Marco Polo (1254-1324) part à 17 ans, accompagné de son père et de son oncle vers l’Asie. Ils atteignent la cour mongole de Koubilaï Khan en 1275. Marco Polo devient un haut fonctionnaire de la dynastie Yuan (la dynastie mongole) qui domine alors la Chine ; il sera aussi ambassadeur du Grand Khan auprès du roi de Ceylan. Marco Polo rentre à Venise en 1295. Capturé par les Gênois en 1298, il rencontre en prison l’homme de lettres Rusticello qui rédige d’après les souvenirs de Marco « Le livre des merveilles » qui connait très vite un énorme succès. Une controverses récente a eu lieu sur le fait de savoir si Marco Polo avait bien été en Chine ou non. Mais les meilleurs spécialistes actuels ne doutent pas de la véracité du voyage en Chine de Marco Polo.
Les Richesses de l’Extrême-Orient selon Marco Polo
« Splendeurs de la cité de Quinsay [Aujourd’hui Hanghéou, au sud-ouest de Shanghai]. II y a encore en cette cité le palais du roi… C’est le plus grand palais qui soit au monde, comme je vais en deviser. Sachez qu’il est si grand qu’il a dix milles de tour; et est tout entouré de hauts murs crénelés ; et dans ces murs il y a les plus beaux et les plus délicieux jardins qui soient au monde, pleins des meilleurs fruits du monde, avec maintes fontaines et maints lacs pleins de poissons. Au milieu est le palais qui est très grand et très beau. II y a vingt salles belles et grandes ; et il y en a une plus grande que les autres, où une multitude de gens pourraient manger: elle est dorée ; le plafond et les murs n’ont pas d’autre peinture que de l’or. Et je ne pourrais vous conter toutes les nouvelles de ce palais ; sachez toutefois qu’il y a vingt tables toutes pareilles et de la même grandeur, si grandes que dix mille hommes y pourraient manger ; sachez encore qu’il a bien mille chambres très belles et très grandes, toutes peintes d’or et de diverses couleurs.
Merveilles de l’île de Cinpingu [1]. Cinpingu est une île qui est dans la haute mer, au levant, éloignée de la terre ferme de mille cinq cents milles. C’est une île très grandissime. Les habitants sont blancs et de belle manière. Ils sont idolâtres et se gouvernent eux-mêmes. Et vous disent qu’ils ont tant d’or que c’est sans fin, car ils le trouvent dans leurs îles. Peu de marchands s’y rendent, parce que c’est trop loin de la terre ferme, et c’est pour cette raison que l’or y abonde outre mesure.
Et vous conterai une grande merveille du palais du Seigneur de cette île. Sachez qu’il y a un grand palais qui est tout couvert d’or fin, comme nos églises sont couvertes de plomb, ce qui vaut tant qu’à peine le pourrait-on compter. Et encore, tous les pavements du palais et des chambres sont tout d’or, en dalles épaisses de bien deux doigts ; et les fenêtres sont aussi d’or fin ; de sorte que ce palais est de si démesurée richesse que nul ne le pourrait croire. On y trouve aussi beaucoup de pierres précieuses et beaucoup de poules rouges qui sont bonnes à manger. »
Extraits de MARCO POLO. Le Devisement du Monde. Présenté par A. T’Serstevens. Edit. Albin Michel.
idem en plus long avec autres découpages
Splendeurs de la ville de Quinsai (actuelle ville de Hangzhou)
Il y a encore en cette cité le palais du roi… C’est le plus grand palais qui soit au monde, comme je vais en deviser. Sachez qu’il est si grand qu’il a dix milles de tour ; et est tout entouré de hauts murs crénelés ; et dans ces murs il y a les plus beaux et les plus délicieux jardins qui soient au monde, pleins des meilleurs fruits du monde, avec maintes fontaines et maints lacs pleins de poissons. Au milieu est le palais qui est très grand et très beau. Il y a vingt salles belles et grandes ; et il y en a une plus grande que les autres, où une multitude de gens pourraient manger : elle est dorée ; le plafond et les murs n’ont pas d’autre peinture que de l’or. Et je ne pourrais vous conter toutes les nouvelles de ce palais ; sachez toutefois qu’il y a vingt tables toutes pareilles et de la même grandeur, si grandes que dix mille hommes y pourraient manger ; sachez encore qu’il a bien mille chambres très belles et très grandes, toutes peintes d’or et de diverses couleurs.
