Traité sur la limitation des systèmes de missiles anti-balistiques (Moscou, 26 mai 1972)
(Source: Pravda, de Moscou, 28 mai 1972. Traduit du russe par La Documentation Française).
« L’Union des Républiques Socialistes soviétiques et les Etats Unis d’Amérique,
partant du fait qu’une guerre nucléaire aurait des conséquences désastreuses pour toute l’humanité,
considérant que des mesures efficaces, destinées à limiter les systèmes de missiles anti-balistiques constitueraient un facteur important, susceptible de freiner la course aux armements stratégiques offensifs et auraient pour effet d’atténuer le risque d’une guerre dans laquelle des armes nucléaires seraient utilisées,
partant du fait que la limitation des systèmes de missiles anti-balistiques, comme l’adoption de certaines mesures conjointes, tendant à limiter les armements stratégiques offensifs permettraient de réunir des conditions plus favorables à la poursuite d’entretiens ultérieurs sur la limitation des armements stratégiques,
tenant compte des engagements assumés en vertu de l’article VI du traité de non-prolifération des armements nucléaires,
proclamant leur intention d’aboutir le plus rapidement possible à l’arrêt de la course aux armements nucléaires et d’adopter des mesures efficaces tendant à réduire les armements stratégiques, à favoriser le désarmement nucléaire, ainsi que le désarmement général et total,
désireux de contribuer à atténuer la tension internationale et à renforcer la confiance entre Etats sont convenus de ce qui suit:
Article premier
- 1) Chaque partie contractante s’engage à limiter les systèmes de défense contre missiles (DCM) et à adopter d’autres mesures conformes aux dispositions du présent traité
- 2) Chaque partie contractante s’engage à ne pas mettre en service de système DCM pour la défense de son propre territoire à ne pas créer l’infrastructure d’un pareil système de défense, ni à mettre en service de systèmes DCM pour la défense d’une région particulière, à l’exception des cas prévus à l’art. III du présent traité.
Article II
- 1) Aux termes du présent traité, un système DCM est un système destiné à intercepter des missiles stratégiques balistiques (ou leurs éléments) dans leurs trajectoires de vol; il comprend actuellement:
a) des missiles intercepteurs DCM, construits et mis en service pour jouer un rôle de DCM(ou d’un système de type analogue) ayant été expérimenté dans un DCM;
b) des lanceurs DCM, construits et mis en service pour lancer des missiles intercepteurs DCM;
c) des radars DCM, construits et mis en service pour jouer un rôle de DCM (ou d’un système de type analogue), ayant été expérimenté en tant que DCM.
- 2) Comptent au nombre des composants d’un système DCM, énumérés au paragraphe 1 du présent article les composants:
a) opérationnels;
b) en cours de construction;
c) en cours d’essai;
d) en cours de révision, de réparation ou de conversion;
e) en stock.
Article III
Chaque partie contractante s’engage à ne pas mettre en service de systèmes DCM (ou leurs composants), à l’exception des cas suivants:
a) dans les limites d’une zone de déploiement de système DCM d’un rayon de 150 kilomètres, ayant pour centre la capitale respective de chaque partie, celle-ci peut mettre en service: 1) cent lanceurs DCM au maximum et pas plus de cent missiles intercepteurs DCM sur les sites de lancement, 2) des radars DCM ne dépassant pas six complexes de radar DCM, la superficie circulaire de chaque complexe ayant un diamètre de trois kilomètres au maximum.
b) dans les limites d’une zone de déploiement d’un système DCM ayant un rayon de 150 kilomètres et contenant des silos de lanceurs ICBM [ Engin balistique intercontinental : Intercontinental ballistic missile], chaque partie peut mettre en service: 1) cent lanceurs DCM au maximum et pas plus de cent missiles intercepteurs DCM sur les sites de lancement, 2) deux grands radars DCM dits phased array comparables en puissance à des radars DCM correspondants, opérationnels ou en cours de construction à la date de signature du présent traité, dans une région de déploiement de système DCM contenant des silos de lanceurs ICBM; 3) dix-huit radars au maximum, ayant chacun un potentiel moindre que le potentiel du plus petit des deux grands radars DCM phased array mentionnés ci-dessus.
