« Je ne parle pas des réformes sociales à étudier pour améliorer la condition de ceux qui souffrent, ce qui est le but principal du Gouvernement, ni des grandes réformes commerciales, criminelles, judiciaires. Je sais que pour tous ces sujets l’Empereur est disposé à tout, et que nul souverain n’a eu le coeur plus populaire, ni l’esprit plus ouvert.

Je me tiendrai à l’ordre purement politique. A l’extérieur, je crois que la guerre, loin de rien résoudre, embrouillera tout. A l’intérieur, je ne crois plus possible le maintien de la loi de sûreté générale (1), de l’article 752 (2) et des candidatures officielles. Je ne puis aller jusqu’à accorder aux conseils municipaux la nomination des maires, mais j’estime qu’une sérieuse étude doit être commencée pour opérer le plus de décentralisation possible et étendre les libertés communales. En ce qui concerne la liberté de la presse et le droit de réunion, il n’y a qu’à persévérer dans la politique actuelle : elle est excellente.

Si l’Empereur n’est pas de mon avis sur ces divers points, je ne puis lui être d’aucune utilité ; s’il pense ainsi, il reste à déterminer comment je pourrai lui être le plus utile. Si l’Empereur croit devoir m’employer, qu’il le fasse en tirant de moi le plus de profit possible ; qu’il me charge par une note au Moniteur de former un ministère. »

Émile Ollivier, Lettre à Duvernois, journaliste proche de Napoléon, 2 octobre 1869.

1) Loi de 1858 permettant au gouvernement d’expulser ou d’interner toute personne ayant déjà été poursuivie avant le coup d’Etat du 2 décembre.

2) Article de la Constitution interdisant de poursuivre un fonctionnaire pour abus de pouvoir.