Aux origines du légisme (IVe siècle av. J.-C.)

« Un prince éclairé manifeste son amour à son peuple en renforçant les châtiments et en lésinant sur les récompenses. Ses sujets lui sacrifient leur vie. Le souverain d’un pays applique-t-il toute la rigueur des supplices et son peuple lui en sait gré et le respecte… En stimulant l’ardeur des plus démunis par la crainte des châtiments, on les enrichit… Un monarque promit à dominer le monde ne récompense qu’un seul de ses sujets pour dix qu’il châtie… »

extrait de Shang Yang, Le livre du prince Shang (traduction Jean Lévi, Flammarion, 2005) cité par José Frèches, Quand les Chinois cesseront de rire, le monde pleurera, XO, 2007, p. 159

Le taoïsme

De nombreuses sectes ont créé et diffusé la religion taoïsme en Chine, dont l’Ecole du Yin-Yang et des 5 Agents (ou 5 éléments (wu xing)) qui s’est développée avant et pendant la dynastie Han (206 av. J.-C. à 220 ap. J.-C.).

La tradition du Yin-Yang et des 5 éléments est fort ancienne et son importance dans la civilisation chinoise est bien plus grande que l’existence d’une seule secte comme en témoigne l’extrait suivant.

 » L’empereur [Ts’in Che Houang-Ti ou Qin Shihuangdi, le premier empereur de Chine, qui régna de 221 à 210 av. J.-C.] croyait, comme ses contemporains, aux correspondances liant les cinq éléments – eau, bois, terre, feu, métal -, corps simples dont la combinaison engendre la création. Autour de ces conceptions aussi anciennes que la civilisation chinoise elle-même, s’était développé tout un système de corrélations attribué plus particulièrement au philosophe Tseou Yen (c. 350-270 av. J.-C.), du pays de Ts’i [Qi]. L’empereur s’en inspira pour placer sa dynastie sous le signe de l’eau dont la régulation constituait de toute antiquité la tâche fondamentale des chefs d’Etat. Suivant le jeu traditionnel des correspondances cosmogoniques, l’hiver, saison de l’eau, fut associé à sa lignée ainsi que la couleur noire et le nombre six. Il convenait donc que les bannières et les vêtements impériaux fussent noirs, tandis que l’on créait, pour désigner la masse innombrable des paysans, l’expression de « têtes noires ». On normalisa à partir du chiffre six les mesures – un pied valut six pouces -; les moyeux et l’attelage des chars furent conçus de façon à comporter six chevaux. On souligna enfin que la vertu de l’eau était de nature yin, c’est-à-dire féminine, appartenant à l’ombre, à l’ubac. Il convenait donc d’administrer le pays avec toute la rigueur froide des lois.  »

Extrait de Vadime et Danielle Elisseeff, « La civilisation de la Chine classique », coll. Les Grandes Civilisations, éd. Arthaud, 1987 (1 ère éd. 1979), pp. 115-116

Un roi taoïste

« – Veuillez alors me dire comment gouverne un roi éclairé ? demanda respectueusement Yang Tseu-kiu.

– Le roi éclairé, dit Lao Tan, étend partout ses bienfaits, mais il ne fait pas sentir qu’il en est l’auteur. Il aide et améliore tous les êtres sans que ceux-ci sentent qu’ils sont sous sa dépendance. Le monde ignore son nom et chacun est content de soi. Ses actes sont imprévisibles et il s’identifie avec le néant. »

Tchouang-tseu, 369-286 av. J.-C.

Vadime et Danielle Elisseeff, La civilisation de la Chine classique,Paris, Arthaud, 1987 (2e éd.), p. 109

Le néant des taoïstes, et son application pratique le « non-agir », est, en réalité, une adaptation constante aux courants cosmiques pour maintenir un état idéal d’harmonie. Si le roi doit agir de façon trop visible, c’est que l’on est en crise et que l’harmonie a été rompue… Il faut la rétablir pour mériter conserver le mandat du ciel.