Merveilles de l’île de Cinpingu[1]. Cinpingu est une île qui est dans la haute mer, au levant, éloignée de la terre ferme de mille cinq cents milles. C’est une île très grandissime. Les habitants sont blancs et de belle manière. Ils sont idolâtres et se gouvernent eux-mêmes. Et vous disent qu’ils ont tant d’or que c’est sans fin, car ils le trouvent dans leurs îles. Peu de marchands s’y rendent, parce que c’est trop loin de la terre ferme, et c’est pour cette raison que l’or y abonde outre mesure.
Et vous conterai une grande merveille du palais du Seigneur de cette île. Sachez qu’il y a un grand palais qui est tout couvert d’or fin, comme nos églises sont couvertes de plomb, ce qui vaut tant qu’à peine le pourrait-on compter. Et encore, tous les pavements du palais et des chambres sont tout d’or, en dalles épaisses de bien deux doigts ; et les fenêtres sont aussi d’or fin, de sorte que ce palais est de si démesurée richesse que nul ne le pourrait croire. On y trouve aussi beaucoup de pierres précieuses et beaucoup de poules rouges qui sont bonnes à manger. (…)
Quand on part de Ciangan, on va trois journées par un très beau pays, où il y a maintes cités et villages de grande noblesse et grande richesse, qui vivent de commerce et de métiers. Ils sont idolâtres et sont au Grand Can. Ils ont monnaie papier. Ils ont abondance de toutes les choses qu’il faut au corps de l’homme. Et quand on est allé ces trois journées, c’est alors que l’on trouve la très nobilissime et magnifique cité qui, pour son excellence, importance et beauté, est nommée Quinsai, qui veut dire en français la Cité du Ciel (…) car c’est la plus grande ville qu’on puisse trouver au monde, et l’on y peut goûter tant de plaisirs que l’homme s’imagine être au Paradis. Et puisque nous y sommes venus, nous conterons toute sa grande noblesse, parce qu’il la fait bon conter, car c’est incontestablement la plus noble cité et la meilleure qui soit au monde. Adonc vous conterons toute cette noblesse selon ce que la reine de ce royaume, donc nous avons parlé plus haut, manda par écrit à Baian, lequel conquit cette province, pour qu’il le transmît au Grand Can, pour qu’il sût la grande noblesse de cette cité et ne la fît donc point détruire ni gâter. Cette lettre, moi, Marco Polo, je l’ai vue et je l’ai lue. C’est d’après ce qu’elle contenait que je vous ferai ma description en ordre, et selon ce que moi, (…) je vis ensuite clairement de mes propres yeux.
(…) Cette lettre disait d’abord que la ville de Quinsai a cent milles de tour ou à peu près, parce que ses rues et ses canaux sont très longs et très larges. Il y a des places carrées où l’on tient les marchés et qui, vu la multitude de gens qui s’y rencontrent, sont nécessairement très vastes et spacieuses. Elle est située de telle manière qu’elle a d’un côté un lac d’eau douce qui est très claire, et de l’autre un énorme fleuve qui, entrant en maints canaux petits et grands, qui courent par toutes les régions de la ville, emporte toutes les immondices, puis pénètre dans ledit lac, et de là coule à l’Océan. Voilà qui rend l’ai très salubre. L’on peut aller par toute la ville et par terre et par ces cours d’eau. Les rues et les canaux sont longs et larges, si bien que les barques y peuvent passer à loisir, et les charrettes transporter les choses nécessaires aux habitants. Il y a douze mille ponts, de pierre pour la plupart, car certains sont en bois ; et sous chacun de ces ponts, ou sous la plus grande partie d’entre eux, une grande et grosse nef peut aisément passer (…).
