La bastonnade était considérée comme la plus terrible punition infligée aux galériens. Pour ce qui concerne les protestants condamnés aux galères, cette peine leur est appliquée essentiellement parce qu’ils ont refusé, lors de la célébration de la messe sur la galère, de lever leur bonnet. Voici la description de cette bastonnade :
On fait dépouiller tout nud, de la ceinture en haut le malheureux qui doit la recevoir. On lui fait mettre le ventre sur le coursier de la galère, ses jambes pendantes dans son banc, et ses bras dans le banc à l’opposite. On lui fait tenir les jambes par deux forçats et les bras par deux autres, et le dos en haut tout à découvert et sans chemise; et le comite est derrière lui, qui frappe avec une corde un robuste Turc pour l’animer à frapper de toutes ses forces avec une grosse corde sur le dos du pauvre patient.
Ce Turc est aussi tout nud et sans chemise, et comme il sait qu’il n’y auroit pas de ménagement pour lui s’il épargnoit le moins du monde le pauvre misérabl que l’on châtie avec tant de cruauté, il applique ses coups de toutes ses forces, de sorte que chaque coup de corde qu’il donne fait une contusion élevée d’un pouce. Rarement ceux qui sont condamnés à souffrir un pareil supplice en peuvent-ils supporter dix à douze coups sans perdre la parole et le mouvement. Cela n’empêche pas que l’on ne continue à frapper sur ce pauvre corps, sans qu’il crie ni qu’il remue jusques au nombre de coups à quoi il est condamné par le Major.
Vingt ou trente coups n’est que pour les peccadilles, mais j’ai vu qu’on en donnoit cinquante ou quatre vingts et même cent; mais ceux-là n’en reviennent guères. Après donc que ce pauvre patient a reçu les coups ordonnés, le barbier ou frater de la galère vient lui frotter le dos tout déchiré avec du fort vinaigre et du sel, pour faire reprendre la sensibilité à ce pauvre corps et pour empêcher que la gangrène ne s’y mette. Voilà ce que c’est que cette cruelle bastonnade des galères.
Source : « Les galères de France et les galériens protestants des XVIIe et XVIIIe siècles », de Gaston TOURNIER, Les Presses du Languedoc, réédition de 1984, chapitre VI, pages 138 à 139 – document tiré des « Mémoires d’un protestant, Jean Marteilhe de Bergerac, condamné aux galères de France pour cause de religion, écrits par lui-même ».