La Guerre des Boers (1899-1902)

 

Boers signifiant, en afrikaans, paysans, fermiers, est le nom donné aux Blancs descendants d’Hollandais installés en Afrique du Sud.

 

Afrique du Sud, le Grand Trek

Certains Boers veulent échapper à la domination anglaise du Cap. Ce sera le Grand Trek et la fondation des provinces d’Orange et du Transvaal.
« Des bruits ont circulé, qui avaient pour intention évidente d’éveiller dans l’esprit de nos compatriotes des préjugés contre ceux qui ont résolu d’émigrer loin d’une colonie où ils connaissent, depuis de longues années, des pertes et des vexations sans nombre ; or, nous voulons que nos frères continuent à nous estimer ; nous voulons qu’eux et le monde sachent bien que ce n’est pas sans raison amplement suffisante que nous tranchons le lien sacré qui unit un Chrétien à la terre où il est né. Aussi résumons-nous ici les raisons qui nous ont poussé à ce départ, et nos intentions quant aux tribus indigènes que nous rencontrerons au-delà des frontières.

1- Nous désespérons de sauver la colonie des maux qui la menacent du fait de la conduite turbulente et malhonnête de vagabonds, que l’on a autorisés à infester tout le pays ; et nous ne voyons aucun avenir pour nos enfants dans un pays aussi troublé.

2- Nous déplorons les énormes pertes qui nous ont été infligées par l’obligation d’affranchir nos esclaves, et les vexations que nous avons eu à subir à ce propos. [l’esclavage a été aboli par les Anglais en 1833] (…)

4- Nous déplorons la haine injustifiable que nous ont manifestée, sous le couvert de la religion, des personnes intéressées et malhonnêtes dont le témoignage est le seul qui soit pris en considération en Angleterre, à l’exclusion de tout ce qui peut témoigner en notre faveur ; et nous pensons que de tels préjugés ne peuvent avoir pour conséquence que la ruine totale du pays.

5- Nous sommes résolus, où que nous allions, à brandir les principes de la liberté ; mais, si nous nous engageons à veiller à ce que nul ne soit maintenu en esclavage, nous sommes également décidés à maintenir des règles propres à réprimer le crime et à préserver les relations entre maître et serviteur telles qu’elles doivent être. (…)

9- Nous quittons la colonie, certains que le gouvernement anglais n’a rien à exiger de nous et nous laissera, à l’avenir, nous gouverner nous-mêmes sans ingérence.

10- Nous quittons aujourd’hui cette riche terre qui nous a vus naître, où nous avons presque tout perdu, et où l’on nous a humiliés, pour pénétrer dans un territoire sauvage et dangereux ; mais c’est en nous appuyant sur un Etre omniscient, juste et miséricordieux. Que nous nous efforcerons de craindre et à Qui nous nous efforcerons d’obéir humblement. »

Tiré du Manifeste de Piet Retief, un des leaders du Grand Trek, en 1837.
Cité dans Paul Coquerel , « AFRIQUE DU SUD, l’histoire séparée », éd. Gallimard, Paris, 1992, pp. 134-135

Une lettre célèbre

« Les Présidents de l’Etat libre d’Orange et de la République sud-africaine au marquis de Salisbury.