Tableau des correspondances des 5 éléments

Pour établir le tableau suivant, je me suis servi de notations éparses trouvées au gré de mes lectures, en particulier dans
– Vadime et Danielle Elisseeff, « La civilisation de la Chine classique », coll. Les Grandes Civilisations, éd. Arthaud, 1987 (1 ère éd. 1979)
– Jacques Pimpaneau, « Chine, Culture et Traditions », éd. Philippe Picquier, 1990
– Jacques Pimpaneau, « Chine, Mythes et dieux de la religion populaire », éd. Philippe Picquier, 1999

Ce tableau est une tentative de synthèse perfectible. La difficulté importante de ce genre d’exercice est que de nombreuses correspondances ont varié avec le temps, les auteurs ou les sectes. Le risque est donc de représenter une vision structuraliste idéale qui n’a jamais totalement existé, car elle mélange des correspondances de divers époques.

De l’importance du jardin et des végétaux nains en Chine

« Devant une balustrade tordue et un arbre nain, le tout dans un bassin en guise de lac,
Un vieux moine pur et allègre contemple ces sources et ces bosquets.
Que son souffle s’engouffre dans ces bras de mer, et les vagues rempliront ses mains réunies… »

Poème de Yongkang, fin du XIVe siècle ap. J.-C.
cité par José Frèches, Quand les Chinois cesseront de rire, le monde pleurera, XO, 2007, p. 105-106

L’humanisme de Confucius

Le confucianisme des origines (maître Kong = Confucius : 551 av. J.-C. ? – 479 av. J.-C.) est fait d’humanisme et de bonté, bien loin de la sévérité des légistes ou de son interprétation autoritaire dans le néo-confucianisme des Song (XIe siècle).

« Zihang demande à Confucius ce qu’il faut faire pour bien gouverner.

Le Maître : Il suffit d’honorer les Cinq Qualités et bannir les Quatre Défauts.

Zihang : Qu’appelez-vous les Cinq Qualités ?

Le Maître : L’homme de bien est capable d’être généreux sans gaspillage, de faire travailler le peuple sans susciter rancune, d’avoir des aspirations sans convoitise, d’être grand seigneur sans prendre de grands airs, d’être imposant sans être intimidant. (…)

Zihang : Qu’entendez-vous par les Quatre Défauts ?

Le Maître : Punir de mort au lieu d’instruire, c’est de la tyrannie ; attendre qu’un travail soit fait sans donner de préavis, c’est de l’oppression ; être lent à émettre des ordres et prompt à exiger leur exécution, c’est de l’arbitraire ; donner à quelqu’un son dû tout en le faisant avec parcimonie, c’est de la mesquinerie de petit employé. »

Entretiens de Confucius, XX, 2 (traduction Anne Cheng, éd. du Seuil, 1981)

Critique du légisme

Des lettrés confucéens répondent aux ministres du gouvernement dans une célèbre dispute sous les Hans (81 av. J.-C.).

« La loi punit mais n’amende pas les hommes, elle tue mais ne rend pas charitable. On reconnaît le bon médecin à ce qu’il chasse les souffles pernicieux rien qu’en observant le pouls, non aux trous qu’il fait dans la peau avec ses aiguilles. Ce que l’on doit apprécier chez un fonctionnaire, c’est qu’il prévient plutôt qu’il punit les délits. Mais pour vous un habile administrateur est celui qui harcèle son peuple par une législation draconienne, l’opprime en lui faisant à chaque instant sentir son pouvoir. Oublieux des principes de la loi, vous ne songez qu’à satisfaire vos instincts tyranniques. Si bien que les lois ne servent plus qu’à persécuter les innocents. La faute du fils retombe sur le père, celle du cadet sur l’aîné. Qu’un homme commette un délit, tout son voisinage s’enfuit, pris de panique. La justice est devenue comme la vérole qui se transmet au partenaire, ou encore comme un grand arbre dont il suffit de secouer le tronc pour que les moindres rameaux soient agités. Le Livre des Odes n’a-t-il pas dit : « Que le coupable ait été mis à mort, c’est justice, mais pourquoi les innocents portent-ils le poids de son crime ? » »

La dispute sur le sel et le fer, LVI, 4 ; trad. Jean Levi, Les Belles Lettres, Paris, 2010, p. 286-287

Importance du Yijing, le classique des mutations

Li Zhensheng raconte cette petite histoire autobiographique. Nous sommes à la fin septembre 1940.

