeurs des puissances étrangères sont accrédités auprès de lui.
Il négocie et ratifie les traités.
§ 8. Il peut déclarer l’état de siège dans une ou plusieurs portions du territoire.
§ 9. Il ne peut déclarer la guerre sans l’assentiment préalable des Assemblées législatives.

ART. 2 – Sont abrogées toutes dispositions des lois constitutionnelles des 24 février 1875, 25 février 1875 et 16 juillet 1875, incompatibles avec le présent acte. »

« Acte constitutionnel n° 3
relatif au chef de l’État français
(11 juillet 1940)

ARTICLE PREMIER. – Le Sénat et la Chambre des députés subsisteront jusqu’à ce que soient formées les Assemblées prévues par la loi constitutionnelle du 10 juillet 1940.

ART. 2 – Le Sénat et la Chambre des députés sont ajournés jusqu’à nouvel ordre.
Ils ne pourront désormais se réunir que sur convocation du chef de l’État.

ART. 3 – L’article Ier de la loi constitutionnelle du 16 juillet 1875 est abrogé.

« Acte constitutionnel n° 4
relatif à la suppléance et à la succession
du chef de l’État français
(12 juillet 1940)

ARTICLE PREMIER. – Si pour quelque cause que ce soit avant la ratification par la nation de la nouvelle Constitution, nous sommes empêché d’exercer la fonction de chef de l’État, M. Pierre Laval, vice-président du Conseil des ministres, l’assumera de plein droit.

ART. 2 – Dans le cas où M. Pierre Laval serait empêché pour quelque cause que ce soit, il serait à son tour remplacé par la personne que désignerait, à la majorité de sept voix, le Conseil des ministres. Jusqu’à l’investiture de celle-ci, les fonctions seraient exercées par le Conseil des ministres. »

textes repris du CD-Rom « Le cédérom du pouvoir – l’histoire et l’actualité du gouvernement de la France« , éd. par Info Tronique, 1997


Appel du 18 juin

Le texte radiophonique à la BBC du Général de Gaulle

« Les chefs qui, depuis de nombreuses années, sont à la tête des armées françaises, ont formé un gouvernement.

Ce gouvernement, alléguant la défaite de nos armées, s’est mis en rapport avec l’ennemi pour cesser le combat.

Certes, nous avons été, nous sommes, submergés par la force mécanique, terrestre et aérienne, de l’ennemi.

Infiniment plus que leur nombre, ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui nous font reculer. Ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui ont surpris nos chefs au point de les amener là où ils en sont aujourd’hui.

Mais le dernier mot est-il dit ? L’espérance doit-elle disparaître ? La défaite est-elle définitive ? Non !

Croyez-moi, moi qui vous parle en connaissance de cause et vous dis que rien n’est perdu pour la France. Les mêmes moyens qui nous ont vaincus peuvent faire venir un jour la victoire.

Car la France n’est pas seule ! Elle n’est pas seule ! Elle n’est pas seule ! Elle a un vaste Empire derrière elle. Elle peut faire bloc avec l’Empire britannique qui tient la mer et continue la lutte. Elle peut, comme l’Angleterre, utiliser sans limites l’immense industrie des États-Unis.

Cette guerre n’est pas limitée au territoire malheureux de notre pays. Cette guerre n’est pas tranchée par la bataille de France. Cette guerre est une guerre mondiale. Toutes les fautes, tous les retards, toutes les souffrances, n’empêchent pas qu’il y a, dans l’univers, tous les moyens nécessaires pour écraser un jour nos ennemis. Foudroyés aujourd’hui par la force mécanique, nous pourrons vaincre dans l’avenir par une force mécanique supérieure. Le destin du monde est là.

Moi, général De Gaulle, actuellement à Londres, j’invite les officiers et les soldats français qui se trouvent en territoire britannique, ou qui viendraient à s’y trouver, avec leurs armes, ou sans leurs armes, j’invite les ingénieurs et les ouvriers spécialistes des industries d’armement qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s’y trouver, à se mettre en rapport avec moi.

Quoi qu’il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas.

Demain, comme aujourd’hui, je parlerai à la Radio de Londres. »

Cité dans Berstein et Milza, « Histoire Terminale« , éditions Hatier, 1998, p. 27

Texte de l’affiche de l’Appel du 18 juin imprimée à Londres

« A TOUS LES FRANÇAIS

La France a perdu une bataille !
Mais la France n’a pas perdu la guerre !

Des gouvernants de rencontre ont pu capituler, cédant à la panique, oubliant l’honneur, livrant le pays à la servitude. Cependant rien n’est perdu !

Rien n’est perdu, parce que cette guerre est une guerre mondiale. Dans l’univers libre, des forces immenses n’ont pas encore donné. Un jour, ces forces écraseront l’ennemi. Il faut que la France, ce jour-là, soit présente à la victoire. Alors elle retrouvera sa liberté et sa grandeur. Tel est mon but, mon seul but !

Voilà pourquoi je convie tous les Français, où qu’ils se trouvent, à s’unir à moi dans l’action, le sacrifice et dans l’espérance.

Notre patrie est en péril de mort.

Luttons pour la sauver !

VIVE LA FRANCE !

18 juin 1940

GENERAL DE GAULLE

QUARTIER-GENERAL
1, CARLTON GARDEN’S
LONDON, S.W1″

Publié dans art. « Résistance (histoire) », in : Alpha encyclopédie, 1968, Tome 13, pp. 5065-5066


La réaction de De Gaulle après Montoire

« Les jours que nous vivons sont les plus terriblement graves de notre Histoire. En ce moment même, les malheureux ou les misérables qui prétendent, à Vichy, constituer le gouvernement français, sont engagés de force avec l’ennemi dans d’infâmes négociations. C’est que la servitude n’enfante qu’une plus grande servitude. Quand on s’y est jeté, il faut aller jusqu’au bout. Sans doute ignorons nous encore quelles effroyables concessions l’ennemi est en train d’arracher à ceux qui ont accepté sa loi, mais nous en savons assez pour être sûrs de deux points, dont chacun doit suffire à soulever la fureur nationale.

