TEXTES sur le monachisme en Occident
Miracles de saint-Benoit au Mont Cassin, abbaye Pierre des Dames de Reims, XVIIe.
Récit sur Saint-Benoît, miracle
Saint-Benoît est le fondateur de l’ordre des Bénédictins au début du VIe s. ap. J.-C.
« A l’époque où la disette affligeait cruellement la Campagnie [région d’Italie], l’homme de Dieu [Saint Benoît] avait distribué à divers nécessiteux toutes les provisions du monastère ; si bien qu’il ne restait presque rien dans le cellier, si ce n’est un peu d’huile dans une jarre. Survint alors un sous-diacre [clerc de rang inférieur], nommé Agapit, demandant avec insistance qu’on voulut bien lui donner un peu d’huile. Le serviteur de Dieu, qui avait résolu de tout donner sur terre pour tout se réserver dans le ciel, ordonna de remettre au solliciteur le peu d’huile qui restait. Le moine qui avait la charge du cellier entendit bien cet ordre, mais différa de l’exécuter. Et comme, peu de temps après, le Père Benoît s’informait si l’on avait fait ce qu’il avait commandé, le moine répondit que non : parce que s’il avait donné cette huile, il ne serait absolument rien resté pour les Frères. Alors, irrité, le bienheureux benoît enjoignit aux autres de jeter par la fenêtre cette jarre dans laquelle on apercevait un petit reste d’huile, afin que rien ne demeurât dans le monastère par le fait d’une désobéissance. Ainsi fut fait.
Sous la fenêtre, s’ouvrait un grand précipice hérissé de pierres énormes. Lancé de la sorte, le récipient de verre donna contre les rochers, mais resta intact comme si on ne l’eût point jeté ; il semblait que le verre n’avait pu se briser, ni l’huile se répandre. L’homme de Dieu ordonna d’aller reprendre la jarre et la fit remettre telle quelle au sous-diacre. Puis, devant les Frères assemblés, il réprimanda le moine désobéissant pour son infidélité et son orgueil.
Sa réprimande terminée, Benoît se mit en prière avec les Frères. Dans l’endroit où il priait avec eux, se trouvait un tonneau à huile, vide et couvert. Or, comme le saint prolongeait son oraison, le couvercle du baril commença à se soulever sous la poussée de l’huile qui montait ; puis, après l’avoir déplacé, l’huile, montant toujours, passa par-dessus le bord du récipient, et inonda le pavé du lieu où les Frère étaient prosternés. Dès qu’il s’en aperçut, le serviteur de Dieu Benoît acheva sa prière sans tarder, et l’huile cessa de couler par terre. Alors il admonesta avec plus d’insistance le frère qui avait manqué de confiance et désobéi, pour lui apprendre qu’il devait avoir plus de foi et d’humilité. Le Frère, touché par cette salutaire correction, se mit à rougir ; car le vénérable Père montrait par des miracles cette vertu du seigneur tout-puissant qu’il avait affirmée dans son admonition. Et dès lors, il ne fut plus possible à personne de douter des promesses de celui qui, en un seul et même instant, en échange d’une jarre presque vide, avait rendu un tonneau plein d’huile. »
extraits des « Dialogues » de Saint Grégoire, ch. 28-29 (écrit en 593-594 après J.-C.). Grégoire a été pape de 590 à 604.
Description de la Chartreuse, fondée par saint Bruno vers 1090.
« Treize moines vivent là. (…) Chacun a sa propre cellule sur le pourtour du cloître, lieu où il travaille, dort et prend ses repas. Tous les dimanches, le procureur leur remet leurs provisions, c’est-à-dire du pain et des légumes, à l’aide de quoi chacun cuit chez soi une espèce de potée, toujours la même.
Ils ne parlent pour ainsi dire pas ; s’ils ont besoin de quelque chose, c’est par signes qu’ils la requièrent. Ils portent un cilice à même la peau ; le reste de leur vêtement est des plus légers. Mais bien qu’ils s’abaissent à une pauvreté multiforme, ils ne laissent pas d’assembler une très riche bibliothèque ; en effet, moins ils ont l’abondance du pain matériel ici-bas, plus travaillent-ils à la sueur de leur front pour acquérir cette nourriture qui ne meurt pas, mais qui subsiste éternellement. »
extrait de Guibert de Nogent, « Autobiographie », écrite aux environs de 1120-1130.
Cité dans Berstein et Milza, « Histoire Seconde », éditions Hatier, 1996, p.81
Préceptes de saint Bernard sur ce que doit être l’art monastique
« Je dois vous reprocher un abus à mes yeux plus grave, quoique devenu si fréquent qu’on n’y prête plus attention : vous donnez à vos églises des proportions gigantesques, les décorez avec somptuosité, les faites revêtir de peintures qui détournent irrésistiblement sur elles l’attention des fidèles (…). J’admets que vous le faites pour la gloire de Dieu. Mais dites-moi, vous qui pratiquez la pauvreté de l’esprit, que vient faire tant d’or dans un sanctuaire ? (…) Mais surtout, quel rapport avec votre vie de pauvres, de moines, de spirituels ?
extrait de Bernard de Clairvaux, « Lettre à l’abbé de Saint-Thierry », 1125.
Cité dans Berstein et Milza, « Histoire Seconde », éditions Hatier, 1996, p.83