Article IV
Les limitations prévues à l’article III ne s’appliqueront pas aux systèmes DCM (ou à leurs composants), utilisés pour le déploiement ou l’essai et situés dans les polygones d’essai actuels ou dans ceux qui viendraient s’y ajouter par accord mutuel. Chaque partie ne peut posséder au total plus de quinze lanceurs DCM dans les polygones d’essai.
Article V
- 1) Chaque partie contractante s’engage à ne pas construire, expérimenter ou déployer de systèmes ou de composants DCM basés sur mer, dans les airs, dans l’espace ou sur des plates-formes terrestres mobiles.
- 2) Chaque partie s’engage à ne pas construire, expérimenter ou déployer de lanceurs DCM pour plus d’un missile intercepteur DCM à la fois par lanceur, ni à modifier à cette fin les lanceurs déployés, ni à construire, expérimenter ou déployer des systèmes automatiques, semi-automatiques (ou des systèmes similaires) de rechargement rapide des lanceurs DCM.
Article VI
Afin de rendre plus efficace la limitation des systèmes DCM et de leurs composants prévus dans le présent traité, chaque partie s’engage: a) à ne pas donner aux missiles lanceurs ou radars, autres que les missiles intercepteurs DCM, les lanceurs DCM ou les radars DCM les moyens d’intercepter des missiles stratégiques balistiques (ou leurs éléments) dans leurs trajectoires de vol et à ne pas les expérimenter en tant que DCM; b) à ne pas déployer dorénavant de radars de pré-alerte contre des attaques de missiles balistiques stratégiques ailleurs qu’en des sites localisés sur la périphérie du territoire national et orientés vers l’extérieur.
Article VII
Dans les limites des dispositions du présent traité, les systèmes DCM (ou leurs composants) peuvent être modernisés ou remplacés.
Article VIII
Les systèmes DCM (ou leurs composants) en surnombre ou situés hors des zones spécifiées dans le présent traité, ainsi que ]es systèmes DCM (ou leurs composants) prohibés par le présent traité seront détruits ou démantelés selon les modalités et dans les délais convenus les plus brefs.
Article IX
Afin d’assurer la viabilité et l’efficacité du présent traité chaque partie s’engage à ne transférer à d’autres Etats, ni à déployer hors de son territoire national de systèmes DCM (ou leurs composants) faisant l’objet de limitation aux termes du présent traité.
Article X
Chaque partie s’engage à ne pas assumer d’engagements internationaux qui seraient en contradiction avec le présent traité.
Article XI
Les parties contractantes s’engagent à poursuivre l’achèvement des négociations sur la limitation des armements stratégiques offensifs.
Article XII
- 1) Afin d’assurer avec certitude l’application des dispositions du présent traité, chaque partie utilisera les moyens de contrôle technique nationaux à sa disposition, conformément aux principes admis du droit international.
- 2) Chaque partie s’engage à ne pas entraver le contrôle exercé par les moyens techniques nationaux de l’autre partie, conformément au paragraphe 1 du présent article.
- 3) Chaque partie s’engage à ne pas adopter délibérément des mesures de camouflage, tendant à gêner le contrôle exercé par les moyens techniques nationaux conformément aux dispositions du présent traité (cette obligation ne nécessitera pas de changement dans les méthodes actuelles de construction, d’assemblage, de conversion ou de révision).
Article XIII
- 1) Afin d’atteindre les objectifs du présent traité et d’en appliquer les dispositions, les deux parties créeront immédiatement une commission consultative permanente au sein de laquelle elles
a) étudieront les questions relatives à l’exécution des engagements assumés et les situations ambiguës qui pourraient en découler;
b) fourniront spontanément toute information que chacune des parties considérera nécessaire pour renforcer la confiance dans l’exécution des engagements assumés;
c) étudieront les questions relatives à toute gêne apportée involontairement au fonctionnement des moyens de contrôle techniques nationaux;
d) étudieront les changements éventuels survenus dans la situation stratégique, susceptibles d’influer sur les dispositions du présent traité;
e) conviendront des modalités à appliquer et des dates de destruction ou de démantèlement des systèmes DCM (ou de leurs composants) dans les cas prévus par les dispositions du présent traité;
f) étudieront, le cas échéant, d’éventuelles propositions tendant à accroître l’efficacité du présent traité, y compris l’introduction d’amendements conformes à ses dispositions;
g) étudieront, le cas échéant, des propositions relatives à de nouvelles mesures visant à limiter les armements stratégiques.
