Si la figure du Père Noël est popularisée au cours du XXème siècle sous l’influence de Clement Clark Moore, il fut néanmoins précédé par d’autres figures populaires très proches dont les traditions, contes et chansons se font l’écho au cours du XIXème siècle en France. C’est le cas du bonhomme Noël qui est ici au centre de la chanson de Mahiet de La Chesneraye publiée en 1859 et qui reprend en partie la tradition du bonhomme hiver, connue depuis le Moyen Âge.

Pierre François Pétronille Félix Mahiet de la Chesneraye est né le 7 juillet 1815 à Bleré en Indre et Loire. Homme de lettres, il devient l’un des chansonniers les plus populaires de son époque. Membre éminent du Caveau, haut lieu festif de Paris qu’il préside à trois reprises (1856-1859-1864),  il est fait chevalier de la Légion d’honneur en août 1862. Retiré à Luzillé dans sa propriété, le château de Beauchène qu’il achète en 1865, il décède le 28 octobre 1870. Spécialisé dans la chanson champêtre, il est reconnu de son vivant comme un fin observateur du monde rural dont il retranscrit, dans un style reconnu comme réaliste, la vie et les moeurs dans ses textes et ses mélodies.


 

C’est quand minuit sonne à l’église

Où les cierges brûlent encor

Qu’il vient par un gros vent de bise

Du pays des étoiles d’or

A son aspect chaque musette

Dans les chaumières dit ce chant

Joyeux comme un cri d’alouette

Qui salue un soleil levant

Sus ! Sus bergers, réveillez-vous

Voici Noël qui vient chez nous

 

A peine arrivé sur la huche

Il met du pain, des jambonneaux,

Sur les grands chenêts une bûche

Et sur la table des gâteaux

[…]

Bientôt il retourne aux chaumières

Rassembler filles et garçons,

Il les fait boire aux même verres

Et chanter les mêmes chansons

[…]

Puis quand la danse est terminée

Lorsque tout dort sous l’humble abri

Et que seul sous la cheminée

le grillon jette son cri-cri

le bonhomme au riant visage

Revient à tâtons, à pas lents,

Confier les cadeaux d’usages

Aux sabots des petits enfants

[…]

Et puis vers le ciel il s’élance

Au son des joyeux carillons

Sus ! sus bergers, prosternez-vous,

Car Noël reviendra chez nous !

 

Le bonhomme Noël, 1859, Paroles et musique : Mahiet de La Chesneraye [1815-1870]


Commentaires :

Le texte peut surprendre par sa modernité. Pour le démontrer, le passage faisant allusion à la crèche n’a pas été rapporté ici. En effet, le bonhomme Noël possède trois caractéristiques du futur Père Noel :

  • il est associé explicitement à Noël et au réveillon du 24 décembre, fête du partage où la mixité est assumée
  • il distribue des cadeaux lorsque tout le monde dort et les pose à proximité des sabots des enfants
  • il s’en repart vers le ciel mais reviendra, la fête étant cyclique

Supplément Pop culture!

Mahiet de La Chesneraye a sans doute inauguré la tradition établie de la chanson de Noël avant l’heure. Depuis, les artistes reprennent traditionnellement la figure du Père Noël dans une chanson, ce rituel commercial étant surtout anglo-saxon mais les artistes français ne sont pas en reste et n’ont pas délaissé cet aspect artistique et commercial. Si Mariah Carey et George Michael ont actuellement les faveurs du public, le plus populaire fut certainement pendant quelques décennies en France Tino Rossi ici dans la version de 1946 qui obéit aux codes du moment

 

Plus récemment (!), Mylène Farmer a proposé sa version du Père Noël avec L’instant X. Second extrait de l’album Anamorphosée et toujours très plébiscité par le public en général et les fans en particulier, il est sorti dans les bacs le 12 décembre 1995 (réalisateur du clip : Marcus Niespel). Elle nous propose un Père Noël à qui on demande … de quoi oublier les malheurs du moment et savourer le cadeau acquis !