Au 20ème siècle, la fête des mères s’est progressivement imposée comme un rituel du mois de mai, en France et dans de nombreux pays du monde. La signification attachée à la fête des mères a varié au cours du siècle passé : encouragement de la natalité et de la famille nombreuse avant et après la Première Guerre mondiale, le gouvernement de Vichy en fit ensuite un moment fort pour exalter sa conception traditionnelle du rôle des femmes, réduites à la fonction de mère au foyer.
Après la Seconde Guerre mondiale, le succès de la fête des mères ne se dément pas, comme en témoigne le document que nous présentons ici. Document ronéotypé, ce tract est destiné aux mères de la ville de Roubaix et a été diffusé par les « aides familiales » d’une association populaire familiale locale, comme il en existait partout en France depuis la Première Guerre mondiale. Particulièrement active dans les milieux ouvriers, elle vise à apporter une aide concrète pour alléger les difficultés de toutes sortes rencontrées par les familles. Ces associations populaires familiales se fédèrent en juin 1952 pour former la Confédération nationale des associations populaires familiales (CNAPF). Nous ignorons quel était le statut et le rôle exact des « aides familiales » qui ont signé ce texte.
En mai 1948, la situation en France demeure très difficile sur le plan matériel. Si « l’année terrible » 1947 est passée, la Reconstruction est loin d’être achevée. La vie (logement, ravitaillement) reste très difficile et c’est en grande partie sur les mères de famille qu’elle pèse au quotidien. C’est ce que reflète ce texte, le but des aides familiales étant de soulager les « Mamans » « dans la tâche si lourde qui vous incombe ».
L’ambition d’équiper les foyers en appareils électro-ménagers (dont l’illustration du document donne quelques exemples), afin que « la machine vienne au secours de la Maman » peut faire sourire dans nos foyers suréquipés. Elle peut aussi choquer puisque les femmes semblent réduites à leur fonction de mère au foyer. Nous y voyons plutôt une prise en compte de la réalité de la vie telle qu’elle était en 1948…
FÊTE DES MÈRES 1948
23 MAI 1948
BONNE FETE CHERES MAMANS ! Vous savez que nos souhaits voudraient vous exprimer notre profond attachement et vous assurer de notre concours dans la tâche si lourde qui vous incombe.
Nous connaissons bien pour les avoir partagée, tous les travaux, toutes les angoisses qui sont les vôtres. Notre plus grand désir est de vous aider toujours davantage à rendre paisible et joyeux votre foyer on vous déchargeant d’une partie de vos soucis.
En cet anniversaire de la Révolution Ouvrière de 1848 nous voudrions qu’un grand pas soit fait vers la “Libération des Mamans”, ces travailleuses inlassables et que justice leur soit rendue.
Depuis 100 ans, les conditions de travail ont considérablement évolué et les machines font une grande partie du travail des hommes : il serait juste que la machine vienne au secours de la Maman, et que son emploi puisse être généralisé, son prix étant mis à la portée des budgets ouvriers :
– Machines rendant le travail moins accablant et vous permettant d’être l’éducatrice des enfants, la compagne partageant les travaux et les soucis de l’éροux,
– Dans un logement spacieux et clair où chacun pourra évoluer à l’aise,
– L’accès des unes et de l’autre étant rendu possible par le “salaire maximum vital” du père ;
Voilà chère Maman ce que voudraient vous apporter nos souhaits. Ensemble nous mènerons le combat afin qu’ils deviennent réalité.
En attendant, dans une confiance réciproque et entrant dans toutes vos préoccupations, nous voulons continuer à vous apporter une aide la plus large possible afin que vous puissiez être la “MAMAN SOURIANTE”, la Joie de votre foyer.
Nous vous redisons donc : BONNE FETE CHERES MAMANS. Nous partageons votre bonheur en cette circonstance, mais vous savez aussi que dans les difficultés qui vous assaillent vous pouvez compter sur
LES AIDES FAMILIALES,
Secrétariat – 64, Grand Rue, ROUBAIX.
Source : Archives Nationales du monde du travail, Roubaix
Supplément pop-culture : la complainte des arts ménagers de Boris Vian, 1955
Paroles : Boris Vian, musique : Alain Goraguer, déposée à la Sacem le .