- 2) Les deux parties se consulteront pour établir (ou, le cas échéant, amender), le règlement de la commission consultative permanente, en fixant les modalités, la composition et toutes autres questions afférentes à son fonctionnement.
Article XIV
- 1) Chaque partie pourra proposer des amendements au présent traité. Ceux-ci entreront en application, conformément aux modalités régissant l’entrée en vigueur du présent traité.
- 2) Cinq années après l’entrée en vigueur du présent traité (et par la suite, tous les cinq ans), les deux parties procèderont à la révision conjointe du présent traité.
Article XV
- 1) Le présent traité en conclu pour une durée illimitée;
- 2) Chaque partie, dans l’exercice de sa souveraineté nationale, aura le droit de le résilier avec un préavis de six mois si elle estime que des circonstances exceptionnelles, en relation avec le contenu du traité, menacent ses intérêts supérieurs. Le préavis devra comporter l’énoncé des circonstances exceptionnelles que ladite partie considère comme ayant menacé ses intérêts supérieurs.
Article XVI
- 1) Le présent traité sera soumis à ratification conformément à la procédure constitutionnelle de chaque partie. Il entrera en vigueur du jour de l’échange des instruments de ratification.
- 2) Le présent traité sera enregistré conformément à l’article 102 de la Charte des Nations Unies.
Fait à Moscou, le 26 mai 1972, en double exemplaire, respectivement en russe et en anglais, les deux textes faisant également foi. »
Convention provisoire relative à certaines mesures destinées à limiter les armements stratégiques offensifs (Moscou, 26 mai 1972)
(Source: Pravda, de Moscou, 28 mai 1972. traduit du russe par La Documentation Française).
« L’Union des Républiques Socialistes soviétiques et les Etats Unis d’Amérique (désignés ci-après comme parties contractantes) convaincus que le traité sur la limitation des systèmes de missiles anti-balistiques et la présente convention provisoire, relative à certaines mesures adoptées en matière de limitation des armements stratégiques offensifs, contribueront à réunir des conditions plus favorables à la poursuite de négociations actives sur la limitation des armements stratégiques, ainsi qu’à diminuer la tension internationale et à renforcer la confiance entre Etats
Tenant compte de l’interdépendance des armes stratégiques offensives et défensives,
Prenant en considération les obligations découlant de l’article 6 du traité de non-prolifération des armes nucléaires sont convenus de ce qui suit:
Article premier
Les deux parties s’engagent à partir du ler juillet 1972 à ne pas entreprendre la construction de nouvelles rampes de lancement terrestres fixes de missiles balistiques intercontinentaux.
Article II
Les deux parties s’engagent à ne pas convertir les rampes de lancement terrestres d’ICBM légers ou d’ICBM de type plus ancien conçus avant 1964, en rampes de lancement terrestres pour ICBM lourds, de type mis au point après cette date.
Article III
Les deux parties s’engagent à limiter les lanceurs de missiles balistiques sous-marins à longue portée (ULLMS) et de sous marins porteurs de missiles balistiques modernes au nombre d’une part, de ceux qui sont opérationnels ou en cours de construction à la date de signature de la présente convention provisoire, et, d’autre part, à celui des lanceurs et sous-marins construits, en vertu de conventions établies par les parties, pour remplacer un nombre égal de lanceurs ICBM de type plus ancien, construits avant 1964, ou de lanceurs installés à bord de sous-marins plus anciens.
Article IV
Aux termes des dispositions de la présente convention provisoire, la modernisation et le remplacement des missiles balistiques offensifs stratégiques et des lanceurs mentionnés dans ladite convention provisoire sont autorisés.
Article V
- 1) Afin d’assurer avec certitude l’application des dispositions de la présente convention provisoire, chaque partie utilisera les moyens de contrôle techniques nationaux dont elle dispose, conformément aux principes admis de droit international.
- 2) Chaque partie s’engage à ne pas entraver l’utilisation des moyens de contrôle techniques nationaux de l’autre partie conformément au paragraphe 1 du présent article.
