Qu’en est-il de la controverse  sur l’élargissement de l’ OTAN après la parution le 18.02.2022 de l’article du Spiegel ? 

La Russie a-t-elle eu raison de marteler que dès l’effondrement de l’URSS, les Occidentaux avaient assuré qu’ils ne procéderaient à aucun élargissement de l’OTAN vers les anciens satellites du Pacte de Varsovie redevenus indépendants ? 

Nous vous proposons en document 1 la traduction de l’article du Spiegel  disponible ici. 

Ensuite, en document 2 celui d’une archive datant du 27 mai 1997 de la SWR2, l’équivalent Sud-Ouest allemand de nos télévisons régionales actuellesDie Süd West Rundfunk 2, soit la 2e chaîne de la télévision régionale émettant sur le Sud Ouest de la République Fédérale d’avant la réunification..

Cette archive sonore, montre l’évolution de la position russe de 1991 à 1997 et sa traduction en acte officiel lors du sommet de l’Elysée qui consacra l’entrée de la Russie dans le G8.

Document 1

(source : Der Spiegel)

« Nous ne pouvons pas offrir à la Pologne et aux autres adhérer à l’OTAN »

La nouvelle découverte du dossier de 1991 corrobore l’accusation russe : 

La Russie affirme depuis des décennies que l’élargissement de l’OTAN à l’Est va à l’encontre des engagements occidentaux après la chute du mur de Berlin. Aujourd’hui, un document remarquable resurgit. 

Par Klaus Wiegrefe, 18.02.2022, 13h00 

Le « mensonge » de Jens Stoltenberg

Il y a quelques semaines, le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, s’est montré très confiant. Interrogé par le SPIEGEL pour savoir si, dans les années 1990, la Russie s’était engagée à ne pas étendre l’OTAN à l’Est, le Norvégien déclara résolument : « Ce n’est tout simplement pas vrai, une telle promesse n’a jamais été faite, il n’y a jamais eu un tel accord en coulisses. C’est tout simplement faux

Vraiment ?

Comme Stoltenberg, de nombreux politiciens, militaires ou journalistes occidentaux l’attestent. L’adhésion de la Pologne, de la Hongrie et d’autres pays d’Europe de l’Est à l’OTAN n’est pas en contradiction avec les accords avec Moscou après la chute du mur de Berlin en 1989. C’est compréhensible. A chaque occasion, le président russe Vladimir Poutine se plaint que l’Occident a trompé son pays avec l’élargissement de l’OTAN à l’Est. Qui veut s’exposer à l’accusation de soutenir la propagande de Poutine ?

Et pourtant, la version de Stoltenberg et des autres est discutable

C’est ce qu’atteste une note des Archives nationales britanniques :

Vermerk über das Treffen Chrobogs mit Verbündeten 1991 (Auschnitt)

Note sur la rencontre de Chrobog avec ses alliés en 1991 (détail) Photo: Der Spiegel

Le politologue américain Joshua Shifrinson a découvert le document initialement qualifié de « secret ». Il s’agit d’une réunion des directeurs politiques des ministères des Affaires étrangères des États-Unis, de la Grande-Bretagne, de la France et de l’Allemagne à Bonn, le 6 Mars 1991.

Le thème en était la sécurité de la Pologne et d’autres pays d’Europe de l’Est. L’unification allemande remonte à plus de cinq mois et la fin du Pacte de Varsovie – l’Empire soviétique – était prévisible. Depuis des mois, les politiciens de Varsovie ou de Budapest manifestent leur intérêt pour l’Alliance occidentale. Cependant, comme le montre le document, les Britanniques, les Américains, les Allemands et les Français sont d’accord pour dire que l’adhésion des Européens de l’Est à l’OTAN était « inacceptable ».

