1) L’héritage de la révolution française et de l’empire
a) Les intentions proclamées
Décret prescrivant les mesures à prendre quand la patrie est en danger 5 juillet 1792
« L’assemblée nationale, considérant que les efforts multipliés des ennemis de l’ordre et la propagation de tous les genres de troubles dans les diverses parties de l’empire, au moment où la nation, pour le maintien de sa liberté, en engagée dans une guerre étrangère, peuvent mettre en péril la chose publique, et faire penser que le succès de notre régénération politique est incertain ;
Considérant qu’il est de son devoir d’aller au-devant de cet événement possible, et de prévenir par des dispositions fermes, sages et régulières, une confusion aussi nuisible à la liberté et aux citoyens que le serait alors le danger lui-même ;
Voulant qu’à cette époque la surveillance soit générale, l’exécution plus active, et surtout que le glaive de la loi soit sans cesse présent à ceux qui, par une coupable inertie, par des projets perfides ou par l’audace d’une conduite criminelle, tenteraient de déranger l’harmonie de l’Etat ;
Convaincue qu’en se réservant le droit de déclarer le danger elle en éloigne l’instant, et rappelle la tranquillité dans l’âme des bons citoyens ;
Pénétrée de son serment de vivre libre ou mourir, et de maintenir la Constitution ; forte du sentiment de ses devoirs et des voeux du peuple, pour lequel elle existe, décrète qu’il y a urgence.
L’assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de sa commission des douze, et décrété l’urgence, décrète ce qui suit :
Art. 1er. Lorsque la sûreté intérieure ou la sûreté extérieure de l’Etat seront menacées, et que le corps législatif aura jugé indispensable de prendre des mesures extraordinaires, elle le déclarera par un acte du corps législatif conçu en ces termes :
» Citoyens, la patrie est en danger « .
2. Aussitôt après la déclaration publiée, les conseils de département et de district se rassembleront, et seront, ainsi que les municipalités et les conseils généraux des communes, en surveillance permanente ; dès ce moment aucun fonctionnaire public ne pourra s’éloigner ou rester éloigné de son poste.
3. Tous les citoyens en état de porter les armes, et ayant déjà fait le service de gardes nationales, seront aussi en état d’activité permanente. (cartouches.) »
Décret de la Convention, 15-17 décembre 1792.
« 1. Dans les pays qui sont ou seront occupés par les armées de la République, les généraux proclameront sur le champ, au nom de la Nation française, la suppression de toutes les autorités établies, des impôts ou contributions existants, l’abolition de la dîme, de la féodalité, des droits seigneuriaux, de la servitude réelle et personnelle, des banalités, des privilèges de chasse et de pêche, des corvées, de la noblesse et généralement de tous les privilèges.
2. Ils convoqueront le peuple pour créer une administration provisoire. (…)
9. L’administration provisoire cessera dès que les habitants, après avoir déclaré la souveraineté et l’indépendance du peuple, la liberté et l’égalité, auront établi une forme de gouvernement libre et populaire. »
Proclamation de Dumouriez, décembre 1792
» Nous, Charles-François Dumouriez, lieutenant-général commandant en chef l’armée de Belgique, déclarons de la part de la République Française que non seulement le peuple est libre et délivré de l’esclavage de la Maison d’Autriche, mais que, par le droit imprescriptible de la nature, c’est lui, le peuple, qui est le Souverain, et que nulle personne n’a autorité sur lui, si ce n’est lui-même qui délègue une partie de sa souveraineté… Que ni la République Française, ni les généraux qui commandent les armées, ne se mêleront en rien d’ordonner ou même d’influencer la forme de gouvernement des provinces belgiques, lorsque le peuple belge commencera à user de son droit de souverain. »
Bonaparte à Talleyrand, ministre des relations extérieures
« Passatiana, 7 octobre 1797
(…) J’ai l’honneur de vous le répéter : peu à peu le peuple de la République cisalpine s’enthousiasmera pour la liberté.
(…) Le caractère distinctif de notre nation est d’être beaucoup trop vive dans la prospérité. Si l’on prend pour base de toutes les opérations la vraie politique, qui n’est autre chose que le calcul des combinaisons et des chances, nous serons pour longtemps la grande nation et l’arbitre de l’Europe. Je dis plus : nous tenons la balance de l’Europe; nous la ferons pencher comme nous voudrons, et même, si tel est l’ordre du destin, je ne vois point d’impossibilité à ce qu’on arrive en peu d’années à ces grands résultats que l’imagination échauffée et enthousiaste entrevoit, et que l’homme extrêmement froid, constant et raisonné, atteindra seul. (…) Paris, 10 décembre 1797 »
Bonaparte : allocution au directoire exécutif
« Le peuple français, pour être libre, avait les rois à combattre. Pour obtenir une constitution fondée sur la raison, il avait dix huit siècles de préjugés à vaincre. La Constitution de l’an III et vous, avez triomphé de tous ces obstacles.
La religion, la féodalité et le royalisme ont successivement, depuis vingt siècles, gouverné l’Europe ; mais de la paix que vous venez de conclure date l’ère des Gouvernements représentatifs.
Vous êtes parvenus à organiser la grande nation, dont le vaste territoire n’est circonscrit que parce que la nature en a posé elle-même les limites.
Vous avez fait plus. Les deux plus belles parties de l’Europe, jadis si célèbres par les arts, les sciences et les grands hommes dont elles furent le berceau, voient, avec les plus belles espérances, le génie de la liberté sortir des tombeaux de leurs ancêtres. Ce sont deux piédestaux sur lesquels les destinées vont placer deux puissantes nations. (…)
Lorsque le bonheur du peuple français sera assis sur les meilleures lois organiques, l’Europe entière deviendra libre.
Paris, 26 décembre 1797 »
Bonaparte : Au Président de l’Institut National
« (…) Les vraies conquêtes, les seules qui ne donnent aucun regret, sont celles que l’on fait sur l’ignorance. L’occupation la plus honorable, comme la plus utile pour les nations, c’est de contribuer à l’extension des idées humaines. La vraie puissance de la République française doit consister désormais de ne pas permettre qu’il existe une seule idée nouvelle qu’elle ne lui appartienne. »
Proclamation de Napoléon 1er aux Espagnols, mai 1808.
« Espagnols ! Après une longue agonie, votre nation périssait… J’ai vu vos maux ; je vais y porter remède… Vos princes m’ont cédé tous leurs droits à la couronne d’Espagne. Je ne veux point régner sur vos provinces, mais je veux acquérir des titres éternels à l’amour et à la reconnaissance de votre postérité. Votre monarchie est vieille ; ma mission est de la rajeunir. J’améliorerai toutes vos institutions, et je vous ferai jouir des bienfaits d’une réforme sans froissements, sans désordres, sans convulsions… J’ai fait convoquer une Assemblée générale des députations des provinces et des villes. Je veux m’assurer moi-même de vos désirs et de vos besoins. Je déposerai alors tous mes droits, et je placerai votre glorieuse couronne sur la tête d’un autre moi-même, en vous garantissant une Constitution qui concilie la sainte et salutaire autorité du souverain avec les libertés et les privilèges du peuple. »