Dans un discours prononcé à Tours le 14 janvier 2003 à l’occasion de sa nouvelle candidature à la présidence du Mouvement des entreprises de France, Ernest-Antoine Seillière, Président sortant du MEDEF, développe sa vision des relations du patronat avec le gouvernement, de la politique économique et fiscale et de la croissance économique. Le discours est prononcé devant le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin et un parterre d’entrepreneurs et d’élus locaux et régionaux.

Monsieur le Premier ministre, Mesdames et Messieurs les parlementaires, Monsieur le Maire, Monsieur le Président du Conseil général, Mesdames et Messieurs les conseillers généraux et régionaux, Mesdames et Messieurs les entrepreneurs,

Pour la première fois dans l’histoire de notre institution, le chef du gouvernement nous fait l’honneur de venir s’adresser aux entrepreneurs à l’occasion de notre Assemblée générale […] Votre présence témoigne, en effet, de l’attention particulière que vous portez à ceux qui se mettent à risque, qui créent l’emploi, qui produisent des biens et des services et qui, par là-même, constituent avec leurs salariés, la richesse de notre Nation et la base de la solidarité entre les Français.

Votre présence symbolise le partenariat que le MEDEF souhaite tant établir sur des bases nouvelles entre les salariés et leurs syndicats, les entrepreneurs et leurs organisations professionnelles, et les pouvoirs publics c’est à dire le gouvernement, le parlement, l’administration et, bien entendu, les pouvoirs territoriaux […]

Votre présence, enfin, honore et réjouit tous ceux qui dans nos rangs ont souffert dans leur fierté d’entrepreneur et leur dignité de citoyen d’être ignorés et souvent méprisés, alors que par leur travail acharné, leurs efforts souvent sans limite, leur acceptation du risque ils méritent l’estime, la considération et l’appui de la Nation […] Il est essentiel que le MEDEF fasse connaître la vision des entrepreneurs pour les années qui viennent […]

Le Président de la République le soulignait la semaine dernière lors de ses vœux, l’accumulation des règlements, des interdits et des contrôles, les excès des taxations et des charges, les soupçons et les méfiances permanentes et abusives ont abouti à en décourager beaucoup d’entreprendre en France. Oui, l’incitation à sortir de France est aujourd’hui encore réelle. Elle est pour nous insupportable […] Nous savons qu’avec la mondialisation, l’euro et l’Internet, s’établir ailleurs, produire ailleurs, externaliser, délocaliser est une vraie tentation.

Il est urgent, il est plus qu’urgent, de revaloriser le site de production France, de maintenir et d’attirer sur notre sol talents et capitaux […] Ma conviction est fondée sur notre histoire économique, car la France a été le second pays a connaître une révolution industrielle […]

[…] Nous attendons beaucoup et vite parce que trop peu et trop lentement ne suffira pas à enrayer cette perte de vitesse nationale dont on a pris conscience à l’étranger mais que l’opinion française se refuse encore trop souvent à regarder en face. C’est pourquoi nous appelons à un ambitieux programme de réforme et de modernisation, à un signal fort de volonté de changement. Dans une France de la réforme, du changement, de la modernité, nous apporterons plus encore notre volonté, notre dynamisme, notre expertise, nous investirons, innoverons, formerons, nous multiplierons les créations d’entreprise […]

Nous appelons à la réforme de l’État, à la réduction de la dépense publique, à la modernisation de la fiscalité, à la refondation sociale. L’esprit d’entreprise c’est aujourd’hui l’esprit de la réforme […]
Rendre au travail sa place dans notre société, après des années d’une propagande fallacieuse en faveur du loisir. Vous avez, Monsieur le Premier ministre, sifflé ces derniers mois la fin de la récréation, mais vous n’avez pas encore convaincu la France qu’elle devait se remettre au travail. Rendez-nous la liberté contractuelle pour négocier avec les salariés et leurs représentants dans le cadre des entreprises et des métiers, les conditions de travail. Il n’appartient pas aux pouvoirs publics d’aller au-delà des principes dans ces domaines et la loi a trop avancé dans le détail pour ne pas maintenant reculer. Place à la liberté pour travailler plus et gagner plus dans notre pays pour le bénéfice de tous.
Refonder le dialogue social pour lui redonner place et vigueur et le substituer à l’excès de réglementation […]
Réformer la protection sociale et pour ce faire, redéfinir le rôle de l’État et des partenaires sociaux dans la gestion des institutions sociales […]

Nous réclamons dans le domaine de la santé une nouvelle architecture et nous excluons d’y tenir à nouveau un rôle avant que n’ait été définie et mise en œuvre la réforme réclamée par tous, et à laquelle nous sommes prêts à contribuer. Nous souhaitons que vous la lanciez dès cette année.

Vous allez, Monsieur le Premier ministre, vous saisir dans les prochains jours de la question des retraites dans notre pays […] Nous ne croyons pas que la croissance à venir allégera le problème à résoudre. Nous ne croyons pas que la solidarité entre générations permettra de prélever encore plus demain sur la population active au profit des retraités. Nous ne croyons pas qu’on puisse augmenter les cotisations car cela pèserait sur la compétitivité et menacerait l’emploi […] Nous ne croyons pas qu’il soit acceptable de réduire le niveau des retraites. Mais nous sommes sûrs, en revanche, qu’il n’y a aucune raison que la France soit la seule en Europe à ne pas accepter, dans un cadre de liberté, de prolonger la durée des cotisations, autrement dit le rôle des salariés seniors dans l’entreprise […]
Il faut aussi mener l’action pour débrider la puissance de l’économie française […]

Source : MEDEF, 2003.