Bloemfontein, 5 mars 1900
Le sang et les larmes des milliers d’êtres qui ont souffert par cette guerre, et la perspective de toutes les ruines morales et économiques dont l’Afrique du Sud se trouve à présent menacée, oblige les deux belligérants à se demander sans passion et comme en face de la Trinité divine pour quelles raisons ils se battent et si les griefs de chacun justifient toutes ces misères et ces dévastations probables.
Dans ce but, et pour répondre à l’assertion de beaucoup d’hommes d’Etat anglais, que cette guerre a été entreprise pour ébranler l’autorité de Sa Majesté dans le Sud de l’Afrique et pour établir une administration indépendante du gouvernement de Sa Majesté, nous croyons de notre devoir de déclarer solennellement que cette guerre fut regardée uniquement comme une mesure défensive pour assurer et sauvegarder l’incontestable indépendance des deux républiques comme Etats souverains internationaux, et pour obtenir l’assurance que ceux des sujets de Sa Majesté qui ont pris part avec nous à la guerre ne souffriront ni dans leurs personnes ni dans leurs propriétés.
A ces conditions, mais à ces conditions seulement, nous sommes désireux, à présent comme dans le passé, de voir se rétablir la paix dans le Sud de l’Afrique, et de voir mettre un terme à l’état des choses qui règne maintenant dans le sud de l’Afrique ; mais si le gouvernement de Sa Majesté est résolu à détruire l’indépendance des républiques, il ne reste, à nous et à nos peuples, qu’à préserver jusqu’à la fin, dans la voie où nous nous sommes engagés, malgré la supériorité écrasante en nombre de l’Empire Britannique ; nous sommes certains que le Dieu qui alluma dans nos cœurs et dans ceux de nos pères le feu inextinguible de l’amour de la liberté ne nous abandonnera pas, mais accomplira son œuvre en nous et nos descendants.

Nous avons hésité à faire cette déclaration plus tôt à votre Excellence, parce que nous craignions, tant que l’avantage resterait de notre côté, et aussi longtemps que nos forces occuperaient des positions défensives dans les colonies de Sa Majesté , qu’une telle déclaration pourrait froisser les sentiments d’amour-propre du peuple britannique. Mais à présent que le prestige de l’Empire britannique peut être regardé comme établi par la capture d’une de nos forces, et que nous sommes pas là obligés d’abandonner des positions que nous occupions, cette objection n’existe plus, et nous ne pouvons attendre plus longtemps pour informer votre gouvernement et votre peuple, à la face de tout le monde civilisé, du motif qui nous fait battre et à quelles conditions nous sommes prêts à faire la paix. »

cité dans KEANEY Annette ,Le lion et Le sanglier, deux héros de la guerre des Boers : Paul Kruger et Georges de Villebois-Mareuil. Paris : Editions France-Empire, 1982. 294 p.

Appel à la paix

Ici P. Botha, député de Kroonstadt au Volksraad de l’Etat Libre d’Orange, appelle ses concitoyens boers à mettre un terme au conflit de quelque manière qu’il soit et pas forcément en se battant avec les Anglais qu’il sait plus fort mais en cohabitant de façon à créer une nation unie et paisible dans laquelle ils se sentent bien. Il cherche à démontrer que la haine que les autres nation vouent aux anglais ne les concernent pas et qu’une entente serait préférable.

« Mais vous, où êtes vous ? Votre sang a coulé comme de l’eau; vos maisons ont été détruites; vous avez été déportés en pays étrangers, et vous, vos femmes et vos enfants, vous avez été entassés l’un sur l’autre dans des camps de refuge, et réduits à vivre des aumônes de votre ennemi.

Parce que vous êtes ignorants, ces hommes ont joué sur votre faiblesse et sur vos préjugés; vous avez tiré les marrons du feu; et maintenant, après vous avoir ruinés, ils se sont mis en sûreté et vous ont abandonnés à votre destin.

Vous rendez-vous compte, maintenant, que si les Hollandais, les Allemands, les Français vous ont poussés à combattre, ce n’est pas qu’ils vous aimaient tant, mais qu’ils haïssaient les Anglais d’avantage ? Qu’est-ce qu’ils veulent, dans l’Afrique du Sud ? Ce qu’ils veulent, ce n’est que provoquer des dissensions entre vous et les Anglais, afin de se donner l’occasion de profiter de vos discordes.

Ne les laissez pas vous induire plus longtemps en erreur en ce qui concerne vos véritables intérêts. Chassez du pays cet élément étranger intrigant. Il ne peut exister de prospérité réelle là où l’on est en continuels conflits. »

extrait de Paul Botha, D’un Boër aux Boërs et aux Anglais, Capetown: J. C. Juta & C°. , 1901, 42 p.