Le premier de ces points, c’est que l’ennemi rêve ouvertement de s’emparer de notre empire. À vrai dire, il y a longtemps qu’il annonce ses intentions. Mais à présent il passe aux actes et réclame un premier partage : ceci aux Allemands, ceci aux Italiens, cela aux Japonais ou aux Siamois, cela encore aux Espagnols. Et, quant au reste, en attendant qu’il lui plaise de le prendre, il veut y mettre des bases, c’est-à-dire des troupes, des avions, des navires, qui n’en partiront bien entendu jamais, à moins qu’on ne les en chasse. Ainsi de Bizerte, de Casablanca, de Dakar.

Mais l’ennemi ne s’en tient même pas là ; il lui faut bien autre chose, et c’est là le second point. Il lui faut, pour continuer la guerre le concours, vous entendez bien, le concours de ce qui reste des forces françaises ; il lui faut l’appui de notre flotte, il lui faut l’aide de nos aviateurs. Il les lui faut pour en finir avec ceux qui résistent à sa domination ; il les lui faut, surtout, pour abaisser à ce point notre malheureux pays qu’il n’ait plus aucune chance de se relever jamais. Dès lors, la France montrée au doigt par le monde, la France déshonorée, la France désespérée ne serait plus, dans les mains d’Hitler, qu’une esclave affolée. Dès lors serait arrivé le jour des grandes annexions, dès lors serait scellé le destin d’un grand peuple, le nôtre, qui descendrait honteusement dans l’horreur du tombeau. »

Charles De Gaulle, allocution radiodiffusée du 27 octobre 1940.

extrait de Berger-Levrault, « Discours et Messages » , 1946, page 38.


Les difficiles débuts de la Résistance

« Je fais un voyage dans le passé et je remonte aux sources de l’utopie, en 1940. Il n’y avait vraiment personne. Et on ne savait pas le prix qu’on allait payer (…).

Ainsi de Vichy à Marseille, trois mois s’étaient passés à tâtons dans une lumière si crue qu’elle vous cachait les buts mieux qu’un brouillard, trois mois de contacts avec des deuxièmes ou cinquièmes bureaux, des services de renseignements qui jouaient sur tous les tableaux à condition qu’on restât entre initiés et que le peuple malsain dont le fantôme gardait le visage détesté de 1936 n’y fut pas mêlé (…), contacts avec des banquiers qui voulaient bien miser là-dessus à condition qu’il y eut des garanties : un gradé, un évêque ou un ancien ministre… avec des demi-solde, brûlés et simplistes, qui voulaient continuer à se battre et voler un avion… avec des officiers supérieurs qui « voulaient bien » à condition que Pétain fut dans le coup… avec des désoeuvrés, aventuriers, avocats sans causes, cinéastes sans cinéma, maçons menacés qui disparaissent au premier virage ou à la première bonne affaire en marge de leur position perdue.

Après trois mois j’avais trouvé cinq personnes désintéressées capables d’agir sans supputer les chances de tromper délibérément l’espoir plutôt que de se résigner à l’ignominie d’un conformisme profitable, cinq personnes sincèrement versées dans l’utopie et portés au désespoir raisonnable ou à l’espérance irraisonnée : un professeur de philosophie, un journaliste qui louchait, un fabriquant en literie, une amazone agrégée d’histoire (Lucie Aubrac) et un employé de métro…Ajoutez à cela Bertrande et Jean – la famille, cette part de famille dont la jeunesse refusait certain réalisme et subodorait l’escroquerie de certaines formes sociales et de certaines conventions – qui savaient prendre des trains, se faufiler et rester quinze heures debout. »

Extrait de E. d’Astier de la Vigerie, « Sept fois sept jours« , 10/18, 1963, 1ère éd. 1961


Une séance de torture

Ce texte fait partie du journal de Jean Moulin, « Premier Combat ». Ce résistant français, mais également préfet d’Eure-et-Loire, a écrit ce texte au printemps 1941, lors d’une visite clandestine à sa famille.

Dans cet extrait, il raconte ce qu’il a vécu le 15 juin 1940, alors que les Allemands pénétraient en France et allaient arriver aux portes de la ville de Chartres.

Jean Moulin devait voir un général allemand, mais s’est fait arrêter et torturer par les Allemands pour qu’il reconnaisse que des soldats français des troupes coloniales ont commis des actes atroces.

 

 » (…)

« Pensez-vous vraiment leur dis-je en refusant de prendre le papier, qu’un Français, et, qui plus est, un haut fonctionnaire français, qui a la mission de représenter son pays devant l’ennemi, puisse accepter de signer une pareille infamie ? »

La réaction est immédiate. Le meneur de jeu nazi se précipite sur moi et, rouge de colère, me menace du poing : « Nous n’accepterons pas, me crie-t-il, que vous vous moquez de l’armée de la Grande Allemagne ! Vous allez signer, m’entendez-vous, vous allez signer ! » Il m’a pris maintenant par le revers de ma vareuse et me secoue furieusement. Je ne me défends pas.

« Ce n’est pas, croyez-moi, répliquai-je, en me brutalisant que vous obtiendrez davantage que je commette une indignité. »

Alors, avec une force peu commune chez un petit bonhomme de cette espèce, il me projette violemment contre la table. Je titube un peu pour rétablir mon équilibre, ce qui déchaîne les rires des trois nazis.

Celui qui était assis tout à l’heure s’est maintenant levé et essaie dans un mauvais français, mais sur un ton plus calme, de me convaincre de l’obligation dans laquelle je suis de signer le « protocole ».

Le nazi. – Nous avons toutes les preuves que ce sont vos soldats qui ont commis ces atrocités.

Moi.- Je veux bien que vous m’indiquiez ces preuves.

Le nazi, prenant la feuille qu’il m’a tendue tout à l’heure. Aux termes du protocole, des effectifs français et notamment des soldats noirs ont emprunté, dans leur retraite, une voie de chemin de fer près de laquelle ont été trouvés, à 12 kilomètres environ de Chartres, les corps mutilés et violés de plusieurs femmes et enfants.