- 3) Chaque partie s’engage à ne pas prendre délibérément de mesures de camouflage gênant le contrôle exercé par les moyens techniques nationaux conformément aux dispositions de la présente convention provisoire. Cette obligation ne nécessitera pas de changement dans les méthodes actuelles de construction, d’assemblage, de conversion ou de révision.
Article VI
Afin d’atteindre les objectifs de la présente convention provisoire et d’en appliquer les dispositions, les deux parties auront recours à la commission consultative permanente, créée en vertu de l’article XIII du traité sur la limitation des systèmes de missiles anti-balistiques et conformément aux dispositions de cet article.
Article VII
Les deux parties s’engagent à poursuivre d’actives négociations sur la limitation des armements stratégiques offensifs. Les clauses de la présente convention provisoire ne préjugent pas de l’ampleur ou des conditions de la limitation des armements stratégiques offensifs, susceptibles d’être décidées au cours de futures négociations.
Article VIII
- 1) La présente convention provisoire entrera en vigueur du jour de l’échange de notes écrites qui en spécifient l’acceptation par chaque partie; cet échange aura lieu en même temps que celui des instruments de ratification du traité sur la limitation des systèmes de missiles anti-balistiques.
- 2) La présente convention provisoire restera en vigueur pour une période de cinq années si elle n’est pas remplacée avant l’expiration de ce délai par un accord portant sur des mesures plus complètes concernant la limitation des armements stratégiques offensifs. Les deux parties se proposent de poursuivre activement leurs négociations afin de conclure le plus rapidement possible un tel accord.
- 3) Chaque partie, dans l’exercice de sa souveraineté nationale, aura le droit de résilier la présente convention provisoire avec un préavis de six mois si elle estime que des circonstances exceptionnelles, en relation avec le contenu de la présente convention provisoire, menacent ses intérêts supérieurs. Le préavis devra comporter l’énoncé des circonstances exceptionnelles que ladite partie considère comme ayant menacé ses intérêts supérieurs.
Fait à Moscou, le 26 mai 1972, en double exemplaire, respectivement en russe et en anglais, les deux textes faisant également foi. »
Protocole de la convention provisoire (Moscou, 26 mai 1972)
(Source: International Herald Tribune, 29 mai 1972. Traduit de l’anglais par le Service de la Traduction du ministère des Affaires étrangères).
« Les Etats-Unis d’Amérique et l’Union des Républiques Socialistes soviétiques, ci-après dénommés les parties,
S’étant mis d’accord, dans la convention provisoire, sur certaines limitations relatives aux lanceurs de missiles balistiques installés sur sous-marins et aux sous-marins porteurs de missiles balistiques modernes, ainsi que sur les procédures de remplacement, Sont convenus de ce qui suit:
Les parties conviennent que, en vertu de l’article III de la convention provisoire, pour la période où ladite convention demeurera en vigueur:
Les Etats-Unis ne possèderont pas plus de 710 lanceurs de missiles balistiques à bord de sous-marins (SLBM) et pas plus de 44 sous-marins porteurs de missiles balistiques modernes. L’Union Soviétique ne possédera pas plus de 950 lanceurs de missiles balistiques à bord de sous-marins et pas plus de 62 sous-marins porteurs de missiles balistiques modernes.
Des lanceurs de missiles balistiques supplémentaires installés sur sous-marins pourront devenir opérationnels en remplacement d’un nombre égal de lanceurs de missiles balistiques de modèles antérieurs à 1964 ou de lanceurs de missiles balistiques sur des sous-marins plus anciens, dans les limites précédemment indiquées – au-dessus de 656 lanceurs de missiles balistiques sur sous-marins nucléaires pour les Etats-Unis et, pour L’URSS, au-dessus de 740 lanceurs de missiles balistiques sur sous-marins nucléaires opérationnels ou en construction.
Le déploiement de SLBM modernes sur tout sous-marin, quel qu’en soit le type, devra être décompté du total des SLBM que sont autorisés à détenir les Etats-Unis et l’URSS.
Le présent protocole sera considéré comme partie intégrante de la convention provisoire.
Pour les Etats-Unis d’Amérique
le Président des Etats-Unis
d’Amérique
Pour l’Union des Républiques
Socialistes soviétiques
Le Secrétaire général du
Comité central du PCUS »
Principes fondamentaux des relations entre les deux pays (Moscou, 29 mai 1972)
(Source: Pravda, de Moscou, 30 mai 1972 et USA. Documents numéro 2343, 29 mai 1972).
