La chasse aux Loups (règlementation du XVIIe siècle)

Le loup est une bête carnaciere et feroce, également ennemie de l’homme et des bestiaux, la plus rusée de tous les animaux sauvages, et malheureusement si féconde que les femelles en portent jusqu’à treize d’une seule portée. Ils multiplieroient donc jusqu’à l’infini, et ravageroient toutes les campagnes, s’il n’étoit permis de les détruire en les chassant. Mais comme cette Chasse, pour laquelle il faut nécessairement que le paysan soit armé, pourroit occasionner des assemblées tumultuaires, et qu’il pourroit s’y introduire quantité d’abus; la sagesse du Gouvernement et des Magistrats a prescrit les Réglements dons nous allons donner le précis pour la Chasse au loup, afin d’y mettre la police convenable, pour empêcher qu’il n’y arrive aucun accident, et afin qu’en veillant au bien des sujets il ne se passe rien de contraire au bon ordre.

L’article 6 de l’Ordonnance du mois de Juin 1601 exhorte tous les Seigneurs Hauts-Justiciers et les Seigneurs de Fief de faire assembler de 3 mois en 3 mois les habitans de leurs Terres avec fusils et autres armes nécessaires pour détruire, dans les campagnes, les loups, renards, blaireaux, loutres et autres animaux nuisibles. On doit prendre attestation de cette Chasse des Juges des lieux, et l’envoyer aux Greffes des Maîtrises où ils sont demeurant. L’article premier du titre 30 de l’Ordonnance de 1669, ordonne que celle de 1701 sera exécutée. On en doit conclure que l’esprit de l’Ordonnance de 1669, est que ce qui est prescrit par celle de 1601 pour la Chasse au loup soit ponctuellement observé.

Il est donc du devoir des Seigneurs Hauts-Justiciers de faire cette Chasse de trois mois en trois mois, ou au moins de la faire ordonner par leurs Officiers. Les uns et les autres ne doivent pas attendre, comme il arrive ordinairement, que les habitans se plaignent des dégâts que font les loups; au contraire le Procureur-Fiscal doit les prévenir; et à la dernière Audience qui précéde les trois mois, il doit conformément aux Ordonnances de 1601 et 1669, requérir une Chasse au loup, qu’on appelle communément une battue ou huée. Le Juge faisant droit sur le requisitoire, ordonne qu’à tel jour, lieu et heure qu’il indiquera, tous les habitans s’assembleront avec armes, fusils, poudre et plomb pour la Chasse au loup, à peine, contre les défaillants, de telle amende qu’il sera jugé convenable. Les jours qu’on indique pour la battues sont les Fêtes et les Dimanches, après le service divin, afin de ne pas distraire les habitans des travaux de la campagne.

Par un Arrêt du Parlement d’Aix, du 16 Décembre 1675, il est sagement prescrit que le Procureur-Fiscal, ou tel autre Officier de la Justice qui sera nommé par le Juge, assistera à la Chasse qui doit être commandée par le Seigneur de la Paroisse, s’il est sur les lieux, et s’il le peut; en son absence, par un Gentilhomme s’il s’en trouve, sinon par telle personne expérimentée en fait de pareille Chasse, qui sera nommée par le Procureur-Fiscal, ou l’Officier qui sera présent.

Lorsque les habitans sont au rendez-vous, le Garde de la Terre en doit faire l’appel, et sur son rôle noter les absents. Ensuite le Commandant séparera en deux bandes ceux qui sont présents, les batteurs d’un côté et les tireurs de l’autre; on enverra les batteurs avec le Garde pour les placer autour du bois, de distance en distance; s’il y a des tambours, il faut les mettre au centre et sur les aîles. Cette disposition faite, le Commandant tirera un coup de pistolet pour avertir les batteurs d’entrer dans l’enceinte, et les tireurs de se tenir sur leurs gardes, et il leur recommandera de n’aller pas plus vîte les uns que les autres, et d’être toujours de même hauteur. Les batteurs doivent toujours et autant qu’il se peut avoir le vent derriere le dos; cette observation est importante pour la réussite de la Chasse.

Cependant le Commandant marchera à la tête de tous les tireurs, et les placera de distance à autre à l’opposition des batteurs, ayant, s’il le peut, le vent au visage, et de façon qu’ils puissent se voir à droite et à gauche pour éviter les accidents. On observera de placer les meilleurs tireurs aux endroits des passages des loups qui sont ordinairement les fonds et les ravines.

Il faut avoir grande attention pour empêcher que personne ne se dérobe pour se placer devant les tireurs; l’empressement de tirer le premier produit souvent ce désordre qui peut occasionner les accidents les plus funestes.

