La compétition est solidarité.
Défense de la mondialisation par Renato Ruggiero.
Le directeur de l’OMC en 1998, Renato Ruggiero, répond au journaliste Pascal Baeriswyl.
« Vous avez souvent pris position en faveur des pays les moins avancés. Mais l’impression est que le fossé entre riches et pauvres augmente. La faute à la mondialisation ?
– Non, je ne le crois pas. C’est le fait de mauvaises politiques de distribution. Les problèmes sociaux sont devenus plus aigus, dans les consciences, par effet de la mondialisation. C’est pourquoi, je dis toujours : la mondialisation, c’est l’inclusion des problèmes. Par exemple, c’est l’inclusion du développement des pauvres. Au contraire, le protectionnisme, c’est l’exclusion : fermer ses portes pour ne s’intéresser qu’à soi. Aujourd’hui, il n’est plus possible de ne s’intéresser qu’à soi, car la mondialisation a de plus en plus une dimension humaine.
Pour reprendre le cas des pays africains, l’Etat s’y désengage aujourd’hui. N’est-ce [pas] là le fruit des ajustements structurels qu’on leur impose de l’extérieur ?
– Il ne suffit pas de se dire que la situation est inacceptable, la question qu’il faut se poser est : « Quoi faire » ? L’OMC n’est pas en train de changer le monde, mais de donner des priorités. Le problème est de se mettre ensemble et d’avoir une stratégie. Des phénomènes comme la crise asiatique nous poussent à donner réponse à cette question. Le message doit être un message de solidarité et non pas seulement d’opposition à quelque chose.
Mais ce principe de solidarité n’est-il pas en contradiction, justement, avec le principe de l’économie de marché, basée sur la compétition ?
– Pas du tout ! La compétition est solidarité. Le contraire de la solidarité, c’est de reste chez soi aux dépens de l’Etat et de la société, en pensant que c’est à eux de résoudre « mes » problèmes. La compétition est solidarité, car elle consiste à utiliser ses énergies jusqu’au point où l’on est capable de produire des ressources qui sont nécessaires à l’avancement de la société. La compétition est nécessaire, même si dans tous les cas les situations extrêmes sont mauvaises. La compétition doit être accompagnée de la solidarité. C’est ça le nouveau contrat social. »
Extrait de La Liberté, 18.2.1998.
Défense de l’OMC
Renato Ruggiero, directeur de l’OMC, écrit ceci dans le journal « Le Courrier » du 14 février 1998
« (…) La globalisation de l’économie n’est pas un choix à faire, elle est une réalité extrêmement complexe qui est maintenant principalement liée au progrès technologique. Le fax, le téléphone mobile, la télévision numérique, les ordinateurs, la diminution rapide du coût des communications et des transports, tout cela amène à un fort rétrécissement du temps et de l’espace dans les rapports humains et commerciaux. C’est une réalité que l’on ne peut ignorer. Le développement du commerce électronique va constituer un autre facteur très important de changement. C’est aussi une chance pour les économies les plus marginalisées et pour chacun des individus de pouvoir offrir services ou produits au marché mondial avec le même message utilisé par les entreprises les plus puissantes.
Il est bien compréhensible que tous les grands changements qui sont devant nous soient porteurs d’incertitudes et d’inquiétudes. Mais c’est aussi vrai que la globalisation nous donne une chance de considérer le problème de chacun de nous non seulement à la lumière des intérêts nationaux, mais aussi dans le contexte des problèmes du monde.
Le commerce a une signification qui dépasse de loin la réalité des échanges. La libéralisation signifie la réduction des obstacles dans les relations économiques et aussi entre les nations et les peuples. C’est l’alternative à un monde divisé par des barrières qui, comme on le sait, favorisent le nationalisme économique et politique.
Nous avons aujourd’hui la grande chance d’essayer de créer un système commercial au niveau mondial, décidé par tous les pays du monde, ratifié par tous les parlements nationaux, avec les mêmes règles et les mêmes disciplines, et avec la flexibilité nécessaire pour le progrès des pays en voie de développement. Un système dont les règles peuvent être invoquées pour assurer le respect des droits de chacun, petit ou grand, riche ou pauvre.
C’est la direction dans laquelle nous sommes en train , au sein de l’OMC, d’avancer, avec mille difficultés, avec mille contradictions, mais avec le même espoir dans chacun des 132 membres et 30 candidats à l’adhésion de contribuer à un monde moins injuste et moins instable. »