« L’URSS et les Etats-Unis d’Amérique, guidés par les engagements assumés en vertu de la Charte des Nations Unies, par le désir de raffermir leurs relations pacifiques et de les placer sur la base la plus solide possible, conscients de la nécessité de déployer tous leurs efforts pour écarter la menace de la guerre et réunir les conditions permettant d’atténuer la tension dans le monde de renforcer la sécurité mondiale et la coopération internationale, estimant que l’amélioration des relations soviéto-américaines et leur développement mutuellement avantageux, notamment en matière d’économie, de science et de culture serviront ces objectifs et favoriseront une meilleure compréhension mutuelle comme une coopération plus efficace, sans nuire en aucune façon aux intérêts de pays tiers conscients que ces objectifs reflètent les intérêts des peuples des deux pays, sont convenus de ce qui suit:
- 1) Ils se fonderont sur leur conviction commune qu’à l’âge nucléaire, il n’existe pas d’autres bases que la coexistence pacifique pour étayer leurs relations. Les différences en matière d’idéologie et de systèmes sociaux, qui existent entre l’URSS et les Etats-Unis, ne font pas obstacle au développement de relations normales, basées sur les principes de souveraineté nationale d’égalité, de non-ingérence dans les affaires intérieures et de réciprocité des avantages.
- 2) L’URSS et les Etats-Unis estiment qu’il est d’importance majeure de prévenir les situations susceptibles d’envenimer dangereusement leurs relations. En conséquence, ils feront tout leur possible pour éviter des affrontements militaires et prévenir le déclenchement d’une guerre nucléaire. Ils feront toujours preuve de modération dans leurs relations mutuelles et seront prêts à négocier et à régler les différends par des moyens pacifiques. Les échanges de vues et les pourparlers portant sur des questions en suspens seront menés dans un esprit de réciprocité, de concessions et d’avantages mutuels. Les deux parties reconnaissent que toute tentative faite par l’une d’elles pour obtenir, directement ou indirectement des avantages unilatéraux au détriment de l’autre, est incompatible avec ces objectifs. Les conditions premières du maintien et du renforcement de relations pacifiques entre l’URSS et les Etats-Unis consistent, d’une part, à reconnaître les intérêts de la sécurité des deux parties, basée sur le principe de l’égalité, et, de l’autre, à renoncer à l’usage ou à la menace de la force.
- 3) Il incombe spécialement à l’URSS et aux Etats-Unis, tout comme aux autres pays qui sont membres permanents du Conseil de Sécurité de l’ONU, de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour éviter tout conflit ou toute situation susceptible d’aggraver la tension internationale. En conséquence, ils s’efforceront de réunir les conditions permettant à tous les pays de vivre en paix et en sécurité, sans être l’objet d’aucune ingérence étrangère dans leurs affaires intérieures.
- 4) L’URSS et les Etats-Unis entendent élargir la base juridique de leurs relations mutuelles et déployer tous les efforts nécessaires pour que soient appliqués fidèlement les accords bilatéraux conclus entre eux, ainsi que les traités et accords multilatéraux auxquels ils adhèrent tous deux.
- 5) L’URSS et les Etats-Unis réaffirment leur volonté de poursuivre des échanges de vues sur les problèmes d’intérêt commun et, le cas échéant, de les mener au niveau le plus élevé, notamment entre les dirigeants des deux pays. Les deux gouvernements sont favorables au développement de contacts fructueux entre les représentants des corps législatifs des deux pays, contacts dont ils faciliteront l’élargissement.
- 6) Les deux parties poursuivront leurs efforts en vue de limiter les armements sur une base bilatérale aussi bien que multilatérale. Elles s’efforceront tout particulièrement de limiter les armements stratégiques. Chaque fois que cela sera possible, elles concluront à cette fin des accords concrets. L’URSS et les Etats-Unis estiment que leurs efforts ont pour ultime objectif le désarmement général et total, ainsi que l’instauration d’un système effectif de sécurité internationale, conformément aux fins et aux principes des Nations Unies.