Moi. – Quelles preuves avez-vous que les tirailleurs sénégalais sont passés exactement à l’endroit où vous avez découvert les cadavres ?

Le nazi. – On a retrouvé du matériel abandonné par eux.

Moi. – Je veux bien le croire. Mais en admettant que des troupes noires soient passées par là, comment arrivez-vous à prouver leur culpabilité ?

Le nazi. – Aucun doute à ce sujet. Les victimes ont été examinées par des spécialistes allemands. Les violences qu’elles ont subies offrent toutes les caractéristiques des crimes commis par des nègres.

Malgré l’objet tragique de cette discussion, je ne peux m’empêcher de sourire : « Les caractéristiques des crimes commis par des nègres. » C’est tout ce qu’ils ont trouvé comme preuves ! …

(…)

Le petit officier blond, que j’appelle désormais mon bourreau n°1, fait un geste au soldat qui pointe sa baïonnette sur ma poitrine en criant en allemand : « Debout ! »

Dans un sursaut douloureux, je me redresse. J’ai terriblement mal. Je sens que mes jambes me portent difficilement. Instinctivement, je m’approche d’une chaise pour m’asseoir. Le soldat la retire brutalement et me lance sa crosse sur les pieds. Je ne peux m’empêcher de hurler :

« Quand ces procédés infâmes vont-ils cesser ? » dis-je après avoir repris quelque peu mes esprits.

– Pas avant, déclare mon bourreau n°1, que vous n’ayez signé le « protocole ». Et à nouveau, il me tend le papier.

(…)

Ils me traînent maintenant jusqu’à une table où est placé le « protocole ».

Moi. – Non, je ne signerai pas. Vous savez bien que je ne peux pas apposer ma signature au bas d’un texte qui déshonore l’armée française.

Mon bourreau n°1. – Mais il n’y a plus d’armée française. Elle est vaincue, lamentablement vaincue. La France s’est écroulée. Son gouvernement a fui. Vous n’êtes plus rien. Tout est fini.

Moi. – Soit, mais il y a une chose qui, pour l’armée française, même vaincue, comptera toujours : c’est son honneur, et ce n’est pas moi qui contribuerai à l’entacher… D’autre part, si, comme vous le dites, je ne représente plus rien, pourquoi tenez-vous tant à ce que je signe votre « protocole » ?

(…) » Extrait de Jean Moulin, « Premier combat« , Paris, Les éditions de Minuit, 1983, p.89-94 

Jean Moulin, préfet d’Eure-et-Loire en 39, entre dans la Résistance en 40. Il est l’homme clé et le pivot entre Londres et les résistants. De Gaulle a entièrement confiance en lui. Mais Vichy et la Gestapo le traquent et l’arrêtent le 21 juin 1943. Il meurt lors de son transfert en Allemagne.


La doctrine sociale du régime de Vichy (la Charte du travail )

« Il est vain de penser que des ouvriers puissent être heureux au sein d’une industrie en détresse ; la prospérité des entreprises conditionne le bien-être de leurs membres.

La pierre angulaire de la charte réside dans la création des comités mixtes sociaux , au sein desquels se trouveront réunis tous les membres d’une même profession.

Le comité social sera, pour la profession d’aujourd’hui – pour la corporation de demain -, le véritable animateur de la vie professionnelle. Lien de tous ceux qui concourent à une même production, il recevra, de surcroît, la mission d’assurer la gestion sociale de la profession (…).

L’expérience a montré que partout où les hommes de bonne foi se réunissent pour une explication loyale et franche, les oppositions s’atténuent, les malentendus se dissipent, l’accord s’établit, dans l’estime d’abord, dans l’amitié ensuite.

C’est en utilisant les bases de l’organisation professionnelle existante que sera réalisée, dans un esprit nouveau, la jonction de tous ceux que la vie sociale appelle à collaborer. Les syndicats ont donc leur place dans cet ordre nouveau. Ils auront la double mission de discipliner les libres réactions de leurs adhérents et de participer à la formation des comités sociaux.

Mais ces syndicats ne seront plus les syndicats de tendance du passé. S’ils demeurent voués dans chaque profession à la représentation d’une même catégorie sociale (patrons, ouvriers, cadres), ils seront désormais obligatoires pour être forts, uniques pour être francs. Leur activité sera désormais strictement limitée au domaine de leur profession. Ils vivront et fonctionneront sous l’autorité des comités sociaux et en s’inspirant de leurs doctrines qui ne sauraient être elles-mêmes que celles du Gouvernement. »

Loi du 4 octobre 1941 relative à l’organisation sociale des professions. Rapport au maréchal de France, chef de l’État français, cité in Coll., « Le Gouvernement de Vichy », Paris Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1972, p.337.


Lettre de Pierre Laval, chef du gouvernement,
adressée à Ribbentrop, ministre des Affaires étrangères du Reich,
12 mai 1942

« Excellence, j’ai pris, à un moment difficile, la responsabilité de la direction de la politique française, sous la haute autorité du Maréchal Pétain. Vous connaissez mes vues sur les relations que je désire voir s’établir entre nos deux pays. Elles ont besoin d’une base de loyauté et de confiance.

Les Français savent que je veux rechercher et épuiser tous les moyens, afin d’arriver à une réconciliation et une entente étroite avec l’Allemagne. Les Français savent que la paix future est sauvegardée par notre entente, et, dans ces conditions, je suis certain que la France trouvera, dans la nouvelle Europe, une place digne de son passé. Afin de protéger l’Europe d’une bolchevisation qui détruirait notre culture jusque dans ses bases, l’Allemagne s’est préparée à une lutte gigantesque. Le sang de sa jeunesse va couler. Je voudrais que vous sachiez que le gouvernement français ne reste pas indifférent devant l’ampleur immense des sacrifices, auxquels votre pays consent volontairement, et dans notre malheur, je voudrais vous dire, spontanément et simplement, que la France est disposée, selon ses possibilités et sans aucun ajournement, à contribuer pour sa part à vos efforts.