La reddition

Après des succès initiaux, les Boers furent submergés en 1900 par l’effort des Anglais et ils recoururent à l’organisation de commandos mobiles pratiquant la guerrilla Leurs épreuves ont racontées par le jeune volontaire D. Reitz, dont le père, ancien président de l’État libre d’Orange, était devenu secrétaire d’État de Kruger.

« Le général en chef Louis Botha se trouve non loin d’ici, rassemblant le plus de burghers [citoyens] qu’il peut pour constituer le noyau d’une armée fraîche ; chacun est invité à s’y rendre…(…). Mon père nous confirme ce que nous a dit M. Smuts sur la situation militaire ; à son avis, la guerrilla (sic) est la tactique qui convient le mieux au caractère des Boers, peu faits pour les opérations régulières…(…).

Le bruit s’était maintenant répandu que le général Botha rassemblait une nouvelle armée, et les éléments les plus vaillants, venant de leur foyer ou d’ailleurs, s’empressaient pour le rejoindre… Des milliers, les plus faibles, s’étaient rendus ou rentrés chez eux ; des commandos entiers avaient fondu comme neige… ; mais ceux qui avaient tenu étaient des combattants endurcis et près de 2 000 d’entre eux rejoignirent le général Botha, ce qui porta son effectif total à 5 000 hommes au moins…

Nous apercevons toute la matinée des colonnes de fumée derrière les lignes anglaises et nous constatons avec surprise que l’ennemi brûle les fermes au fur et à mesure qu’il avance : bientôt le bruit court que, non contents de cela, ils emmenèrent en arrière les femmes et les enfants… L’intention de l’ennemi était d’abattre le moral des combattants ; mais comme je le constatais, l’effet fut exactement l’inverse ; au lieu de faiblir, ceux-ci devinrent plus résolus que jamais et cette politique au lieu de raccourcir la guerre, contribua à la prolonger un an de plus. La plaine est couverte de fourgons, chariots et véhicules de toute espèce, chargés de femmes et d’enfants ; des indigènes poussent devant eux une multitude de chevaux, moutons, bestiaux, pendant que les maisons et les meules brûlent derrière eux (…).

La politique de répression que lord Kitchener appliquait sans répit avait peu à peu abattu la force de résistance des commandos… Lord Kitchener faisait savoir au général Smuts que les autorités des deux partis devaient se réunir prochainement à Vereeniging, sur les rives du Vaal, pour discuter des conditions de la paix et l’invitait à s’y rendre… (…).

Lord Kitchener pénètre seul dans notre compartiment. Son désir de voir finir la guerre est manifeste, car il revient sans cesse sur l’inutilité de nos efforts, nous disant qu’il a, en Afrique du Sud, 400’000 hommes à opposer à nos 18’000… Il y a des délégués de tous les commandos de Transvaal de l’Est, venus pour élire leurs représentants à la Conférence qui va s’ouvrir à Vereeniging ; rien ne saurait nous montrer plus clairement à quel point la cause Boers est désespérée que la vue de ces hommes hagards, affamées, hirsutes, vêtus de peaux ou de sacs, le corps couvert de plaies provenant du manque de sel et de nourriture… Leur moral restait indompté; mais ils avaient atteint les limites de la résistance physique… (…). Chaque représentant faisait le même tableau : dénuement le plus complet, manque de munitions, de chevaux, de vêtements… Le pays était ruiné à fond, les maisons brûlées, les récoltes et le bétail détruits. Il ne restait qu’à se résoudre à l’inévitable… »

La guerre des Boers, Mémoires du volontaire Deneys Reitz, trad. Franç., pp.115-119, 152-154, 258,309-319, Paris, Payot, 1930. in Recueil de textes d’histoire publiés sous la direction de Louis Gothier et Albert Troux, Tome V : L’époque Contemporaine (1871-1965

 

Y 1900. Le chef des Boers s’adresse à la France (1900)