- 7) L’URSS et les Etats-Unis considèrent que les liens économiques et commerciaux représentent un facteur important et nécessaire du renforcement de leurs relations bilatérales, dont ils encourageront, en conséquence, activement le développement. Ils faciliteront la coopération entre les organisations et les firmes compétentes des deux pays, comme la conclusion d’accords et de contrats appropriés, dont certains à long terme. Les deux pays s’emploieront à améliorer les communications maritimes et aériennes entre eux.
- 8) Les deux parties considèrent qu’il est opportun et utile de développer entre elles les contacts mutuels et la coopération en matière de science et de technologie. L’URSS et les Etats-Unis concluront, selon les circonstances, des accords appropriés portant sur une coopération concrète dans ce domaine.
- 9) Les deux parties réaffirment leur intention de resserrer leurs liens culturels et d’encourager une connaissance réciproque plus approfondie de leurs richesses culturelles respectives. Elles s’efforceront d’améliorer les conditions des échanges culturels et touristiques.
- 10) L’URSS et les Etats-Unis chercheront à fonder sur une base ferme et durable leurs échanges et leur coopération dans tous les domaines ci-dessus mentionnés, comme dans tout autre secteur d’intérêt mutuel. Afin de conférer un caractère permanent à ces efforts, ils créeront dans tous les domaines où cela sera possible des commissions ou d’autres organismes mixtes.
- 11) L’URSS et les Etats-Unis ne réclament pour eux-mêmes aucun droit ou avantage spécial dans les affaires mondiales; ils n’admettront pas davantage de prétentions de cet ordre formulées par qui que ce soit. Ils reconnaissent l’égalité de tous les Etats en matière de souveraineté. Le développement des relations soviéto-américaines n’est pas dirigé contre des pays tiers ni contre leurs intérêts.
- 12) Les principes fondamentaux énoncés dans le présent document n’interfèrent pas avec les engagements assumés antérieurement par l’URSS et les Etats-Unis à l’égard d’autres pays.
Pour les Etats-Unis d’Amérique
Richard Nixon,
Président des Etats-Unis
Pour l’Union des Républiques
Socialistes soviétiques
L. I. Brejnev,
Secrétaire général du CC du PCUS »
« La percée »
« De tous les accords signés par M. Nixon depuis son arrivée à Moscou, ceux du 26 mai sont de loin les plus importants. Pour la première fois dans l’histoire de la guerre froide et dans l’histoire tout court, les deux Super-Grands ont réussi à s’entendre pour limiter non plus seulement des armements inexistants ou appartenant à d’autres États, comme ce fut le cas à maintes reprises dans le passé, mais leur propre arsenal dans ce qu’il a de plus terrifiant : les armements nucléaires. Il s’agit donc bien d’une « percée » dans un domaine entièrement nouveau.
Mis au point après environ trente mois de négociations et cent vingt-sept sessions tenues alternativement à Helsinki et à Vienne, les accords de Moscou établissent un équilibre laborieux mais relativement souple entre les intérêts des deux partenaires. La limitation est surtout sensible pour les armes défensives, puisque chacun s’engage à se contenter de deux sites d’engins anti-fusées comprenant au total deux cents missiles. (…) Comme la course à la détente était la plus coûteuse et la plus « déstabilisante » à la longue, ce résultat est très positif.
Les mesures annoncées en ce qui concerne les armements offensifs sont de moindre portée. En premier lieu, elles ne sont valables que pour cinq ans, à peine le temps nécessaire pour qu’une nouvelle génération d’armes devienne « opérationnelle ». Aucune distinction n’est faite entre les diverses catégories d’engins, et les bombardiers de tous types sont laissés de côté. Enfin et surtout, seul le nombre des lanceurs se trouve « gelé » et non pas celui de leurs charges nucléaires. (…)
Autant dire, par conséquent, que la course aux armements continuera, tant sur le plan de la quantité, grâce à la multiplication des ogives, que sur celui de la qualité, grâce au perfectionnement des moyens de défense et d’attaque. (…)
Aussi bien cet accord n’est-il qu’un début : si les futures sessions des SALT n’aboutissent pas dans un délai relativement rapide à un nouveau traité plus complet sur les armements offensifs, il risque même d’encourager et non pas de freiner la course au « progrès » technologique. L’U.R.S.S., qui remporte un important succès politique en se voyant reconnaître pour la première fois la parité numérique avec son concurrent, n’en a pas fini – comme le disait Staline du capitalisme – de « rattraper et dépasser » les États-Unis. »
« La percée », in Le Monde, 29 mai 1972. Source : http://www.cvce.eu/content/publication/1997/10/13/4856e667-33fb-459a-a7a4-842727055a70/publishable_fr.pdf [consulté le 30 mars 2012].