L’Allemagne a mobilisé, en vue de la plus grande bataille de l’histoire, les éléments les plus jeunes et les plus actifs de son peuple, elle a, par conséquent, besoin d’hommes. Je comprends ces nécessités et je suis prêt à mettre mon aide à votre disposition. J’ai le désir, en conséquence, que des Français, aussi nombreux que possible, prennent dans vos usines la place de ceux qui partent sur le front de l’Est.

Les Français sont liés à leur sol, mais je sais qu’ils seraient prêts à le quitter pour une tâche dont la signification historique et nationale leur a été exposée. Je ferai de mon mieux dans ce sens et je vous prie de m’aider en vue de créer un terrain psychologique qui pourrait faciliter mon action. La France est représentée, de façon symbolique, sur le front de l’Est par la Légion antibolchevique. Il serait possible d’en augmenter les effectifs, et le gouvernement français a décidé de donner, à tous les anciens et futurs volontaires, l’assurance que leurs intérêts personnels et ceux des membres de leurs familles seront sauvegardés avec équité.

Je prie Votre Excellence de bien vouloir soumettre cette lettre au Führer comme témoignage de la sincérité du gouvernement français. Veuillez agréer, Excellence, l’assurance de ma très haute considération et de la sincérité de mes sentiments. »

in Histoire 1e, Nathan (Coll. J. Marseille), 1994, p. 341


Laval explique sa politique (« Je souhaite la victoire de l’Allemagne… », 22 juin 1942)

« Nous avons eu tort, en 1939, de faire la guerre. Nous avons eu tort, en 1918, au lendemain de la victoire, de ne pas organiser une paix d’entente avec l’Allemagne. Aujourd’hui, nous devons essayer de le faire. Nous devons épuiser tous les moyens pour trouver la base d’une réconciliation définitive. Je ne me résous pas, pour ma part, à voir tous les vingt-cinq ou trente ans la jeunesse de nos pays fauchée sur les champs de bataille. Pour qui et pourquoi ?

Ma présence au gouvernement a une signification qui n’échappe à personne, ni en France, ni à l’étranger. J’ai la volonté de rétablir avec l’Allemagne et avec l’Italie des relations normales et confiantes.

De cette guerre surgira inévitablement une nouvelle Europe. On parle souvent d’Europe, c’est un mot auquel, en France, on n’est pas encore très habitué. On aime son pays parce qu’on aime son village. Pour moi, Français, je voudrais que demain nous puissions aimer une Europe dans laquelle la France aura une place qui sera digne d’elle. Pour construire cette Europe, l’Allemagne est en train de livrer des combats gigantesques. Elle doit, avec d’autres, consentir d’immenses sacrifices. Et elle ne ménage pas le sang de sa jeunesse. Pour la jeter dans la bataille, elle va la chercher dans les usines et aux champs. Je souhaite la victoire de l’Allemagne, parce que, sans elle, le bolchevisme, demain, s’installerait partout.

Ainsi donc, comme je vous le disais le 20 avril dernier, nous voilà placés devant cette alternative : ou bien nous intégrer, notre honneur et nos intérêts vitaux étant respectés, dans une Europe nouvelle et pacifiée, ou bien nous résigner à voir disparaître notre civilisation.

Je veux être toujours vrai. Je ne peux rien faire pour vous sans vous. Nul ne saurait sauver une nation inerte ou rétive. Seule, l’adhésion du pays peut faire d’une politique sensée une politique féconde. Je sais l’effort que certains d’entre vous doivent faire pour admettre cette politique. L’éducation que nous avons généralement reçue dans le passé ne nous préparait guère à cette entente indispensable.

J’ai toujours trop aimé mon pays pour me soucier d’être populaire. J’ai à remplir mon rôle de chef. Quand je vous dis que cette politique est la seule qui puisse assurer le salut de la France et garantir son développement dans la paix future, vous devez me croire et me suivre (…). »

Pierre Laval, discours du 22 juin 1942, cité in « Les Nouveaux Temps », 24 juin 1942.

Un autre extrait du même discours

Laval et la relève

« Je veux vous parler, aujourd’hui, avec simplicité et avec une grande franchise. Nous vivons des moments difficiles, nous aurons encore à subir des privations. Ce moment durera autant que durera la guerre (…). De cette guerre surgira inévitablement une nouvelle Europe (…).

Pour construire cette Europe, l’Allemagne est en train de livrer des combats gigantesques. Elle doit, avec d’autres, consentir d’immenses sacrifices et elle ne ménage pas le sang de sa jeunesse : pour la jeter dans la bataille, elle va la chercher à l’usine et aux champs.

Je souhaite la victoire allemande, parce que, sans elle, le bolchevisme demain s’installerait partout. (…)

Ouvriers de France ! C’est pour la libération des prisonniers que vous allez travailler en Allemagne !

C’est pour notre pays que vous irez en grand nombre ! C’est pour permettre à la France de trouver sa place dans la nouvelle Europe que vous répondrez à mon appel.

Cette guerre, je l’ai déjà dit, n’est pas une guerre comme les autres. C’est une révolution d’où doit surgir un monde nouveau. Vous n’avez rien à redouter, mais tout à espérer du régime qui s’instituera chez nous. Une République plus jeune, plus humaine, plus forte, doit naître ; le socialisme s’instaurera partout en Europe, et la forme qu’il trouvera en France sera dessinée par notre caractère national.

Français, un grand soldat, dont toute la vie est un exemple de sacrifices et de discipline, préside aux destinées de notre patrie. Je vous parle ce soir en son nom. Le Maréchal vous dirait que la France n’a jamais laissé l’Histoire se faire sans elle et qu’on ne remonte des abîmes du malheur que par les sentiers du courage. »

Pierre Laval, Discours radiodiffusé du 22 juin 1942 (cité dans « Les Nouveaux temps« , 24 juin 1942).

