Document 1 : Les enfants face à la mort sous l’Ancien Régime et au début du XIXème siècle.

Ces tableaux proviennent d’un article d’Yves Blayo publié dans un numéro spécial de Population en 1975 (p.123-142), encore accessible sur Persée.

Document 2 : La mortalité infantile en Europe au XIXe siècle

Ces cartes sont issues de l’ouvrage bien connu dirigé par Jacques Dûpaquier, Histoire de la population française (PUF, tome 3, p. 5), 1988.

Document 3 : La chute de la mortalité infantile en France

Autour de ce petit enfant, des débats se sont développés, des mesures ont été prises, qui présentent une certaine unité pendant toute la période étudiée. Cette unité est liée à l’existence de trois enjeux, parfois explicites, parfois non-dits. Quels sont ces enjeux ?

Le premier enjeu est celui de l’enfance comme principe même de la survie de la nation. La société doit faire survivre les enfants nés sur son sol, sinon son équilibre démographique est compromis. Cet enjeu est tellement fort, omniprésent dans le contexte d’une fécondité en baisse et d’un environnement international instable, qu’il se suffirait à lui-même pour déterminer l’adoption de mesures spécifiques. Il structure en effet toute la période étudiée, laquelle est scandée par trois guerres opposant la France et l’Allemagne. Apparu avant la guerre franco-allemande de 1870, cet enjeu se développa de façon très marquée après le conflit, donnant à l’intervention de l’Etat la légitimité dont elle avait besoin pour exister, donnant à tout ce qui touchait à l’enfance un caractère de gravité sans précédent : l’enfance, c’était l’avenir même de la patrie. Ce fut le paradoxe qu’exprima Victor Hugo dans une lettre à un directeur de journal : «N’oublions pas que cette douce enfance, toute tremblante et toute nue devant nous, nous apporte dans ses bras l’avenir».

De cet enjeu découlèrent toutes les actions destinées à faire reculer la mort, à promouvoir la santé, la bonne santé des enfants. D’abord organisées avec les moyens existants, ces actions se précisèrent au fur et à mesure que les progrès de la technologie fournirent de nouvelles méthodes, permirent d’aborder de nouveaux problèmes, d’atteindre de nouvelles couches sociales. C’est cet enjeu que l’on a spécialement rencontré.

Le deuxième enjeu concerne les droits de l’enfant. Droits qui, durant la période, ont souvent correspondu à l’intérêt de la puissance publique, droits qui ont pu s’opposer à ceux des familles, à ceux des adultes, mais surtout qui, longtemps, ont opposé les classes sociales entre elles. La petite enfance a été traversée par des tensions sociales qu’il importe de souligner. Peu à peu et pourquoi ? Les formes anciennes de discrimination et l’exploitation directe des petits – c’est-à-dire souvent aussi de leurs mères – ont amorcé un vaste mouvement de repli.

Le troisième enjeu est d’ordre éducatif : sauver les enfants de la mort, les protéger, mieux répondre à leurs besoins, en effet, mais pour en faire quoi ? Quels projets éducatifs se sont dessinés ? C’est-à-dire aussi de quelle sorte d’enfants eut besoin la société ? Là se sont affrontés deux desseins. D’une part un projet qui, s’appuyant sur des méthodes pédagogiques novatrices, s’est proposé plutôt de développer intensément les potentialités du bébé pour intégrer les jeunes personnalités dans la société, d’autre part un projet fondé sur l’apprentissage précoce des conduites, reprise en fait d’une attitude fort ancienne renforcée par quelques justificatifs hygiéniques, destiné à éviter que l’enfant soit une gêne trop longtemps. C’est ce second projet qui, mélangeant des contraintes matérielles, des traditions populaires et une vision bourgeoise des rapports humains, se développa entre les deux guerres, du moins dans les manuels. Au risque d’un singulier rétrécissement de la vision que l’on eut de l’enfant.

Catherine Rollet-Echalier, La politique à l’égard de la petite enfance sous la IIIe République. Paris, INED, 1990.

Le graphique et le texte sont accessibles sur Gallica.