« Le lendemain de ma naissance, mon père écrivit une lettre à mon grand-père pour lui demander de me donner un nom [prénom]. …

Après avoir consulté le Yijing, ou Livre des mutations, il détermina que le nom le plus propice pour moi devait compter vingt-neuf traits de pinceau. Selon l’arbre généalogique de notre famille, Zhen était le nom attribué aux garçons de ma génération ; mon grand-père y ajouta Sheng. Ensemble des deux caractères étaient l’abréviation de « Comme un chant qui s’élève, ta renommée atteindra les quatre coins du monde ». En me baptisant ainsi, il prédit donc mon sort ; je ne serais pas travailleur manuel. J’irais au collège, je gagnerais de l’argent et ma réputation excéderait même la sienne. Ce serait une vie remplie d’épreuves, mais je survivrais. Je trouverais toujours de l’aide lorsque j’en aurais besoin. Parvenu à un âge avancé, je n’aurais plus aucun souci à me faire. »

Li Zhensheng, Le petit livre rouge d’un photographe chinois, Phaidon, Paris, 2003, p. 19

A propos des religions en Chine, Jacques Pimpaneau dit

« Trois religions sont citées pour la Chine : le confucianisme, le taoisme et le bouddhisme ; il est d’habitude précisé aussitôt que la religion chinoise était souvent un syncrétisme des trois. En fait, il y aurait plutôt eu un culte des ancêtres qui était répandu dans toutes les couches sociales et une religion populaire ancienne qui s’était maintenue tout au long des siècles et qui s’était adaptée en prenant une forme calquée sur le modèle de l’organisation étatique et englobant des éléments repris au taoisme et au bouddhisme. »

Jacques Pimpaneau, Chine. Culture et traditions, Philippe Picquier, 1990, p. 203

La préférence pour les garçons

Une grand-mère raconte à sa petite fille :

« En 1966, au mois de mai, la famille en ébullition attendait ta naissance parce que les médecins avaient certifié que tu serais un garçon. Nous avions tout prévu dans cette idée. Ton grand-père, le plus heureux de nous tous, m’avait demandé de confectionner un manteau dans une pelisse en peau de tigre que je possédais. Il disait qu’en habillant un garçon avec une peau de tigre dès son plus jeune âge, il grandirait fort et beau. Bah ! J’ai gâché ma pelisse pour rien. Mais ce n’était pas aussi grave que la déception que tu ne sois qu’une fille.

Ce jour-là, tu nous as vraiment joué un drôle de tour. C’est pour cela que nous t’avons surnommée Niu-Niu, « chipie ». »

Nui-Nui, Pas de larmes pour Mao, Robert Laffont, 1989, p. 36-37

Le qilin, animal mythique

Peinture de Shen Du (1357 à 1434), un calligraphe et poète de la cour des Ming. Cette peinture montre la Girafe que le célèbre amiral Zheng He a rapporté d’Afrique en 1415. Toute la cour Ming l’a prise pour un « qilin », un animal mythologique du folklore chinois qui possède plusieurs apparences. Shen Du a écrit ce poème :

 » Au coin des mers occidentales, dans les eaux stagnantes d’un grand marais,

A réellement été produit un qilin (ch’i-lin), dont la forme était aussi haute que quinze pieds.

Avec le corps d’un cerf et la queue d’un boeuf et une corne charnu, sans os,

Avec des points lumineux comme un nuage ou le brouillard rouge pourpre.

Ses sabots ne mettent pas le pied sur des créatures vivantes et dans ses errances il choisi soigneusement sa terre.

Il marche de façon majestueuse et dans tous ses mouvements, il observe un rythme,

Sa voix harmonieuse sonne comme une cloche ou un tube musical.

Doux est cet animal, qui a été vu dans l’Antiquité qu’une fois,

La manifestation de son esprit divin se dresse jusqu’au domicile du ciel. »

trouvé et traduit de

http://www.hist.umn.edu/hist1012/primarysource/shendu.htm (15 juin 2011

Dans Cliotexte, textes sur la Chine des Mandchous