Cité dans « Histoire Terminale« , éditions Magnard, 1998, p. 72

Autre extrait du même discours

« J’ai la volonté de rétablir avec l’Allemagne et avec l’Italie des relations normales et confiantes.
De cette guerre surgira inévitablement une nouvelle Europe. On parle souvent d’Europe, c’est un mot auquel, en France, on n’est pas encore très habitué. On aime son pays parce qu’on aime son village. Pour moi, Français, je voudrais que demain nous puissions aimer une Europe dans laquelle la France aura une place qui sera digne d’elle.

Pour construire cette Europe, l’Allemagne est en train de livrer des combats gigantesques. Elle doit, avec d’autres, consentir d’immenses sacrifices et elle ne ménage pas le sang de sa jeunesse. Pour la jeter dans la bataille, elle va la chercher à l’usine et aux champs.

Je souhaite la victoire de l’Allemagne, parce que, sans elle, le bolchevisme, demain, s’installerait partout.

Quand je vous dis que cette politique est la seule qui puisse assurer le statut de la France et garantir son développement dans la paix future, vous devez me croire et me suivre.

Ainsi donc, comme je vous le disais le 20 avril dernier, nous voilà placés devant cette alternative : ou bien nous intégrer, notre honneur et nos intérêts vitaux étant respectés, dans une Europe nouvelle et pacifiée, ou bien nous résigner à voir disparaître notre civilisation (…) Seule l’adhésion du pays peut faire d’une politique sensée une politique que féconde. Je sais l’effort que certains d’entre vous doivent faire pour admettre cette politique. L’éducation que nous avons généralement reçue dans le passé ne nous préparait guère à cette entente indispensable (…)

Pendant ce temps (…) le chômage s’aggrave. De nombreux ouvriers sont sans travail alors que l’Allemagne a un besoin urgent de main d’oeuvre. Dans cette situation, un nouvel espoirt se lève pour nos prisonniers.

(…) C’est la relève qui commence. Ainsi, s’établissent dès maintenant entre les collectivités humaines les plus importantes de notre pays les sympathies profondes sur lesquelles se constituera notre société nouvelle.

Ouvriers de France, c’est pour la libération des prisonniers que vous allez travailler en Allemagne ! C’est pour notre pays que vous irez en grand nombre. C’est pour permettre à la France de trouver la place dans la nouvelle Europe que vous répondrez à mon appel. (…) La reconnaissance de la nation montera vers vous.

Cette guerre, je l’ai déjà dit, n’est pas une guerre comme les autres. C’est une révolution d’où doit surgir un monde nouveau. Vous n’avez rien à redouter, mais tout à espérer du régime qui s’ins-tituera chez nous. Une République plus jeune, plus humaine, plus forte, doit naître. Le socialisme s’instaurera partout en Europe, et la forme qu’il trouvera en France sera dessinée par notre caractère national.

Français, un grand soldat, dont toute la vie est un exemple de sacrifices et de discipline, préside aux destinées de notre patrie. Je vous parle ce soir en son nom. Le Maréchal vous dirait que la France n’a jamais laissé l’Histoire se faire sans elle et qu’on ne remonte des abîmes du malheur que par les sentiers du courage. »

Pierre Laval , discours du 22 juin 1942, paru dans Les Nouveaux Temps, 24 juin 1942.

 


Rapport allemand sur l’attitude de Vichy vis-à-vis des Juifs

« Paris, le 6 juillet 1942
URGENT ! À remettre immédiatement !
À l’office central de Sûreté du Reich IV B 4 Berlin.

Objet : Déportation de France des Juifs.
Référence : Entretien entre le SS-Obersturmbannführer Eichmann et le SS-Hauptsturmführer Dannecker,
à Paris, le 1er juillet 1942.

Les pourparlers avec le Gouvernement français ont abouti, jusqu’à présent, au résultat suivant :

Le président Laval a proposé, lors de la déportation des familles juives de la zone non occupée, d’y comprendre également les enfants âgés de moins de seize ans. La question des enfants juifs restant en zone occupée ne l’intéresse pas.

Je vous demande de prendre une décision d’urgence, par télégramme, afin de savoir si, à partir du quinzième convoi de Juifs, les enfants au-dessous de seize ans pourront également être déportés.
Pour terminer, j’attire votre attention sur le fait que, pour déclencher les rafles, il ne peut être question, pour le moment, que de Juifs apatrides ou étrangers. Pour la seconde phase, l’on s’attaquera aux Juifs naturalisés en France depuis 1919 ou depuis 1927.

Par ordre
Signé : Dannecker, SS-Hauptsturmführer. »

Cité in « La Persécution des Juifs en France et dans les autres pays de l’Ouest, présentée par la France à Nuremberg », Ed. du CDJC, Paris, 1947, p.141. Repris dans Dominique Veillon « La Collaboration, Textes et Débats », Le livre de poche (n 5002) Paris, 1984.


Souvenirs d’un déporté de la rafle du Vel’ d’Hiv’ (16 juillet 1942)

« Le 16 juillet, à l’aube, l’opération est déclenchée : la police parisienne arrête, dans tous les quartiers de Paris et dans sa banlieue, près de treize mille Juifs étrangers et, pour la première fois, des familles entières avec des enfants à partir de l’âge de deux ans. L’énorme agglomération parisienne est le théâtre d’une sauvage « chasse au Juif » : dans tous les quartiers en même temps, on arrête hommes, femmes et enfants, on enfonce les portes, on emporte les enfants fiévreux, on fait des descentes dans les écoles. (…) les familles sont enfermées au vélodrome d’Hiver, en pleine ville.

Rien n’était préparé pour les accueillir : plus de quatre mille jeunes enfants et deux mille adolescents et adultes étaient parqués dans les gradins sans aucun moyen de couchage, presque sans nourriture, sévèrement rationnés en eau, avec des toilettes rapidement et irrémédiablement bouchées, avec un service médical réduit à quelques infirmières de la Croix-Rouge.

Tous ces malheureux ont vécu cinq jours épouvantables dans l’énorme enceinte remplie d’un vacarme assourdissant fait des cris et des pleurs des enfants et des adultes à bout de nerfs, des hurlements et des râles de quelques personnes devenues folles ou de malades et de blessés après des tentatives de suicide. »

Georges Weller, « L’Étoile jaune à l’heure de Vichy », Fayard, 1973, pp.83-84. Repris dans Dominique Veillon , « La Collaboration, Textes et Débats » , Le livre de poche (n 5002) Paris, 1984.