Que nul ne s’émerveille s’il y a tant de ponts ; parce que je vous dis que cette cité est toute sur l’eau, et aussi environnée d’eau ; et pour cela il convient qu’il y ait beaucoup de ponts, afin que les gens puissent aller par toute la ville ; et s’il y en avait moins, vous ne pourriez aller par terre d’un lieu à l’autre, mais uniquement par bateau. (…) »
Ninette Boothroyd, Muriel Détrie, Le voyage en Chine. Anthologie des voyageurs occidentaux du Moyen Âge à la chute de l’empire chinois, Robert Laffont, Paris, 1992, pp.37-57.
[1] Il s’agit du Japon dont Marco ne parle que par ouï-dire.
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Les frères Mafeo et Niccolo Polo, marchands vénitiens qui avaient établi un comptoir à Constantinople, se joignirent au début des années 1260 à une ambassade qui se rendait à la capitale de l’Empire mongol, Cambaluc (actuel Pékin). Ils restèrent trois ans auprès de l’empereur qui les renvoya en Europe en 1266. Les deux frères décidèrent, en 1271, de retourner vers l’empereur, accompagnés de leur fils et neveu, Marco, alors âgé de dix-sept ans. Les Polo demeurèrent cette fois dix-huit ans dans l’Empire mongol et le jeune Marco, si l’on en croit sa relation, effectua plusieurs missions au service du grand khan dans le Cathay (Chine du Nord) et le Mangi (Chine du Sud). Les Polo regagnèrent Venise en 1295.
« Des vertus comparées de la femme tibétaine et de la femme chinoise.
Pour marier les femmes, ils [les Tibétains] ont une plaisante coutume comme je vous dirai. C’est vérité qu’en ce pays nul homme, pour rien au monde, ne prendrait pour femme une pucelle, disant qu’elle ne vaut rien si elle n’est pas déjà accoutumée à coucher avec bien des hommes. Et parfaitement ; une femme ou fille qui n’a encore été connue par aucun homme, ils disent qu’elle est mal vue des dieux, ce pour quoi les hommes ne s’en soucient point et l’évitent, tandis que celles qui sont bien vues de leurs idoles, les hommes les désirent et les aiment. Et vous verrez comment se font épouser. Quand des gens arrivant de quelque autre pays passent par cette contrée, y ont planté leur tente, près d’un hameau ou d’un village, ou de quelque autre habitation, car ils n’oseraient point loger chez l’habitant, cela leur déplaisant, alors les vieilles femmes du village ou du hameau qui ont des filles à marier les mènent, et quelques fois par vingt, ou trente, ou par quarante ; elles les proposent aux hommes à qui mieux mieux, les suppliant de prendre leur fille et de la garder tant qu’ils resteront. Et les donnent à ces hommes pour qu’ils en fassent leur volonté et couchent avec elles. Et ce sont les jeunes femmes qui ont le plus de succès ; les étrangers se les choisissent et s’amusent avec elles et les gardent tant qu’ils veulent ; et les autres, elles s’en retournent à la maison toutes penaudes. Mais ils ne pourraient en emmener aucune en leur pays (…).
