En 1793, les révolutionnaires se penchent sur la question du calendrier. Une commission destinée à repenser la nomenclature des mois et des jours est formée. Lors de la séance du jeudi 24 octobre 1793, le poète et député Fabre d’Églantine [1750-1794] présente à la Convention nationale son projet de calendrier révolutionnaire dans lequel on trouve une fête du travail.

Après un vibrant plaidoyer anticlérical justifiant l’abolition du calendrier grégorien, Fabre d’Églantine détaille les choix opérés basés sur le système agricole et la nature pour le nouveau calendrier, solaire, composé de 12 mois de 30 jours. Les semaines sont supprimées, chaque mois est divisé en 3 décades de 10 jours. La journée dure 10 heures et une heure 100 minutes, une minute dure 100 secondes. Les noms des jours sont fixés en fonction de leur ordre. La commémoration des saints est bannie ; ils sont remplacés par des noms de plantes, d’animaux domestiques, d’instruments aratoires …

En plus, afin de compléter le calendrier et obtenir 365 jours, 5 jours complémentaires sont rajoutés et nommés « sanculottides », chaque journée étant chargée d’une fête spécifique, censée être « plus crainte des élus du peuple que les lois » selon les mots de Fabre d’Églantine. Ces journées correspondent à la période allant du 17 au 21 septembre. Les années bissextiles, une 6ème journée, jour de la Révolution, est rajoutée.

Dans le passage choisi, Fabre d’Églantine justifie ainsi à la fois le terme de « sanculottides » qui fait appel aux racines gauloises (et païennes !) de la France et détaille les fêtes prévues. Parmi ces dernières se trouve une fête du travail…


 

Nous avons pensé qu’il fallait pour ces cinq jours une dénomination collective, qui portât un caractère national capable d’exprimer la joie et l’esprit du peuple français, dans les cinq jours de fête qu’il célébrera au terme de chaque année.

Il nous a paru possible, et surtout juste, de consacrer par un mot nouveau l’expression de sans-culotte qui en serait l’étymologie. D’ailleurs une recherche, aussi intéressante que curieuse, nous apprend que les aristocrates, en prétendant nous avilir par l’expression de sans-culotte, n’ont pas eu même le mérite de l’invention.

Dès la plus haute antiquité, les Gaulois, nos aïeux, s’étaient fait honneur de cette dénomination. L’histoire nous apprend qu’une partie de la Gaule, dite ensuite Lyonnaise (la patrie des Lyonnais), était appelée la Gaule culottée, gallia braccata ; par conséquent le reste des Gaules jusqu’aux bords du Rhin était la Gaule non-culottée; nos pères dès lors étaient donc des sans-culottes. Quoi qu’il en soit de l’origine de cette dénomination antique ou moderne, illustrée par la liberté, elle doit nous être chère ; c’en est assez pour la consacrer solennellement.

Les cinq jours des sanculottides, composant une demi-décade, seront dénommés Primdi, Duodi, Tridi, Quartidi, Quintidi ; et dans l’année bissextile, le sixième jour Sextidi : le lendemain l’année recommencera par Primdi premier de Vendémiaire.

Nous terminerons ce rapport par l’idée que nous avons conçue relativement aux cinq fêtes consécutives des sanculottides ; nous ne vous en développerons que la nature. Nous vous proposerons seulement d’en décréter le principe et le nom, et d’en renvoyer la disposition et le mode à votre comité d’instruction.

Le Primdi, premier des sanculottides, sera consacré à l’attribut le plus précieux et le plus relevé de l’espèce humaine, à l’intelligence qui nous distingue du reste de la création. Les conceptions les plus grandes, les plus utiles à la patrie, sous quelque rapport que ce puisse être, soit dans les arts, les sciences, les métiers, soit en matière de législation, de philosophie ou de morale, en un mot, tout ce qui tient à l’invention et aux opérations créatrices de l’esprit humain, sera préconisé publiquement, et avec une pompe nationale, ce jour Primdi, premier des sanculottides.

Cette fête s’appellera la fête du génie.

Le Duodi, deuxième des sanculottides, sera consacré à l’industrie et à l’activité laborieuse ; les actes de constance dans le labeur, de longanimité dans la confection des choses utiles à la patrie, enfin tout ce qui aura été fait de bon, de beau et de grand dans les opérations manuelles ou mécaniques, et dont la société peut retirer de l’avantage, sera préconisé publiquement et avec une pompe nationale, ce jour Duodi, deuxième jour des sanculottides.

Cette fête s’appellera la fête du travail.

Le tridi, troisième des sanculottides, sera consacré aux grandes, aux belles, aux bonnes actions individuelles ; elles seront préconisées publiquement et avec une pompe nationale ; cette fête s’appellera la fête des actions.

Le quartidi, quatrième des sanculottides, sera consacré à la cérémonie du témoignage public et de la gratitude nationale envers ceux qui, dans les trois jours précédents, auront été préconisés, et auront mérité les bienfaits de la nation ; la distribution en sera faite publiquement, et avec une pompe nationale, sans autre distinction entre les préconisés que celle de la chose même, et du prix plus ou moins grand qu’elle aura mérité.

Cette fête s’appellera la fête des récompenses.

Le quintidi, cinquième et dernier des sanculottides, se nommera la fête de l’Opinion.

Ici s’élève un tribunal d’une espèce nouvelle, et tout à la fois gaie et terrible.

Source : Archives parlementaires de 1787 à 1860 première série (1787 à 1799), tome LXXVII du 28 jour du premier mois de l’An II au 7 brumaire An II ( 19 octobre 1793 au 28 octobre 1793,

séance du jeudi 24 octobre 1793, extrait page 503

Après débats, la proposition est remaniée. Se succèderont finalement : la fête de la Vertu (idée défendue par Robespierre), du Génie, du Travail, de l’Opinion et des Récompenses.