Indignation des résistants après la rafle du 16 juillet 1942

« Quelle honte ! Et quel avertissement pour ceux qui croyaient qu’on ne verrait pas « ça » chez nous. Nous y sommes ! en pleine terreur, en pleine bestialité hitlérienne.

Le 16 juillet, les bêtes fauves de la S.S., les apaches des Sections d’assaut qui règnent sur notre Paris ordonnent à la Police française, à la Garde mobile, aux Inspecteurs, d’arrêter tous les Israélites étrangers de Paris. (…)

Les policiers français, contraints d’obéir, sont écoeurés par la besogne infâme. Certains refusent ; 400 arrestations parmi eux. Quant à la population parisienne, elle est admirable de solidarité agissante ; on cache les traqués, on recueille les enfants, on maudit publiquement les bandits nazis. Paris n’en peut plus de cette honte. Paris se prépare à la lutte pour retrouver son vrai visage (…)

Français ! Prenez-y garde ! Ne vous imaginez plus désormais que les brutes hitlériennes vous traiteront mieux que les Polonais et les Tchèques martyrs !

Qu’on ne s’y trompe pas : pour les Allemands, nous Français, nous sommes des esclaves « étrangers » vis-à-vis du peuple maître, seul digne de vivre. Hitler prendra nos hommes, nos femmes et nos enfants, comme il le fait avec les autres peuples et avec les Juifs. Ne croyez pas, Français, qu’on nous ménagera plus que les autres (…).

Ce qui s’est passé à Paris le 16 juillet, cette honte dont tout homme rougit, c’est un avertissement pour nous tous.

C’est avec une joie sadique, dans des buts bien déterminés que les nazis traitent ainsi Paris. Accepter, quand on est Français, de telles infamies, c’est pire que d’être vaincu.

Français de la zone non-occupée ! gare à vous ! La terreur hitlérienne approche, Français de tous les milieux, de toutes les classes, de toutes les religions ; quand Hitler frappe, tue, torture en France, c’est vous qu’il vise, tôt ou tard.

Révélez les horreurs de Paris ; soyez solidaires de toutes les victimes ; abritez-les ; cachez-les ; refusez de laisser salir la France, et luttez avec les mouvements de résistance, contre les bourreaux nazis, leurs traîtres et leurs chiens couchants.

POUR LA LIBÉRATION QUI VIENT ! »

Extrait d’un tract du « Franc-Tireur », août 1942. Dominique Veillon, « La Collaboration, Textes et Débats », Le livre de poche (n 5002) Paris, 1984.


Lettres de fusillés

Le 22 octobre 2007, à la demande du président Sarkozy, les enseignants de lycée devraient lire devant leurs élèves la lettre que Guy Môquet, jeune résistant fusillé par les nazis le 22 octobre 1941, avait écrit à ses parents avant d’être exécuté. La consigne présidentielle a fait débat, et parmi les enseignants et les historiens, beaucoup ont déploré une récupération politique, une dérive émotionnelle, une confusion entre commémoration et enseignement de l’histoire. Devant ces polémiques, le gouvernement a annoncé qu’en 2008 la journée du 22 octobre sera « consacrée à la jeunesse résistante ».
Voir Guy Mocquet sur Wikipédia.

Il est vrai que ce genre de lettre apporte peu d’éléments de réflexion politique, surtout à cause de la menace que faisait peser la censure. Seules les lettres pouvant ne pas trop déplaire aux bourreaux avaient une chance d’être envoyée à leurs destinataires.

Voici la lettre de Missak Manouchian, célèbre résistant communiste, commissaire militaire des FTP-MOI parisien, cité sur la fameuse Affiche rouge ; il fut arrêté le 16 novembre 1943 et fusillé avec 21 compagnons au mont Valérien le 21 février 1944.
Voir Missak Manouchian sur Wikipédia.

« Missak Manouchian à sa femme
Prison de Fresnes (Seine 1) – 21 février 1944
21 Février 1944, Fresnes

Ma Chère Mélinée, ma petite orpheline bien aimée 2,

Dans quelques heures, je ne serai plus de ce monde. On va être fusillés cet après-midi à 15 heures. Cela m’arrive comme un accident dans ma vie, je n’y crois pas, mais pourtant je sais que je ne te verrai plus jamais.

Que puis-je t’écrire ? Tout est confus en moi et bien clair en même temps.

Je m’étais engagé dans l’Armée de la Libération en soldat volontaire et je meurs à deux doigts de la Victoire et du but. Bonheur à ceux qui vont nous survivre et goûter la douceur de la Liberté et de la Paix de demain. Je suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la Liberté sauront honorer notre mémoire dignement. Au moment de mourir, je proclame que je n’ai aucune haine contre le peuple allemand et contre qui que ce soit, chacun aura ce qu’il méritera comme châtiment et comme récompense. Le peuple allemand et tous les autres peuples vivront en paix et en fraternité après la guerre qui ne durera plus longtemps. Bonheur ! à tous ! J’ai un regret profond de ne t’avoir pas rendue heureuse, j’aurais bien voulu avoir un enfant de toi, comme tu le voulais toujours. Je te prie donc de te marier après la guerre, sans faute, et [d’] avoir un enfant pour mon honneur, et pour accomplir ma dernière volonté, marie-toi avec quelqu’un qui puisse te rendre heureuse. Tous mes biens et toutes mes affaires, je [les] lègue à toi et à ta soeur, et pour mes neveux. Après la guerre, tu pourras faire valoir ton droit de pension de guerre en tant que ma femme, car je meurs en soldat régulier de l’armée française de la Libération.

