Dans la continuation du gaullisme, François Mitterrand, ex-pourfendeur du général, avait toujours refusé de voir dans l’État français autre chose qu’une parenthèse. Jacques Chirac, issu du gaullisme affirma quant à lui la part de responsabilité française dans la rafle de juillet 1942. En 2012, François Hollande, qui emprunte le même sentier que Jacques Chirac, est critiqué par la droite gaulliste et la gauche non-socialiste. Paradoxe des usages politiques du passé.
J.P. Chevènement joue les experts mais commet une erreur. En juin 1940, les membres du gouvernement (de Gaulle y compris), se sont affrontés autour de la capitulation, texte militaire n’impliquant pas l’arrêt de la guerre dans l’empire colonial, et l’armistice, texte politique impliquant la fin des hostilités et la préparation d’un traité. C’est parce qu’il était opposé à l’armistice que de Gaulle eût préféré une capitulation des armées en métropole.

Le discours de François Hollande

Doc 1 – « Rafle du Vel’ d’Hiv : Après Guaino et Dati, Chevènement critique Hollande »

«François Hollande a qualifié, dimanche 22 juillet, l’arrestation, l’internement et la déportation de 13 152 juifs de nationalité étrangère réfugiés en France, dont plus de 4 000 enfants, de « crime commis en France par la France ».

[…] Avant lui, Jacques Chirac avait été en 1995 le premier président français à reconnaître une responsabilité longtemps passée sous silence dans la France de l’après-guerre. Le général de Gaulle puis François Mitterrand s’y étaient toujours refusés, estimant qu’il n’y avait eu, durant l’occupation allemande, qu’une seule France légitime, celle de la France libre. Au lendemain ce ce discours du président de la République, plusieurs personnalités politiques ont critiqué, parfois vertement, les propos de M. Hollande. Henri Guaino « scandalisé » « Ce qu’a dit M. Hollande […] hier, personnellement, me scandalise, pour une raison très simple : ma France, elle n’était pas à Vichy, elle était à Londres depuis le 18 juin. Il n’a pas parlé au nom de la France que j’aime », a déclaré Henri Guaino sur RMC et BFM TV. « Ce qui a été commis au moment de la rafle du Vel’ d’Hiv est une abomination, c’est une horreur, et ceux qui l’ont fait doivent être condamnés durement au tribunal de l’Histoire », a poursuivi celui qui fut la « plume » de Nicolas Sarkozy . « Mais la France, qu’est-ce qu’elle a à voir avec cela ? », a-t-il ajouté. « Peut-être que M. Hollande se sent proche de la France des notables apeurés qui se sont précipités à Vichy après l’armistice. Ce n’est pas ma France », a ajouté le député UMP des Yvelines.
Jean-Pierre Chevènement « Le président Hollande, dans son discours du 22 juillet, a malheureusement omis de dire que les crimes commis par les policiers et les gendarmes français, lors de la rafle du Vel d’Hiv, l’ont été sur l’ordre de l’État français de Vichy collaborant avec l’Allemagne nazie », relève le sénateur du territoire de Belfort, sur son blog « C’est occulter les accords passés avec la Gestapo par René Bousquet, alors secrétaire général de la police, agissant pour le gouvernement de Vichy. C’est faire comme si Pétain était la France et comme si le véritable coup d’État opéré le 10 juillet 1940 par un gouvernement de capitulation n’avait pas existé », argumente-t-il. Rachida Dati ne s’associe pas aux déclarations du chef de l’État. L’eurodéputée UMP et ancienne ministre de la justice Rachida Dati a estimé de son côté qu’il ne fallait pas oublier que des Français avaient résisté. « […] tous les Français n’ont pas été complices de cette barbarie, il faut aussi le rappeler », a-t-elle déclaré  […] »

« Rafle du Vel’ d’Hiv : Après Guaino et Dati, Chevènement critique Hollande », Le Monde / Reuters, 23 juillet 2012.


Doc. 2 – « Non Vichy, ce n’était pas la France !  »

Gilbert Rémond, journaliste à l’Humanité, quotidien du PCF, évoque le discours de François Hollande en juillet 2012 sur la rafle du Vel d’Hiv’

« […] le patriotisme du fusilleur de 17Pétain était plutôt économe de ses hommes. Sa réputation de fusilleur lors des mutineries de 1917 est un stéréotype de la mémoire d’après-guerre. Il ne fut pas davantage « le » vainqueur de Verdun que décrit la mémoire de 1940. Longtemps considéré comme républicain, il ne fut pas un catholique vertueux puisque divorcé et vivant en concubinage. Contrairement à ce que prétendent aujourd’hui les journalistes, la biographie de Pétain n’a jamais figuré au programme parce qu’il n’était pas le seul général. Il n’était pas sénile en 1940., s’était toujours conjugué avec celui des grands privilégiés qui tiennent l’économie […] Pétain sur le plan politique n’était pas un inconnu […], ses sympathies fascistesPétain ne fut pas fasciste et Vichy ne le fut pas, même si les fascistes y furent de plus en plus nombreux en 1943-1944. C’est à l’extrême-gauche et à gauche que le terme « fasciste » est souvent galvaudé. étaient notoirement étalées et ne dataient pas de la veille […]
Comme le dit Léon Landini, « Non Vichy, ce n’était pas la France […] » Un putschiste nommé par une chambre en fuiteCe n’est pas la Chambre qui se réunit à Vichy le 10 juillet 1940 mais l’Assemblée nationale, assemblée exceptionnelle composée de ce qu’on a pu rassembler de la Chambre et du Sénat. Les communistes en sont d’ailleurs exclus depuis 1939 et on ne peut pas affirmer que les présents étaient en fuite. L’idée de putsch manque donc singulièrement de nuance.. Une partie ne pouvait se revendiquer du suffrage des citoyensOn ne voit pas pourquoi puisque tous étaient élus du peuple, ce sur quoi les inéligibles de 1944-1945 s’appuieront pour se défendre.[…] »

L’Humanité, samedi 25 août 2012.


Doc. 1

  1. Qui a ordonné la rafle du Vel d’hiv en 1942 ? Qui en a assuré la logistique ?
  2. Quel a été le discours officiel des dirigeants français de 1945 à 1995 sur ceux qui dirigeaient le territoire français en 1940-1944 ?
  3. Qui a rompu avec la tradition ? De quelle sensibilité politique était-il ? En quoi cela peut-il être étonnant ?
  4. A quel régime mémoriel le président Hollande paraît-il se rattacher ? Avec quel prédécesseur issu de son propre parti paraît-il en rupture ?
  5. De qui Claude Guéant est-il très proche ? A quelle tradition mémorielle peut-on le rattacher ? Comment Rachida Dati manifeste-t-elle son rapport à la nation ?
  6. Quelle erreur est commise par Jean-Pierre Chevènement à propos de la rafle du Vel d’Hiv ? Dans quelle mesure le terme « capitulation» semble-t-il inapproprié ?

Doc. 2 :

  1. Qui nomme Pétain au gouvernement en juin 1940 ? Qui lui octroie les pleins pouvoirs le 10 juillet 1940 au casino de Vichy ?