La conversion de Hassan-i Sabbâh
« Dans mon enfance, dès l’âge de sept ans, je me pris de passion pour toutes les formes du savoir ; je voulais devenir docteur de la Loi ; jusqu’à l’âge de dix-sept ans, je cherchai à acquérir des connaissances, tout en demeurant fidèle à la foi de mes ancêtres duodécimains.
Un jour, je rencontrai un compagnon [rafîq, terme souvent utilisé entre eux par les ismaéliens], appelé Amîra Zarrâb, qui, de temps en temps, exposait la doctrine des califes d’Égypte (…) comme d’autres avant lui l’avaient fait (…).
Je n’ai jamais mis en doute ma foi dans l’islam ; j’ai toujours été convaincu qu’il existe un Dieu vivant, éternel, omnipotent et omniprésent, un Prophète et un imâm, des choses permises et des choses défendues, un paradis et un enfer, des commandements et des interdictions. Pour moi, la religion et la doctrine consistaient en ce que les gens en général et la chî‘a en particulier professaient, et il ne m’était jamais venu à l’esprit qu’on pût chercher la vérité en dehors de l’islam. Je pensais que les doctrines des ismaéliens étaient de la philosophie [terme d’insulte pour les gens pieux] et le maître de l’Égypte un philosophe.
Amîra Zarrâb était un excellent homme. La première fois qu’il conversa avec moi, il me dit : « Les ismaéliens disent ceci et cela ». Je répliquai : « Ô ami, ne parle pas comme eux car ce sont des proscrits et ce qu’ils disent va contre la religion. » Il y eut des controverses et des discussions entre nous ; il me désapprouvait et détruisit ma foi. Je ne le lui avouai pas, mais ces mots eurent une grande influence sur mon âme (…). Amîra me disait : « Quand, le soir, dans ton lit, tu réfléchiras, tu sauras que ce que je t’ai dit t’a convaincu. » »
Autobiographie de Hasan reprise par les historiens ‘Atâ Malik Juvaynî (1226-1283) et Rachîd al-Dîn (v. 1247-1318), in Bernard Lewis, Les Assassins. Terrorisme et politique dans l’Islam médiéval, Paris, Complexe, 2001, pp. 75-76