Et quand les hommes ont fait leurs quatre volontés avec elles et qu’ils veulent reprendre leur chemin, il est coutumier qu’ils donnent quelque petite chose, un bijou, un anneau, une médaille quelconque, aux filles avec lesquelles ils ont eu jeu ; car ainsi, quand elles viendront à se marier, elles pourront présenter la preuve qu’elles ont été aimées et ont eu amants. Voilà pourquoi c’est la coutume que chaque pucelle porte au cou plus de vingt colifichets ou médailles, pour montrer que bien des amants et hommes ont eu jeu avec elle. Dès qu’une petite a gagné une médaille, elle se la pend devant la poitrine et s’en va toute contente avec son cadeau ; ses parents la reçoivent avec joie et honneur, et bien heureuse est celle qui a reçu le plus de présents du plus grand nombre d’étrangers. Celle-là, on la tient en haute estime et on l’épouse plus volontiers, disant qu’elle est plus que les autres dans les bonnes grâces des dieux. (…) A la célébration des noces, elles présentent à chacun leurs médailles et cadeaux. Quant à celle qui tombe enceinte, l’enfant est élevé par celui qui épouse la fille, puis héritier dans la maison tout comme les autres nés ensuite. Mais attention : quand ils ont pris ainsi une femme de cette sorte, ils y attachent grand prix et trouveraient abominable que l’un d’eux se permît de toucher la femme d’un autre, et s’en abstiennent tous grandement.
Or vous ai conté de ces mariages ! Et c’était bon à raconter. N’est-ce pas qu’en cette contrée, nos jeunes gentilshommes de seize à vingt-quatre ans feraient bien d’aller faire un tour ? Ils y auraient des filles en veux-tu en voilà, et on leur demanderait de les prendre gratis ! (…). »
Ninette Boothroyd, Muriel Détrie, Le voyage en Chine. Anthologie des voyageurs occidentaux du Moyen Âge à la chute de l’empire chinois, Robert Laffont, Paris, 1992, pp.37-57.
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Le palais du Grand Khan
« Sachez que le Grand Khan demeure dans la capitale du Catay nommée Pékin, trois mois par an: décembre, janvier et février. C’est dans cette ville qu’il a son palais, que je vais maintenant vous décrire. (…)
C’est le plus grand qu’on ait jamais vu.
Il n’a pas d’étage mais le pavement est bien dix paumes plus élevé que le sol alentour et le toit est très haut. Les murs des salles et des chambres sont tous couverts d’or, d’argent et on y a peint des dragons, des bêtes, des oiseaux, des chevaliers, et toutes sortes d’animaux. Le plafond est ainsi fait que l’on n’y aperçoit rien d’autre que de l’or et des peintures. La salle est si vaste que six mille hommes pourraient bien prendre leurs repas. Les chambres sont nombreuses que c’est un spectacle extraordinaire. Ce palais est si grand et superbe que personne ne pourrait en concevoir qui soit mieux fait. Les tuiles du toit sont toutes vermeilles, vertes, bleues, jaunes et de toutes les couleurs. Elles sont si bien vernissées qu’elles resplendissent comme du cristal, de sorte qu’on les voit briller de très loin à la ronde ; et sachez que cette toiture est si solide et résistante qu’elle dure beaucoup d’années. (…)
J’ajoute que vers le nord, à une distance d’une portée d’arbalète il a fait faire une colline qui a bien cent pas de hauteur et un mille de tour et ce mont est couvert d’arbres qui ne perdent pas leur feuilles et sont toujours verts. Je peux vous dire que, dès que le Grand Khan apprend qu’il y a un bel arbre, il le fait transporter avec toutes ses racines et la terre où il a poussé et à l’aide d’éléphants l’amène sur cette colline; peu importe la grosseur de l’arbre. C’est ainsi qu’on trouve là les plus beaux arbres du monde. Je dois aussi vous dire que le grand roi a fait recouvrir toute cette colline de roche de lapis-lazuli de couleur verte, de sorte que tout est vert, les arbres comme le sol; c’est pourquoi la colline s’appelle le mont vert. Au beau milieu du sommet, il y a un grand et beau palais, lui-même tout vert. L’ensemble de la colline, des arbres et du palais offre un si beau spectacle que tous ceux qui le voient en éprouvent plaisir et joie: c’est pour cette raison que le Grand Khan l’a fait faire, afin d’offrir ce beau spectacle qui procure réconfort et plaisir. »
Marco Polo, Le Livre des Merveilles ou le Devisement du monde, LXXXIV.
Dans Clio-Texte, il y a aussi des textes sur la civilisation chinoise.
Sur Wikisource, vous trouverez : Le Devisement du monde de Marco Polo.