Si La France a participé à l’aventure automobile dès sa naissance, il faut attendre en réalité  les années 60 pour que la voiture individuelle se démocratise vraiment. La diffusion massive de l’automobile constitue donc un fait majeur de l’apogée des 30  Glorieuses.

La classe politique ne s’y est pas trompée, comme en témoignent ces extraits du discours prononcé par Georges Pompidou, premier ministre depuis 1962.  Le salon de l’automobile est devenu en effet  un passage obligé  pour les autorités politiques. Celui  de 1966, le 53ème,  a ainsi  été inauguré par le général de Gaulle, tandis que le premier ministre est chargé de prononcer le discours inaugural de la Journée nationale d’études de la Prévention routière.

1966 est une année faste pour l’industrie automobile française : pour la première fois, la production automobile française, destinée pour l’essentiel au marché intérieur, a dépassé le million de véhicules construits au premier semestre de 1966, tandis que le taux d’équipements des ménages en automobile atteint désormais les 50%,  et que  les dépenses totales consacrées à l’automobile représentent environ 10% du budget des ménages.

Dans son discours, le premier ministre Georges Pompidou qui est aussi  un passionné de la conduite automobile et de la vitesse, met l’accent sur les diverses dimensions de cette entrée dans la civilisation de l’automobile. Chef d’un gouvernement qui a fait de l’industrialisation l’axe principal de sa politique économique, on ne s’étonnera pas qu’il se réjouisse de l’essor de l’industrie automobile et qu’il mette l’accent sur l’importance prise depuis 1962 par la construction des autoroutes dans les plans nationaux d’aménagement du territoire.

De façon plus inattendue, mais après tout Georges Pompidou est un littéraire…, il évoque le véritable bouleversement sociologique que représente l’automobile, « forme moderne par laquelle se marque la volonté de l’individu de se libérer du groupe ».

Enfin, puisque tel était l’objet central du discours, il aborde la question de la sécurité routière, qui tend à devenir un enjeu majeur de santé publique, en  un temps où la ceinture de sécurité n’était pas obligatoire et que la première loi limitant  la consommation d’alcool au volant n’avait pas encore été votée.


Extraits du discours du premier ministre Georges Pompidou au salon de l’automobile en octobre 1966

[…] Cette séance se situe pour moi dans le cadre de la visite que je fais au Salon de l’Automobile ; elle est donc placée sous le signe de l’automobile. Ma présence ici, ainsi que celle de plusieurs Ministres, témoigne non seulement que nous sommes nous-mêmes des automobilistes mais que le Gouvernement attache une importance particulière au développement de nôtre industrie automobile comme à toutes les conséquences de ce développement.
L’industrie automobile est en France l’une des plus importantes. Elle utilise directement près de 200 000 travailleurs mais son impact indirect est infiniment plus grand. Son chiffre d’affaires est considérable, donc son rôle économique est capital et je dirai que c’est un peu le thermomètre qui permet de mesurer avec une extrême sensibilité ce qu’est l’activité économique du pays tout entier. […]

Voilà donc l’importance économique de l’automobile. Son importance sociale et humaine est peut-être encore plus grande.

On peut dire que l’automobile a transformé la vie des Hommes, en même temps que le visage de bon nombre de nations. Et on peut dire, comme le disait tout à l’heure monsieur de Gallienne, que l’automobile n’est pas seulement un signe de promotion sociale, elle est véritablement le signe de la libération de l’individu. C’est une forme moderne par laquelle se marque la volonté de l’individu de se libérer du groupe, de garder sa personnalité, sa liberté d’allure, la possibilité d’aller quand il veut où il veut comme il veut. […]

Il n’en reste pas moins que le problème fondamental, aussi bien pour les professionnels de l’automobile que pour les usagers dans les moments de ces grandes migrations, c’est le réseau de circulation rapide, le réseau de circulation à grande distance par les autoroute ou par les grandes nationales. Et sur ce point, indiscutablement, nous avons pris un retard. Il y avait en France 130 kilomètres d’autoroutes en service. Nous avons , et j’ai moi même si je m’en souviens bien en 1962, pris la décision non seulement de modifier cet état d’esprit et de modifier ces programmes, mais à nouveua je le répète en 1962 d’accélerer le rythme de construction des autoroutes. À l’heure actuelle, dans quelques semaines à la fin de l’année, nous aurons, à 5 ou 6 kilomètres près, 800 km d’autoroutes en service et plus de 350 qui seront en chantier. Tout au long du cinquième Plan, 1000 kilomètres d’autoroutes seront mis en service et 1000 autres seront mis en chantier. Nous sommes résolument hostiles à l’extension du réseau de routes à 3 voies et prêts au contraire à développer autant que nous le pourrons les routes à 4 voies, partout sur les grands itinéraires où nous ne pourrons pas dans l’immédiat réaliser des autoroutes. […]

Il semble trop souvent que le Français, poli devant les ascenseurs, poli à l’excès devant les portes qu’on n’arrive jamais à traverser, dès qu’il se trouve au volant de sa voiture, ne pense à piétiner ceux qui sont à sa gauche et à sa droite et à passer devant. Il faut que les constructeurs veuillent bien diriger leurs efforts dans le sens de la sécurité, qu’il s’agisse par exemple de la capacité de résistance des voitures aux chocs ou qu’il s’agisse de l’aménagement intérieur du véhicule permettant de limiter les dégâts pour les conducteurs ou passagers accidentés. Je souhaite que les constructeurs français continuent et accentuent leur effort en ce sens. […]

Georges Pompidou , salon de l’automobile, Paris , 13 octobre 1966, discours inaugural de la Journée nationale d’études de la Prévention routière