Avec l’aide de mes amis qui voudront bien m’honorer, tu feras éditer mes poèmes et mes écrits qui valent d’être lus. Tu apporteras mes souvenirs, si possible, à mes parents en Arménie. Je mourrai avec 23 camarades tout à l’heure avec le courage et la sérénité d’un homme qui a la conscience bien tranquille, car personnellement, je n’ai fait [de] mal à personne et, si je l’ai fait, je l’ai fait sans haine. Aujourd’hui, il y a du soleil. C’est en regardant au soleil et à la belle nature que j’ai tant aimée que je dirai adieu à la vie et à vous tous, ma bien chère femme et mes bien chers amis. Je pardonne à tous ceux qui m’ont fait du mal ou qui ont voulu me faire du mal, sauf à celui qui nous a trahis pour racheter sa peau et [à] ceux qui nous ont vendus. Je t’embrasse bien bien fort, ainsi que ta soeur et tous les amis qui me connaissent de loin ou de près, je vous serre tous sur mon coeur. Adieu. Ton ami, ton camarade, ton mari.

Manouchian Michel

P.-S. J’ai quinze mille francs dans une valise de la rue de Plaisance. Si tu peux les prendre, rends mes dettes et donne le reste à Armène. M. M.

1 Aujourd’hui Val-de-Marne
2 Cette lettre n’a été envoyée à la famille que le 28 novembre 1944″

in KRIVOPISSKO (Guy), La vie à en mourir. Lettres de fusillés, 1941-1944, Paris, Tallandier, 2003, 367 p, pp.287-288.


LETTRE DE HENRI FERTET, un condamné à mort de 16 ans

Élève de Seconde du Lycée Victor-Hugo à Besançon. Résistant condamné à mort par le tribunal militaire de la Feldkommandantur 560. Exécuté à Besançon le 26 septembre 1943.

 » Chers Parents,

Ma lettre va vous causer une grande peine, mais je vous ai vus si pleins de courage que, je n’en doute pas, vous voudrez encore le garder, ne serait-ce que par amour pour moi.

Vous ne pouvez savoir ce que moralement j’ai souffert dans ma cellule, ce que j’ai souffert de ne plus vous voir, de ne plus sentir peser sur moi votre tendre sollicitude que de loin. Pendant ces 87 jours de cellule, votre amour m’a manqué plus que vos colis, et souvent je vous ai demandé de me pardonner le mal que je vous ai fait, tout le mal que je vous ai fait.

Vous ne pouvez vous douter de ce que je vous aime aujourd’hui car, avant, je vous aimais plutôt par routine, mais maintenant je comprends tout ce que vous avez fait pour moi et je crois être arrivé à l’amour filial véritable, au vrai amour filial. Peut-être après la guerre, un camarade vous parlera-t-il de moi, de cet amour que je lui ai communiqué. J’espère qu’il ne faillira pas à cette mission sacrée.

Remerciez toutes les personnes qui se sont intéressées à moi, et particulièrement nos plus proches parents et amis ; dites-leur ma confiance en la France éternelle. Embrassez très fort mes grands parents, mes oncles tantes et cousins, Henriette. Donnez une bonne poignée de main chez M. Duvernet ; dites un petit mot à chacun. Dites à M. le Curé que je pense aussi particulièrement à lui et aux siens. Je remercie Monseigneur du grand honneur qu’il m’a fait, honneur dont, je crois, je me suis montré digne. Je salue aussi en tombant, mes camarades de lycée. A ce propos, Hennemann me doit un paquet de cigarettes, Jacquin mon livre sur les hommes préhistoriques. Rendez « Le Comte de Monte-Cristo » à Emourgeon, 3 chemin Français, derrière la gare. Donnez à Maurice André, de la Maltournée, 40 grammes de tabac que je lui dois.

Je lègue ma petite bibliothèque à Pierre, mes livres de classe à mon petit papa, mes collections à ma chère petite maman, mais qu’elle se méfie de la hache préhistorique et du fourreau d’épée gaulois.

Je meurs pour ma Patrie. Je veux une France libre et des Français heureux. Non pas une France orgueilleuse, première nation du monde, mais une France travailleuse, laborieuse et honnête. Que les Français soient heureux, voila l’essentiel. Dans la vie, il faut savoir cueillir le bonheur.

Pour moi, ne vous faites pas de soucis. je garde mon courage et ma belle humeur jusqu’au bout, et je chanterai « Sambre et Meuse » parce que c’est toi, ma chère petite maman, qui me l’as apprise.

Avec Pierre, soyez sévères et tendres. Vérifiez son travail et forcez-le à travailler. N’admettez pas de négligence. Il doit se montrer digne de moi. Sur trois enfants, il en reste un. Il doit réussir.

Les soldats viennent me chercher. Je hâte le pas. Mon écriture est peut-être tremblée ; mais c’est parce que j’ai un petit crayon. Je n’ai pas peur de la mort ; j’ai la conscience tellement tranquille.

Papa, je t’en supplie, prie. Songe que, si je meurs, c’est pour mon bien. Quelle mort sera plus honorable pour moi que celle-là ? Je meurs volontairement pour ma Patrie. Nous nous retrouverons tous les quatre, bientôt au Ciel.

« Qu’est-ce que cent ans ? »

Maman, rappelle-toi :

« Et ces vengeurs auront de nouveaux défenseurs
qui, après leur mort, auront des successeurs. »

Adieu, la mort m’appelle. Je ne veux ni bandeau, ni être attaché. Je vous embrasse tous. C’est dur quand même de mourir.

Mille baisers. Vive la France.

Un condamné à mort de 16 ans

H. Fertet

Excusez les fautes d’orthographe, pas le temps de relire.

Expéditeur : Henri Fertet
Au Ciel, près de Dieu.  »

Sources : François Marcot, « Les voix de la Résistance« . Besançon, 1989, p. 185.
Textes et documents sur l’histoire de la Franche-Comté. Fascicule 5. 1848-1945. Besançon, 1967, pp. 209-211.