Il est intéressant de noter la justification. Jürgen Chrobog, représentant de Bonn, a déclaré dans sa note : « Au cours des négociations du format « Deux plus Quatre »Soit les deux Allemagne et les quatre puissances alliées signataires en 1945 des accords de Potsdam., nous avons clairement indiqué que nous n’étendions pas l’OTAN au-delà de l’Elbe. Nous ne pouvons donc pas offrir le partenariat de l’OTAN à la Pologne et aux autres.» Lors des négociationsLe 12 septembre 1990, lors de la signature à Moscou du traité dit « 2 + 4 » portant sur le règlement définitif concernant l’Allemagne, Lothar de Maizière, président du gouvernement est-allemand, salue l’événement en sa qualité de ministre des Affaires étrangères de la République démocratique allemande (RDA) et souligne la portée du traité pour la réunification de l’Allemagne. « Deux plus Quatre », la République fédérale et la RDA avaient négocié l’unité allemande avec les puissances victorieuses de la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis, la Grande-Bretagne, l’Union soviétique et la France. 

Depuis 1993, bien avant le régime de Poutine, les Russes affirment que l’extension de l’OTAN à l’Est va à l’encontre de l’esprit de ce traité des Deux plus Quatre. C’est évidemment ce qu’a vu Chrobog. Selon la note, la plainte russe coïncide avec la position officielle du gouvernement fédéral du chancelier Helmut Kohl (CDU) et du ministre des Affaires étrangères Hans-Dietrich Genscher (FDP) en 1991.

Et en 1991, les Américains voyaient eux aussi la situation telle qu’elle est aujourd’hui représentée par Poutine. Le représentant américain Raymond Seitz a accepté la note Chrobog et a déclaré : « Nous avons clairement indiqué à l’Union soviétique – lors des entretiens « Deux plus Quatre » comme dans d’autres – que nous ne tirerions aucun avantage du retrait des troupes soviétiques d’Europe de l’Est… L’OTAN ne doit pas s’étendre formellement ou informellement à l’Est.»

L’archive nouvellement réapparue s’inscrit dans une multitude de documents datant des mois qui ont suivi la chute du Mur, qui sont maintenant disponibles. Cependant, l’Occident n’a pas conclu d’accord juridiquement contraignant avec le Kremlin excluant l’élargissement de l’OTAN à l’Est. Au contraire, en 1990, de nombreux politiciens et fonctionnaires des deux parties ont agi de bonne foi.

Mikhaïl Gorbatchev, alors dirigeant du Kremlin, promettait d’introduire la démocratie, de respecter les droits de l’homme, de respecter le droit des peuples à l’autodétermination ; Gorbatchev a même donné l’idée que l’Union soviétique pourrait adhérer à l’OTAN. L’Empire de l’Est semblait réformable. C’est ainsi que Kohl, Genscher et d’autres politiciens occidentaux voulaient vraiment changer l’OTAN, en faire une alliance politique et prendre au sérieux les intérêts du Kremlin. Il ne devrait jamais y avoir de conflit sur l’élargissement de l’OTAN à l’Est.

Un aspect marginal du nouveau document est beaucoup moins important et pourtant amusant : le représentant de Bonn, Chrobog, a apparemment confondu l’Elbe et l’Oder dans sa déclaration. Bien sûr, contrairement à ce qu’a dit le diplomate dans les négociations des « Deux plus Quatre », Bonn n’avait jamais clairement indiqué qu’elle n’étendait pas l’OTAN au-delà de l’Elbe. Selon le traité, l’Allemagne unie devait adhérer à l’OTAN – ce qui l’étendait jusqu’à l’Oder.

Le texte en version originale :

»Wir können Polen und den anderen keine Nato-Mitgliedschaft anbieten«

Neuer Aktenfund von 1991 stützt russischen Vorwurf

Russland behauptet seit Jahrzehnten, die Nato-Osterweiterung verstoße gegen westliche Zusagen nach dem Mauerfall. Nun ist ein bemerkenswertes Dokument aufgetaucht.

Von Klaus Wiegrefe

18.02.2022, 13.00 Uhr • aus DER SPIEGEL 8/2022

Vor einigen Wochen gab sich Nato-Generalsekretär Jens Stoltenberg überaus selbstsicher. Befragt vom SPIEGEL, ob Russland in den Neunzigerjahren zugesagt worden sei, die Nato nicht nach Osten auszudehnen, erklärte der Norweger entschieden: »Das stimmt einfach nicht, ein solches Versprechen wurde nie gemacht, es gab nie einen solchen Hinterzimmer-Deal. Das ist schlichtweg falsch.«

Wirklich?

