Extrait de l’article de N. S. Khrouchtchev, » Problèmes actuels du système socialiste mondial « , 1962.
« Pourquoi les impérialistes, malgré toutes leurs contradictions, parviennent-ils à réaliser à l’échelle internationale, encore qu’incomplètement, leur coopération économique dans certains secteurs importants ?
Tout d’abord, on a ici la manifestation &emdash; sur une base contradictoire, il est vrai &emdash; de la tendance objective à l’internationalisation croissante de la vie économique, qui s’est considérablement renforcée de nos jours par suite du rapide progrès scientifique et technique.
Ensuite, devant la puissance croissante du système socialiste, dont l’économie est planifiée, devant l’essor rapide du mouvement de libération des peuples, les impérialistes sont amenés à rechercher le moyen d’atténuer les contradictions dans leur camp. Redoutant la compétition économique pacifique avec les pays du système socialiste, et devant la contradiction majeure de notre temps, celle qui oppose le capitalisme au socialisme, les impérialistes s’efforcent de repousser au second plan leurs contradictions internes.
Naturellement, il ne faut pas s’exagérer la portée des groupements impérialistes internationaux. On a beau porter aux nues en Occident l’idée d’intégration européenne et les résultats qu’elle donne, un fait demeure : les alliances créées par les impérialistes ne font pas disparaître les profondes contradictions intérieures et les tares inhérentes au monde capitaliste. Les blocs militaires et les groupements placés sous la direction des Etats-Unis connaissent des crises fréquentes, dues aux profondes contradictions qui existent entre les principales puissances impérialistes. Les intérêts d’un petit groupe d’Etats impérialistes se heurtent également à ceux des autres pays capitalistes, comme ils se heurtent aux intérêts de tous les peuples. Tout cela affaiblit obligatoirement les unions et les alliances impérialistes.
Mais ne pas exagérer les forces de l’adversaire, cela ne veut pas dire les ignorer. Ce serait faire preuve de légèreté et de myopie politique que de ne pas prêter attention aux desseins et aux agissements des chefs de file de l’intégration européenne. Les communistes luttent donc contre les tentatives d’utiliser le Marché commun et les autres groupements de ce genre d’une part pour la préparation d’une nouvelle guerre et le renforcement de la course aux armements, d’autre part à des fins de pression économique et politique sur les autres pays et particulièrement sur les jeunes Etats nationaux en plein développement. Nous avons dénoncé et nous continuerons à dénoncer les conséquences néfastes de l’intégration capitaliste pour les masses travailleuses.
En même temps, nous tenons compte des tendances objectives à l’internationalisation de la production qui agissent dans le monde capitaliste, et nous déterminons notre politique, nous prenons des mesures économiques en conséquence. Et ici se pose la question de la possibilité d’une coopération économique et d’une compétition économique pacifique non seulement entre des Etats ayant des régimes sociaux différents, mais également entre les unions économiques dont font partie les uns et les autres.
La tendance des milieux impérialistes à profiter de l’intégration de l’Europe occidentale pour constituer entre plusieurs Etats des groupements économiques fermés, de caractère agressif, représente un danger qui ne saurait nous échapper. Cette politique de l’Occident dresse des barrières sur la voie du développement du commerce mondial et de la coopération entre les groupements économiques des deux systèmes. Tout autre est l’attitude des Etats socialistes, qui, dans la situation nouvelle, font des propositions tendant à étendre les relations commerciales entre les pays des deux systèmes opposés. »
(in « Nouvelle Revue internationale », septembre 1962, p. 14 et suiv.)
Extrait de Jacques Dalloz, « Textes sur la décolonisation », PUF, Paris, 1989.