Lettres du Roi sur le fait de la chasse (1396)
Chasse à courre au Moyen Age
Ce document, intitulé « Lettres portants deffanses à tous roturiers et non ayants droit ou charge, de chasser aux bestes grosses, rouges ou noires, ny aux oiseaux », est daté du 10 janvier 1396. Ces lettres furent données à Paris, par le roi Charles VI (1368-1422) « en son grand conseil », et furent enregistrées par le prévôt de Paris, le 6 février 1396 .
A tous ceux qui ces lettres verront, Jean, seigneur de Foneville, chevallier, conseiller du Roy nostre sire, garde de la prévosté de Paris, Salut. Savoir faisons que Nous, l’an de grâce mil trois cens quatre vingtz et seize, le mercredy sept jour de febvrier, vismes unes lettres du Roy nostre sire, seellée en, double queue de son grand sell contenant cette forme:
Charles, par la grâce de Dieu Roy de France, à tous ceux qui ces lettres verront Salut. Il est venu à Nostre connoissance par le rapport de plusieurs personnes dignes de foy, tant de nostre conseil comme autres, que plusieurs personnes non nobles, laboreurs et autres, sans qu’ils soient a ce privilégiez, ne qu’ils ayent adveu de personnes nobles ou autres, ayans garennes ou privilèges, ont et tiennent devers eux chiens, fuiront, cordes, lacs, filletz et autres engins à prendre grosses bestes rouges et noires, conils, lièvres, perdrix, faisans et autres bestes et soyseaux d’ou la chasse ne leur appartient, ne doit appartenir, par quoy, il est advenu et advient, chacun jour, que lesdits non nobles en faisant ce que dit est, délaissent à faire leurs laborages ou marchandises et commettent plusieurs larrecins de grosses bestes et de conils, de perdrix et de faisans, et d’autres bestes et oyseaux, tant en nos garennes commeen celles des nobles et autres, nos sujetz, dont il est advenu mault de fois que quand Nous et les nobles de nostredit Royaume avons voulu aller en dedans, l’on a trouvé en plusieurs lieux, peu ou néant de bestes et oyseaux, et par ce le déduit de Nous et desdits nobles a esté et est souvente fois empesché, par quoy, si remède n’y estoit mis, plusieurs dissentions, débats et destours se pourroient survenir et mouvoir entre nos subjetz nobles et non nobles, et s’en ensuivroient plusieurs autres inconvéniantz, mesmement que lesdits non nobles, en persévérant en ce, sont souvent emprisonnez et pour ce traitz à grandz amendes, et per les oyseaux qu’ilz y eurent en ce faisant deviennent larrons, meurtriers, espieurs de chemins, et mènent mauvaise vie, dont par ce est advenu et advient souvent, qu’ils ont finé et finent leurs vie par mort dure et honteuse, qui est en grande confusion de nostre peuple et détriment de la chose publique de nostre Royaume, et au grand dommage de Nous et de nos subjetz; pour quoy Nous voulons à ce estre remédié.
Sçavoir, faisons que eue sur ce grand et meure délibération de nostre grand conseil ou estoient nos très chers et très amez oncles et frères, les ducs de Bourgonhe, d’Orléans et de Bourbon, et plusieurs autres notables personnes de nostredit conseil, avons ordonné et ordonnons, par ces présentes, que dores en avant aucunes personnes non nobles de nostre Royaume, s’il n’est à ce privilégié ou de ce il n’a adveu ou expresse commission à ce de personne qui sa luy puisse ou doive donner, ou s’il n’est personne d’églize à qui toutes fois, par raison de lignage ou autrement deuement ce doivent compéter, ou s’il n’est bourgeois vivant de ses possessions et rentes, ne se en hardisse de chasser, ne tendre à grosses bestes ou menues, ne oyseaux, en garenne ne dehors, ne de avoir et tenir pour ce faire chiens, fuirons, cordes, lacz, filetz et autres arnois, et au cas que aucuns desdits non nobles autres que ceux dessus déclarez sera trouvée ayant en sa maison chiens, fuirons, cordes, lacz, filetz et autres engins ou tendent aux bestes et oyseaux dessus devisez, Nous voulons et mandons que le noble ou la justice sobz qui il sera demeurant ou soubz qui il chassera, les luy puisse oster de fait sans aucune répréhension, toutes fois au temps que les pocz et autres bestes sauvages vont aux champs pour manger les bledz, il Nous plaict bien que les laboreurs puissent tenir chiens pour garder leursdits bledz et chasser les bestes d’iceux, sans que pour ce ilz doivent perdre iceux chiens, ne payer amendes, mais si en ce faisant, ilz prenoient aucune beste, ils seront tenus la porter au seigneur ou à la justice à qui il appartiendra, ou si ce non ilz restabliront ladicte beste et payeront l’amende, si donnons et mandons et commettons si mestier est à nostre amé et féal cousin et conseiller Guillem, viscomte de Melun, souverain maistre et général refformateur des eaux et forestz par tout nostredit Royaume, et à tous autres maistres requesteurs de nos eaux et forestz dessusdits, ou à leurs lieutenans, et à chacun d’eulx, si comme à luy appartiendra que nostredite ordonnance fassent publier solemnellement par tous lieux notables où ilz verront qu’il sera expédient et icelle tenir et garder sans enfraindre en aucune manière, et s’ilz treuvent aucuns faisans le contraire ou contredisant à ce, ilz contraignent à la tenir par amende et toutes voyes et manières deues et raisonnables, ainsi comme ils verront que de raison sera à faire, en tesmoins de ce Nous avons fait mettre à ces lettres nostre seel.
Donné à Paris le Xe jour de Janvier, l’an de grâce mil CCC IIIIxx et seize, et le XVIIe de nostre règne. Ainsi signé par le Roy en son conseil. J. de Sanctis.
Au dos desquelles lettres estoit escript ce qui ensuit: « publicatae fuerunt praesentes litterae in camera palatii et ad fenestram die quinta februarii. Anno domini millesimo trecentesimo nonagesimo sexto », J. Billequin, publié en jugement et ez auditoires du Chastelet de Paris le mardi sixiesme jour de febvrier, l’an mil trois cens quatre vingtz et seize, Fresies; et nous à ce présant transcript, avons mis le seel de la prévosté de Paris l’an et le jour dessusditz. A. Lemunier. Collation est faicte.
Source: Archives Départementales de l’Hérault, A 1, folios 219 v° à 200 v°.