Les collaborationnistes contre Vichy

« Il devenait logique que les vichyssois épargnassent les Juifs, qui formaient les mêmes souhaits qu’eux, qui leur offraient une alliance naturelle et constituaient pour le gaullisme officieux une armée de prosélytes sans pareils. Les brillants et riches inspecteurs des finances sacrifieraient à la rigueur quelques fripiers émigrés de Pologne ou de Roumanie. Mais ils se récriaient, très offusqués, à l’idée que l’on pût leur assimiler d’éminents hommes d’affaires, considérés dans le monde, apparentés aux plus beaux blasons, et qu’on avait rencontré autour de toutes les tables des conseils d’administration. C’était manquer aux convenances les plus élémentaires que de rappeler leur judaïsme (…).

En s’instituant les protecteurs des Juifs, on trouvait également un excellent moyen d’affirmer cette ombrageuse dignité dont Vichy avait un tel souci. On marquait ainsi avec hauteur que la France n’imitait personne et restait maîtresse chez elle. Singulier point d’honneur qui consiste à garder sur soi sa vermine parce que votre voisin s’en est débarrassé ! La judéophilie était en somme la preuve majeure que la France sauvegardait les « valeurs spirituelles » .

Toutes les foudres et tous les soupçons étaient réservés pour la poignée d’audacieux qui osaient à mi-voix suggérer la possibilité d’une collaboration franco-allemande. On leur répliquait avec d’amers sarcasmes que rien de cet ordre ne nous était demandé, comme si la France battue à plate couture pouvait encore faire la coquette et attendre des propositions ! – qu’il importait de nous en tenir mordicus et juridiquement aux clauses de l’armistice, et de ne point engager l’avenir du pays sur des fantaisies, alors que la guerre se poursuivait sans que personne sût dire quel serait son dénouement. »

Lucien Rebatet, « Les Décombres », Paris, 1942.


Une Chronique de Pierre Dac à la BBC, janvier 1944

« L’observatoire de Berchtesgaden communique :

État du ciel : Allemagne

Très couvert : plafond bas ; de grosses formations de nuages sont observées, comprenant notamment des nimbus, des cumulus, des Mosquito, des Lancaster, des Halifax et des cirrus ; de très fortes chutes d’acier sont signalées, en particulier dans les régions de Berlin, Stettin, Mannheim, Ludwigshafen et autres centres industriels, on prévoit pour ces régions de prochaines et violentes perturbations telles que tornade, trombe, typhon, cyclone, tremblement de terre, raz de marée et d’autres phénomènes du même métal. L’origine de ces perturbations serait due à une pression de plus en plus accrue en provenance de Grande-Bretagne, d’Amérique, d’Afrique et en particulier de Russie. (…)

État de l’atmosphère : surchauffée et résistante en France. Irrespirable en Allemagne et régions satellites avec forte dépression dans la population.

Vents et courants aériens : on signale qu’un vent de panique souffle avec une extrême violence sur la Roumanie, la Bulgarie et la Hongrie.

Par contre, un vent d’espoir souffle sur la France et les régions occupées.

Température : Berlin : ambiante. (…)

France : la SSPC (Station spéciale provisoire collaborationniste) communique à l’instant que le trouillomètre marque actuellement 15° au dessous de Vichy. »

Rapporté par Marie TOURRES, Les plus belles chroniques de presse et de radio. Paris, Larousse, 2003, 230 p.


Pétain se justifie

« …pendant quatre années, par mon action, j’ai maintenu la France, j’ai assuré aux Français la vie et le pain, j’ai assuré à nos prisonniers le soutien de la Nation.

Que ceux qui m’accusent et prétendent me juger s’interrogent du fond de leur conscience pour savoir ce que, sans moi, ils seraient peut-être devenus.

Pendant que le général de Gaulle, hors de nos frontières, poursuivait la lutte, j’ai préparé les voies de la libération, en conservant une France douloureuse, mais vivante.

(…) Malgré d’immenses difficultés, aucun pouvoir n’a plus que le mien honoré la famille et, pour empêcher la lutte des classes, cherché à garantir les conditions du travail à l’usine et à la terre.

(…) je représente une tradition qui est celle de la civilisation française et chrétienne, face aux excès de toutes les tyrannies. »

Déclaration du Maréchal à son procès le 23 juillet 1945.

 


Réquisitoire du Procureur général Mornet au procès du maréchal Pétain

« Le gouvernement de Pétain, né de la défaite et d’un abus de confiance, n’a pu se maintenir pendant quatre années qu’en acceptant l’aide de la force allemande, en mettant sa politique au service de la politique allemande, en collaborant dans tous les domaines avec Hitler. Cela, messieurs, c’est la trahison.

On vous a dit que s’il n’en avait pas été ainsi, la situation des Français eût été pire. Je ne le crois pas. Je crois qu’elle a été meilleure en Belgique qu’elle ne l’a été en France. En France, 150 000 otages fusillés, 750 000 ouvriers mobilisés pour aller travailler en Allemagne ; notre flotte détruite ; la déportation, à l’ombre de la collaboration ; 110 000 réfugiés politiques, 120 000 déportés raciaux, sur lesquels il n’en est revenu que 1 500. Je me demande comment la situation des Français eût pu être pire.

Mais il y a quelque chose de pire. C’est que, pendant quatre ans, cette politique, aux yeux de l’étranger, a failli nous déshonorer. Pendant quatre ans, cette politique a abouti à ceci : jeter le doute sur la France, sur la fidélité à ses engagements, sur sa parole, sur son honneur.

Il en est des nations comme des individus, et le vers de Juvénal est tellement vrai : « La pire des catastrophes, c’est, de peur de perdre une existence misérable, de perdre ce qui fait la raison même de vivre » , c’est-à-dire l’honneur. Or on a failli faire perdre à la France sa raison de vivre en lui enlevant son honneur. Cela, messieurs, c’est le crime inexpiable auquel je ne vois ni atténuation ni excuse, et auquel une cour de justice chargée d’appliquer la loi ne peut qu’appliquer une peine, la plus haute qui soit inscrite dans l’échelle des châtiments prévus par la loi.

11 août 1945, cité in « Dossiers et Documents du Monde », No spécial, L’histoire au jour le jour, La deuxième guerre mondiale, récits et mémoire, mars 1994. P.189.