Wie Stoltenberg sehen es viele Politiker, Militärs oder Journalisten im Westen. Die Aufnahme Polens, Ungarns und anderer osteuropäischer Länder in die Nato stehe nicht im Widerspruch zu Absprachen mit Moskau nach dem Fall der Mauer 1989. Es ist ja auch verständlich. Bei jeder passenden Gelegenheit klagt Russlands Präsident Wladimir Putin, der Westen habe mit der Nato-Osterweiterung sein Land betrogen. Wer will sich dem Vorwurf aussetzen, Putins Propaganda zu unterstützen?

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Vermerk über das Treffen Chrobogs mit Verbündeten 1991 (Auschnitt) Foto: DER SPIEGEL

Und doch ist die Version von Stoltenberg und anderen fragwürdig. Das belegt ein Vermerk aus dem britischen Nationalarchiv. Der US-Politikwissenschaftler Joshua Shifrinson hat das ursprünglich als »secret« eingestufte Dokument entdeckt. Es handelt von einem Treffen der politischen Direktoren der Außenministerien der USA, Großbritanniens, Frankreichs und Deutschlands in Bonn am 6. März 1991.

Thema war die Sicherheit Polens und anderer osteuropäischer Staaten. Die deutsche Einheit lag gut fünf Monate zurück, ein Ende des Warschauer Paktes – des sowjetischen Imperiums – war absehbar. Schon seit Monaten signalisierten Politiker in Warschau oder Budapest ihr Interesse am westlichen Bündnis. Wie das Dokument belegt, stimmten Briten, Amerikaner, Deutsche und Franzosen jedoch überein, dass eine Nato-Mitgliedschaft der Osteuropäer »inakzeptabel« sei.

Bemerkenswert ist daran die Begründung. Bonns Vertreter Jürgen Chrobog erklärte laut Vermerk: »Wir haben in den Zwei-plus-vier Verhandlungen deutlich gemacht, dass wir die Nato nicht über die Elbe hinaus ausdehnen. Wir können daher Polen und den anderen keine Nato-Mitgliedschaft anbieten.« In den Zwei-plus-vier-Verhandlungen hatten Bundesrepublik und DDR mit den Siegermächten des Zweiten Weltkriegs USA, Großbritannien, Sowjetunion und Frankreich die deutsche Einheit verhandelt. 

Schon seit 1993 – also lange vor Putins Regime – behaupten die Russen, eine Ausdehnung der Nato nach Osten verstoße gegen den Geist dieses Zwei-plus-vier-Vertrags. So sah es offenkundig auch Chrobog. Dem Vermerk nach deckt sich die russische Beschwerde mit der offiziellen Position der Bundesregierung von Kanzler Helmut Kohl (CDU) und Außenminister Hans-Dietrich Genscher (FDP) 1991.

Und auch die Amerikaner sahen 1991 die Situation wohl so, wie sie heute Putin darstellt. US-Vertreter Raymond Seitz stimmte laut Vermerk Chrobog zu und sagte: »Wir haben gegenüber der Sowjetunion klargemacht – bei Zwei-plus-vier wie auch anderen Gesprächen – dass wir keinen Vorteil aus dem Rückzug sowjetischer Truppen aus Osteuropa ziehen werden… Die Nato soll sich weder formal noch informell nach Osten ausdehnen.«

Der neue Archivfund passt zu einer Fülle von Dokumenten aus den Monaten nach dem Mauerfall, die inzwischen vorliegen. Allerdings traf der Westen keine völkerrechtlich bindende Vereinbarung mit dem Kreml, die eine Nato-Osterweiterung ausschließt. Vielmehr handelten 1990 viele beteiligte Politiker und Beamte auf beiden Seiten in gutem Glauben.

Der damalige Kreml-Herrscher Michail Gorbatschow versprach, die Demokratie einzuführen, die Menschenrechte zu achten, das Selbstbestimmungsrecht der Völker zu respektieren; Gorbatschow brachte sogar die Idee ins Spiel, die Sowjetunion könnte der Nato beitreten. Das Imperium im Osten schien reformfähig. Und so wollten Kohl, Genscher und andere westliche Politiker die Nato wirklich ändern, zu einem politischen Bündnis formen und die Interessen des Kremls ernst nehmen. Zu einem Konflikt über eine Nato-Osterweiterung sollte es eigentlich nie kommen.