Quand les batteurs sont parvenus jusqu’aux tireurs, et que la battue sera faite, on rassemblera les chasseurs; et lorsqu’ils seront tous joints, le Garde fera un second appel, pour savoir si, pendant la Chasse, personne ne s’est échappé: en ce cas il en sera noté sur son rôle, et assignera celui qui s’est ainsi absenté pour le faire condamner en l’amende.

Tout ce qu’on vient de dire de la Chasse aux loups est sans préjudice du grand Louvetier de France et de ses Lieutenants, qui, dans les Provinces de leur Département, peuvent faire des Chasses aux loups, assembler une ou plusieurs Paroisses; à cet effet, lever sur les habitans les droits qui leur sont attribués, en se conformant aux Arrêts du Conseil du 3 Juin 1671, et 16 Janvier 1677. Ce dernier, pour prévenir tous les abus que ces Officiers pourroient commettre dans l’exercice de leurs charges, défendu très expressément à tous Lieutenants de Louveterie de faire aucunes publications de Chasse aux loups que du consentement de deux Gentilshommes de leur Département, qui seront nommés par les Intendants des Provinces, qui, avant de consentir à ladite publication, auront soin de voir si les habitans des lieux où les Officiers voudront faire la Chasse, pourront y assister sans quitter leur labeur; et lorsque lesdits Officiers auront tué quelques loups, ils seront tenus de les représenter auxdits Gentilshommes qui leur délivreront leur certificat, sur lesquels les Intendants feront la taxe des frais pour la prise desdits loups, laquelle sera levée sur les villages des environs où les loups auront été pris, à raison de deux sols pour Paroisse, et sans aucuns frais. Il y a apparence que cet Arrêt du Conseil n’est point exécuté en ce qui concerne les taxes accordées aux Lieutenants de Louveterie. On voit dans les provisions de semblable Office données par M. le Marquis d’Heudicourt, Grand-Louvetier de France, le premier Août 1709, au sieur Oreillard, et rapportées au second tome du Code des Chasses, qu’il est accordé à ce Lieutenant de Louveterie des droits plus considérables, savoir, deux deniers parisis pour loup et louveteau, et quatre deniers pour louve et louvette, à prendre sur chaque habitant par feu, deux lieues à la ronde de l’endroit où la prise aura été faite; ce qui est conforme à l’article 6 du Réglement du 26 Octobre 1608. Mais quels que puissent être ces droits, il faut qu’ils ne paroissent pas encore assez considérables aux Lieutenants de Louveterie, pour les engager, au moins dans les Provinces, à rendre les services que, par état, ils doivent au Roi et au public.

Il faut observer que les Grands-Maîtres des Eaux et Forêts ont sur la Chasse aux loups, à l’exclusion de tous autres Officiers la même Jurisdiction que sur toutes les autres Chasses. En 1697, le Grand-Maître du Département de Berry ayant été commis, par Arrêt du 25 Février, pour faire des battues dans cette Province, Mr. de Seraucourt qui en étoit Intendant, prétendit que c’étoit à lui à ordonner ces Chasses fondé sur les Arrêts du Conseil de 1671, 1677. Il rendit en conséquence son Ordonnance; mais elle fut cassée par Arrêt du Conseil contradictoirement rendu le 14 Janvier 1698, et la commission du Grand-Maître fut confirmée. Cet Arrêt prononce:

1°, la compétence de la Jurisdiction des Grands-Maîtres sur la Chasse aux loups, à l’exclusion de tous autres Officiers.

2°, Que les Arrêts du Conseil de 1671 et 1677 n’étoient intervenus que pour réprimer les abus que commettoient les Officiers de Louveterie dans l’exercice de leurs fonctions, en assemblant les habitans des Paroisses de leur autorité privée, et en levant sur eux des droits qui ne leur étoient point attribués par les Réglements.

Les habitans des campagnes, pour exterminer les loups, ont encore un moyen peut-être aussi efficace que les battues, c’est d’exécuter un Arrêt du Parlement de Besançon du 20 Décembre 1675. Il ordonne à toutes les Communautés de son ressort de faire, dans les endroits les plus commodes, et que les loups fréquentent le plus ordinairement, des fosses propres à les prendre, observant néanmoins qu’elles soient écartées des grands chemins, et disposées de façon que les voyageurs n’en puissent recevoir aucun dommage.

Source: « Traité des Droits Seigneuriaux et des matières Féodales » par M. Noble François De Boutaric, Toulouse, 1775, pages 546 à 550.