De 1919 à 1936, le suffrage féminin, le droit de vote des femmes, fut voté quatre fois par la Chambre et trois fois enterré par un Sénat radical qui craignait que les électrices fussent conseillées par leurs curés dans leurs choix de vote. C’est parce que les droites espéraient cette influence cléricale redoutée des gauches qu’elle soutinrent souvent le projet, parfois au nom d’un vote de substitution aux morts des tranchés. Après le discours talentueux et méprisant du sénateur Duplantier contre l’accession des femmes à certaines professions, Louise Weiss et son groupe de militantes se rendirent sur les marchés de Châtellerault pour informer les femmes des milieux populaires du genre de discours que le sénateur avait tenu à Paris. Les femmes firent pression sur leurs maris et le ci-devant inamovible Duplantier perdit son siège aux sénatoriales de 1936. Le vote des femmes fut acquis lors de la signature par de Gaulle de l’ordonnance d’avril 1944 sur les pouvoirs à la libération, celle-là même qui rendait inéligibles ceux qui avaient voté les pleins pouvoirs à Pétain le 10 juillet 1940. L’ordonnance de de Gaulle fut précédé d’un avis de l’Assemblée consultative d’Alger.

La Chambre vote pour le suffrage féminin


Date|Oui| |Non|% oui|
20 mai 1919    : 329   █  95 | 77,59%
7 avril 1925     : 390  █  183 | 68,06%
1er mars 1935  : 453  █  24 | 78,51%
30 juillet 1936 : 488 █  1 | 99,80%

 


Quelques chiffres sur le droit de vote des femmes…

– 1901-1937 : 60 projets concernant l’émancipation des femmes sont discutés au parlement.||- 1906 – Création du comité parlementaire des droits de la femme. Adhérents : 96 puis 200. Nombre de réunions : 0.
– 1909 : 1 candidat évoque le droit de suffrage féminin dans sa profession de foi.
– 1919 : 19 candidats l’évoquent.
– 1932 : 97 candidats l’évoquent.

Source : Christine Vérot, La question du vote des femmes devant le Parlement entre les deux guerres, Mémoire de maîtrise, Université de Lille III, juin 1987.|


Chambre (1935) : nouveau vote en faveur du suffrage féminin

En 1848, d’un seul geste, la France […] a fait des nègres, des électeurs et des éligibles […] Pouvons nous vraiment nous laisser arrêter par des considérations de procédure lorsqu’il s’agit de donner aux femmes l’électorat et l’éligibilité aux conseils municipaux ? ».

Intervention de Gratien Candace, Journal officiel de la République française (JORF), Chambre, Débats parlementaires, 1er mars 1935, p. 792 sq.

Y https://clio-texte.clionautes.org/defense-vote-des-femmes-tardieu.html

 


Discours de R. Duplantier, sénateur radical de la Vienne depuis 1920, maire de Châtellerault contre le droit de vote des femmes

Sénat (1935) : sur l’accession des femmes aux professions de notaire, avoué, huissier et greffier.

«L’évolution des mœurs qui nous pousserait vers un féminisme de plus en plus large, je la conteste formellement […] Le féminisme, à l’heure actuelle, est très bien porté; c’est un article bien parisien. Celui qui s’élève contre ses doctrines passe pour une espèce de rustre, de paysan du Danube, et beaucoup n’osent pas s’exposer à une pareille qualification [sourires].
Mais demandez donc l’opinion du Français moyen, ou même de la Française moyenne [Très bien ! Très bien ! à gauche] […]
La formule « A travail égal, salaire égal » suppose qu’il s’agit pour la même durée, d’un travail équivalent en qualité et en quantité, ce qui est absolument inexact sous ce double-rapport, pour le travail féminin. Ce sont donc les hommes qui subissent l’injustice résultant de l’application de cette règle […] Une femme peut être pour son mari, dans son étude, une excellente collaboratrice; ce n’est pas une raison suffisante pour qu’on puisse dire qu’elle dirigerait cette étude avec la même compétence et le même talent [Très bien !] […]