Ein Randaspekt des neuen Dokuments ist da weit weniger wichtig und dennoch amüsant: Bonns Vertreter Chrobog verwechselte in seinem Statement offenbar die Elbe und die Oder. Natürlich hatte Bonn entgegen den Ausführungen des Diplomaten in den Zwei-plus-vier-Verhandlungen nie deutlich gemacht, die Nato nicht über die Elbe hinaus auszudehnen. Das geeinte Deutschland sollte laut dem Zwei-plus-vier-Vertrag ja der Nato beitreten – womit sich diese bis zur Oder ausdehnte.

Document 2 

27.5.1997 « La Russie accepte l’élargissement de l’OTAN à l’Est »

(Archives de la SWR2)

Après des années de blocage de l’élargissement de l’OTAN à l’Est par le président russe Boris Eltsine, la confiance entre la Russie et l’Occident s’accroît. En 1997, Eltsine cède sur l’OTAN.

L’Acte fondateur OTAN-Russie vise à renforcer la confiance réciproquecette appréciation, valable pour Elstine, ne le sera plus pour Poutine…

L’Acte fondateur de l’OTAN-Russie est adopté le 27 mai 1997. Dans ce document, les deux parties s’engagent à respecter la souveraineté de tous les États. La Russie reconnaît qu’elle n’a pas le droit de veto contre l’adhésion d’autres pays à l’OTAN.

OTAN : « Aucune intention de déployer des armes nucléaires en Europe de l’Est »

De son côté, l’OTAN déclare qu’elle n’a aucune raison ni l’intention de déployer des armes nucléaires dans les nouveaux pays d’Europe de l’Est. La Russie doit également être étroitement associée aux plans de l’OTAN. Moscou bénéficie également d’une aide économique substantielle et est intégré au groupe des principaux pays industrialisés – le G8Le G6, devenu G7 en 76 avec l’intégration du Canada, avait été créé à Rambouillet en 1975 à l’initiative du président Giscard d’Estaing. .

L’ambiance lors de la signature à Paris est bonne. Boris Eltsine fait une grande promesse qui va au-delà de ce qui a été convenu : toutes les armes nucléaires dirigées vers les pays de l’OTAN seraient démantelées.

De notre correspondant de l’époque, Cai Rienäcker, à l’Élysée.

L’émission de radio en version originale

27.5.1997

Russland stimmt NATO-Osterweiterung zu

SWR2 ARCHIVRADIO

Nachdem Russlands Präsident Boris Jelzin sich jahrelang gegen die NATO-Osterweiterung gesperrt hat, wächst das Vertrauen zwischen Russland und dem Westen. 1997 gibt Jelzin den Widerstand auf.

NATO-Russland-Grundakte soll Vertrauen stärken

Am 27. Mai 1997 kommt es zur NATO-Russland-Grundakte. Darin verpflichten sich beide Seiten, die Souveränität aller Staaten zu achten. Russland erkennt an, dass es kein Vetorecht gegen die NATO-Mitgliedschaft anderer Länder hat.

NATO: « Keine Absicht, Atomwaffen in Osteuropa zu stationieren »

Die NATO erklärt wiederum, dass sie keinen Anlass und nicht die Absicht habe, in den neuen osteuropäischen Staaten Atomwaffen zu stationieren. Auch soll Russland eng in die NATO-Planungen eingebunden werden. Moskau bekommt außerdem umfangreiche Wirtschaftshilfen und wird in die Gruppe der führenden Industrieländer – bis dahin G7, ab dann G8 – aufgenommen.

Die Stimmung bei der Unterzeichnung in Paris ist gut. Boris Jelzin tritt mit einem großen Versprechen auf, das über das Vereinbarte hinausgeht: Alle Atomwaffen, die auf NATO-Staaten gerichtet sind, würden abgebaut.

Aus dem Élysée-Palast berichtet damals Cai Rienäcker.