Dans le cadre de la relance du conflit israélo-palestinien depuis l’attaque du Hamas le 07 octobre 2023, les Clionautes publient une série de documents adaptés à la classe et/ou à l’actualisation scientifique des enseignants en charge de l’examen de ce conflit.

Avec une actualité aussi brûlante, l’offre documentaire des manuels est fatalement dépassée et il n’est pas toujours possible d’organiser, sur un temps resserré, une revue de presse solide avec ses élèves. Voilà pourquoi l’association des Clionautes a sollicité Henry Laurens afin de publier un texte court, suffisamment nourri pour permettre un examen solide en classe. Ce document est taillé pour correspondre aux besoins du professeur, notamment en spécialité HGGSP Terminale. Nous le remercions pour ce texte.

L’auteur

Henry Laurens est né en 1954 et fait partie des meilleurs spécialistes du Proche-Orient. Il est titulaire de la chaire d’Histoire contemporaine du monde arabe au Collège de France depuis 2003 et ses nombreuses publications sont restées comme des références indispensables. Sur le sujet de la Palestine, citons cette série d’ouvrages intitulée La question de Palestine, publiée depuis 1999 chez Fayard : 

En 2013, Henry Laurens a reçu le Prix Palestine – Mahmoud Hamchar et en 2016 le Prix Gobert décerné par l’Académie française pour cette série d’ouvrages. 


Le document

Pour les trois religions monothéistes, la Palestine est la Terre sainte. Elle devient d’autant plus importante quand on a les moyens de s’en emparer, comme le montre l’histoire des croisades. Dans la plus grande partie de son histoire (au moins 12 siècles), elle a été sous souveraineté musulmane. Au XIXe siècle, l’Empire ottoman passe sous le contrôle collectif des puissances européennes qui trouvent ainsi le moyen d’agir en Palestine.

Avec le progrès des communications, permettant de relier l’Ukraine et la Pologne actuelle au réseau ferroviaire de l’ouest de l’Europe, l’émigration vers la Palestine devient possible. Pour le mouvement sioniste, cette pénétration européenne de l’espace ottoman et musulman représente une opportunité historique de réaliser un rêve que jusqu’ici, les autorités religieuses juives des XVIlème et XVIIlème siècles s’étaient toujours refusées à envisager : la création d’un Etat juif en Palestine.

Mais la cohabitation sur place entre Juifs et Arabes tourne à l’affrontement à partir de 1908. Le corps-à-corps s’approfondit pendant la période du mandat britannique, de 1917 à 1947. Puis, après la création de l’État d’Israël, est venu le temps des guerres et des intifadas. Avec les derniers événements d’octobre 2023, en un siècle, ce sont 26.000 Israéliens et 100.000 Palestiniens qui ont péri (ce sont des ordres de grandeur). Le sang qui coule depuis un siècle est inscrit dans la mémoire de ces peuples et travaille plus à la guerre qu’à la paix, malgré les espoirs placés dans le processus d’Oslo dans les années 1990.

La confrontation entre Israël et la Palestine est devenue un dilemme de la force et du droit. Israël a la force pour elle mais ses frontières reconnues, selon la Cour internationale de justice de La Haye, restent celles d’avant juin 1967. À l’inverse, si les Palestiniens ont, selon la même Cour, le droit à l’autodétermination, ils n’ont pas les moyens militaires et politiques de l’imposer.

Depuis, Israël a parié sur l’étouffement des Palestiniens. Par la colonisation, il n’y a plus de Palestine homogène, mais seulement des miettes, des ghettos surveillés par l’armée israélienne. Par la voie diplomatique, des accords comme ceux d’Abraham en 2020 ont retiré aux Palestiniens plusieurs de leurs alliés arabes. Mais cela ne fait pas disparaître pour autant la cause et le peuple palestiniens, qui gardent des appuis à l’étranger.

Rien qu’aux États-Unis, 100.000 Américains d’origine palestinienne militent en ce sens.

Pour les Palestiniens, la période coïncide avec la fin de l’unité. La mort du charismatique Yasser Arafat, dirigeant historique du Fatah et la fragilité politique de son successeur Mahmoud Abbas, élu président de l’Autorité palestinienne, ouvre la voie aux contestations.

Le Hamas, mouvement islamiste clandestin proche des Frères musulmans, se pose en modèle d’intégrité face à un pouvoir connu pour sa corruption. Il exige également de poursuivre le combat de la libération complète du territoire car Israël, dit-il, ne saurait véritablement accepter un Etat palestinien indépendant à ses portes. En 2006, le Hamas se présente et remporte les élections mais le voici pris dans le piège du pouvoir officiel. Il passe de la critique du pouvoir à l’exercice du pouvoir, étape toujours délicate pour un mouvement islamique au sein d’une structure démocratique. D’une part, il fallait bien traiter avec Israël, ce qui était contradictoire dans les faits avec leur doctrine ; d’autre part, il fallait s’adresser à tous les Palestiniens et ne pas seulement prendre en compte les « bons » musulmans.

En 2007, la rupture est consommée avec l’Autorité palestinienne, à qui le Hamas arrache le contrôle de la bande de Gaza. Mais ce territoire constitue-t-il un avenir ? Le Hamas en est réduit, soit à  accepter le statu quo, soit à tout risquer en relançant son projet politique originel de libération nationale. Le 07 octobre 2023, il a choisi la seconde option en utilisant la violence extrême.

Henry Laurens, pour les Clionautes, le 28 octobre 2023

 

Relecture, mise en page et mise en ligne pour les Clionautes : Déborah Caquet, Cécile Dunouhaud, Gilles Legroux.