À partir de 1884, les syndicats s’étaient multipliés et peu à peu s’étaient fédérés. En 1895, diverses fédérations, au congrès de Limoges, s’unirent dans la Confédération générale du Travail (C.G.T.). Parmi ses membres, certains voulaient se séparer des partis socialistes et procéder à une réorganisation sociale sur la base des syndicats ; cette tendance finit par l’emporter et sa doctrine fut nettement formulée dans la charte du congrès d’Amiens en 1906.
La C.G.T. groupe en dehors de toute école politique tous les travailleurs conscients de la lutte à mener pour la disparition du salariat et du patronat.
Le congrès considère que cette déclaration est une reconnaissance de la lutte des classes qui oppose sur le terrain économique les travailleurs en révolte contre toutes les formes d’exploitation et d’oppression, tant matérielles que morales, mises en oeuvre par la classe capitaliste contre la classe ouvrière.
Le congrès précise par les points suivants cette affirmation théorique :
Dans l’oeuvre revendicatrice quotidienne, le syndicat poursuit la coordination des efforts ouvriers, l’accroissement du mieux-être des travailleurs par la réalisation d’améliorations immédiates, telles que la diminution des heures de travail, l’augmentation des salaires, etc.
Mais cette besogne n’est qu’un côté de l’oeuvre du syndicalisme, il prépare l’émancipation intégrale qui ne peut se réaliser que par l’expropriation capitaliste ; il préconise comme moyen d’action la grève générale et il considère que le syndicat, aujourd’hui groupement de résistance, sera dans l’avenir le groupe de production et de répartition, base de la réorganisation sociale…
Le congrès déclare que cette besogne quotidienne et d’avenir découle de la situation des salariés, qui pèse sur la classe ouvrière et qui fait à tous les travailleurs, quelles que soient leurs opinions ou tendances politiques ou philosophiques, un devoir d’appartenir au groupement essentiel qu’est le syndicat.
Comme conséquence, en ce qui concerne les individus, le congrès affirme l’entière liberté, pour le syndiqué, de participer en dehors du groupement corporatif, à telles formes de lutte correspondant à sa conception philosophique ou politique, se bornant à lui demander en réciprocité de ne pas introduire dans le syndicat les opinions qu’il professe au dehors.
En ce qui concerne les organisations, le congrès déclare qu’afin que le syndicalisme atteigne son maximum d’effet, l’action économique doit s’exercer directement contre le patronat, les organisations confédérées n’ayant pas, en tant que groupements syndicaux, à se préoccuper des partis et des sectes qui, en dehors et à côté, peuvent poursuivre en toute liberté la transformation sociale.