« …Je survole donc des routes noires de l’interminable sirop qui n’en finit plus de couler. On évacue dit-on, les populations. Ce n’est déjà plus vrai. Elles s’évacuent d’elles-mêmes. Il est une contagion démente dans cet exode. Car où vont-ils, ces vagabonds ? Ils se mettent en marche vers le Sud, comme s’il était, là-bas, des logements et des aliments, comme s’il était, là-bas, des tendresses pour les accueillir. Mais il n’est, dans le Sud, que des villes pleines à craquer, où l’on couche dans les hangars et dont les provisions s’épuisent. Où les plus généreux se font peu à peu agressifs à cause de l’absurde de cette invasion qui, peu à peu, avec la lenteur d’un fleuve de boue, les engloutit. Une seule province ne peut ni loger ni nourrir la France !… »
Saint-Exupéry, Pilote de guerre, Gallimard.