On ne peut parler d’égalité qu’entre des êtres semblables […] Il y a tout de même entre eux dans l’ordre physique une petite différence [rires]. Ne nous étendons pas sur ce sujet. Pensons-y toujours et n’en parlons jamais [nouveaux rires] […]

Alors Messieurs (si elles peuvent devenir notaires), ce sont les femmes qui, en signant et en délivrant des grossesGrosse : dans le langage juridique (du droit), une grosse est la copie certifiée d’un acte. Une femme est dite grosse lorsqu’elle est enceinte et attend la délivrance., vont mettre en mouvement les divers agents et représentants de la force publique ? Lorsque la notairesse aura signé avec les partiesLes parties : les différents signataires d’un acte. Ex : les différents héritiers d’un défunt. L’auteur joue sur l’ambiguïté avec les parties génitales.[rires], lorsqu’elle aura déposé au bas de l’acte ses seingsSeing : signature. Ex : déposer ou apposer son seing. Donner son blanc-seing : donner son accord. [rires], cet acte aura un caractère en quelque sorte public; il ne pourra être contesté que très malaisément, au moyen d’une procédure difficile et périlleuse. Comme il arrive souvent qu’il y ait des clients insolents, grossiers et brutaux, vous allez exposer ces malheureuses femmes à des outrages qui ne seront pas toujours les derniers [rires]Derniers outrages : figure de style désignant un acte sexuel ayant lieu hors-mariage et pas forcément consenti. Souvent employé par la littérature légère ou les amateurs de mots d’esprit.… Nous sommes loin du temps de la femme romaine qui gardait le foyer et filait la laine. Aujourd’hui, trop souvent, quand elle file, c’est loin du foyer et au besoin elle en perd l’haleine [rires] […] lorsqu’une femme avoué se sera occupée de purger ses hypothèquesHypothèque : droit en garantie d’une dette. Ex : le créancier qui ne récupère pas son argent peut récupérer l’immeuble hypothéqué de l’emprunteur., qu’elle ne néglige de purgerPurge : jusqu’aux années 1950, la purge est une pratique régulière. Les enfants reçoivent jusqu’à une fois par mois un remède qui leur purge les intestins et les envoie à la selle plusieurs fois dans la journée. Ex : Jean Renoir, On purge Bébé, 1937. ses enfants [rires]… Les ministères sont devenus de véritables gynécéesGynécée : lieu réservé aux femmes dans la Grèce classique du Ve siècle AEC. [rires). Nous y avons tous rencontré des femmes en train de se mettre du rouge aux lèvres, du noir aux yeux. Si l’employée du ministère écrivait ses mémoires, elle pourrait prendre pour titre celui du roman de Stendhal : Le Rouge et le Noir [rires]… Messieurs, je ne prétends pas que la main de la femme rabaisse tout ce qu’elle touche [rires] […] Dans l’intérêt même des femmes, il ne faut pas leur permettre une pareille profession. Il y aurait certaines saisons, certaines périodes où il leur serait désagréable et pénible d’instrumenter [rires]… L’huissier-audiencier précède le tribunal à la cour… Et annonce :  » La cour Messieurs « . Non seulement vous allez sortir la poule de la basse-cour, mais vous allez la lâcher dans la cour, en attendant que, devenue sénateur, elle ne siège à la Haute-Cour [rires]».

Intervention de Raymond Duplantier, Journal officiel de la République française (JORF), Sénat, Débats parlementaires, 3 mars 1935, p. 247-251.

Y https://clio-texte.clionautes.org/droit-de-vote-femmes-arguments-misogynes.html

  1. Expliquez pourquoi la Chambre a voté de nouveau et en vain en 1925, 1935 et 1936.
  2. Quelle est la nature des arguments de Duplantier ? Passe-t-il pour un hurluberlu ?
  3. Commentez la forme de ces arguments sans commenter les arguments.
  4. Quel premier Ministre était maire de Châtellerault en 1991 ?