Accord sur la prévention de la guerre nucléaire (Washington, 22 juin 1973)
(Source: Pravda, de Moscou, 26 juin 1973 et USA. Documents numéro 2363, 26 juin 1973).
« L’URSS et les Etats-Unis d’Amérique, désignés ci-après comme parties,
ayant pour objectif de renforcer la paix mondiale et la sécurité internationales,
conscients des conséquences désastreuses qu’une guerre nucléaire aurait pour l’humanité,
animés du désir de créer des conditions dans lesquelles tout risque de voir éclater une guerre nucléaire en un point quelconque du globe serait atténué et finalement éliminé,
agissant conformément à leurs engagements, assumés au titre de la Charte des Nations Unies, de maintenir la paix, de s’abstenir de tout recours à la menace ou à l’emploi de la force et d’éviter la guerre, conformément aux accords conclus par chaque partie, se fondant sur les Principes fondamentaux des relations entre l’URSS et les Etats-Unis , signés à Moscou le 29 mai 1972,
réaffirmant que le développement des relations entre l’URSS et les Etats-Unis n’est pas dirigé contre d’autres pays ni contre leurs intérêts, sont convenus de ce qui suit:
Article I
L’Union soviétique et les Etats-Unis s’accordent à reconnaître que leur politique a pour objectif d’écarter le danger d’une guerre nucléaire et l’utilisation d’armes nucléaires. En conséquence, les parties sont convenues d’agir de manière à prévenir le développement de situations susceptibles de provoquer une tension dangereuse dans leurs relations, à éviter les affrontements militaires et à empêcher le déclenchement d’une guerre nucléaire entre elles ou entre l’une ou l’autre des parties et d’autres pays.
Article II
Conformément à l’article 1 et afin d’en réaliser l’objectif, les parties sont convenues de se fonder sur le principe selon lequel chaque partie s’abstiendra de recourir à la menace ou à l’emploi de la force contre l’autre partie, contre les alliés de l’autre partie ou contre d’autres pays, dans des circonstances susceptibles de mettre en péril la paix et la sécurité internationales. Les parties sont convenues de s’inspirer de ces considérations pour élaborer leur politique étrangère respective, comme pour toute action ayant trait aux relations internationales.
Article III
Les parties s’engagent à développer les relations qu’elles entretiennent entre elles et celles qu’elles entretiennent avec d’autres pays, conformément au présent accord.
Article IV
Si, à un moment quelconque, les relations entre les parties ou entre l’une d’entre elles et d’autres pays paraissent comporter un risque de conflit nucléaire, ou si les relations entre des pays non signataires de cet accord semblent comporter un risque de guerre nucléaire entre l’URSS et les Etats-Unis, ou entre l’une des parties et d’autres pays, l’Union soviétique et les Etats-Unis, agissant conformément aux dispositions du présent accord, entameront immédiatement des consultations urgentes entre eux et déploieront tous leurs efforts pour conjurer ce risque.
Article V
Il sera loisible à chaque partie d’informer le Conseil de sécurité des Nations Unies, le secrétaire général des Nations Unies et les gouvernements des pays alliés ou autres du déroulement et des résultats des consultations entreprises conformément à l’article IV du présent accord.
Article VI
Aucune disposition du présent accord ne devra affecter ou compromettre: a) le droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective tel qu’il est énoncé à l’article 51 de la Charte des Nations Unies b) les stipulations de la Charte des Nations Unies, y compris celles qui ont trait au maintien ou au rétablissement de la paix et de la sécurité internationales, et c) les engagements contractés par chaque partie envers ses alliés ou d’autres pays aux termes de traités, d’accords ou d’autres documents appropriés.
Article VII
La durée du présent accord est illimitée.
Article VIII
Le présent accord entrera en vigueur du jour de sa signature.
Fait à Washington, le 22 juin 1973, en double exemplaire, respectivement en russe et en anglais, les deux textes faisant également foi.
Signataires: L. I. Brejnev – R. Nixon. »