Si la tradition d’un arbre de Noël est ancienne dans les pays germaniques et dans l’est de la France, les premières tentatives d’introduction de l’arbre de Noël furent des exceptions, la pratique étant considérée comme exotique. À la suite de la guerre franco-prussienne de 1870, les réfugiés alsaciens installés à Paris se réunissent tous les ans pour célébrer Noël. La fête prend alors une dimension politique dont la presse se fait largement l’écho, tandis que la tradition de l’arbre se répand peu à peu en France et à l’étranger. Nous relevons au passage, qu’à cette époque, la distribution des cadeaux n’est pas encore assurée par un Père Noël mais par des dames patronnesses.


L’Association générale d’Alsace-Lorraine a célébré, le 25 décembre, pour la huitième fois, la fête patriotique de la Noël au théâtre du Châtelet à Paris. Dès midi, la vaste salle de ce théâtre, envahie par une foule d’invités, était plus que pleine, et près de 6,000 Alsaciens-Lorrains, dont 3,500 enfants, échelonnés autour du Châtelet en longues colonnes, attendaient le moment de défiler sur la scène pour y recevoir des mains des dames patronnesses, de chauds vêtements, des jouets et des friandises ; le tout d’une valeur d’environ 60 000 fr.

Dans les loges, on remarquait la présence de M. Jules Ferry, ministre de l’instruction publique, accompagné de son chef de cabinet, M. Rambaud ; MM. Floquet, Clémenceau, Varambon, Duclaud, députés ; M. le préfet de police, des officiers supérieurs et des membres du conseil municipal. M. Gambetta, qui ne manque jamais d’assister à cette fête, a paru plus tard dans la loge de Mme Charles Kestner.

Le rideau s’est levé à midi et demi aux accents de la Marseillaise, admirablement exécutée par la musique de la garde républicaine. Un beau sapin venu d’Alsace, planté dans une motte de terre alsacienne, pavoisé des couleurs nationales, étendait sur la scène ses branches surchargées de globes brillants, de jouets et d’emblèmes patriotiques. Tout autour, figuraient les écussons des principales villes d’Alsace-Lorraine au centre de trophées de drapeaux tricolores ; enfin de chaque côté de l’arbre se tenaient des mères entourées d’enfants et les dames patronnesses installées entre les portants des coulisses, à leur poste, derrière de longues tables chargées de dons […]

A quatre heures et demie, la fête était terminée : elle a fini comme elle avait commencé, par la Marseillaise, et l’on s’est séparé au cri de Vive la République, affirmant, ainsi que l’avait dit M. Alfred Blech dans sa patriotique allocution, « les liens indissolubles qui unissent les Alsaciens-Lorrains à la France républicaine ».

Revue alsacienne : littérature, histoire, sciences, poésie, beaux-arts, Paris, Berger-Levrault et cie, 1er janvier 1879, extraits pp. 133-135


Commentaires

Parmi les personnalités présentes se trouve Marguerite Ketsner [1806-1890]. Fille du Général Rigau et veuve de Charles Georges Ketsner, sa famille est très liée au personnel politique de la Troisième République : l’une de ses petite-filles est l’épouse de Jules Ferry, tandis que sa fille Céline épousa Auguste Scheurer, connu pour son engagement en faveur du capitaine Dreyfus.