A son retour des États-Unis, en octobre 1959, Khrouchtchev définit ainsi dans un discours devant le Soviet suprême sa conception de la coexistence pacifique, imposée par le danger d’une guerre nucléaire.

La coexistence pacifique

« Il y a peu de temps encore le feu des passions suscitées par la  » guerre froide  » était si grand qu’une simple étincelle aurait pu provoquer une conflagration mondiale. La politique étrangère de certaines puissances occidentales était basée sur des calculs nettement agressifs, sur une politique des  » positions de force « (…)

Actuellement, une évaluation plus sobre de la situation, une compréhension plus raisonnable de l’équilibre des forces sur la scène internationale se manifestent de plus en plus en Occident. Et une telle compréhension des choses conduit inévitablement à la conclusion que les plans prévoyant l’emploi de la force contre le monde socialiste devraient être relégués dans les archives. La vie elle-même exige que les pays ayant des systèmes sociaux différents doivent apprendre à vivre ensemble sur notre planète, à coexister pacifiquement (…)

La reconnaissance de l’existence de deux systèmes différents, la reconnaissance à chaque peuple du droit de régler lui-même tous les problèmes politiques et sociaux de son pays, le respect de la souveraineté et l’application du principe de la non-ingérence dans les affaires intérieures, le règlement de tous les problèmes internationaux au moyen de pourparlers, voilà ce qu’implique la coexistence pacifique sur une base raisonnable (…)

Le principe même de coexistence pacifique entre États aux systèmes sociaux différents implique des éléments de concessions mutuelles, la prise en considération des intérêts réciproques car on ne saurait, autrement, édifier les relations normales entre États. Quant aux questions idéologiques, nous nous en sommes tenus et nous nous en tiendrons, inébranlables tel un roc, aux principes du marxisme-léninisme. Les problèmes idéologiques ne peuvent être réglés par la force et on ne peut imposer à un État l’idéologie qui règne dans un autre État. Aucun homme sensé n’a jamais admis que les litiges d’ordre idéologique ou les questions relatives au régime social de tel ou tel autre pays doivent être réglés par la guerre. Les capitalistes n’approuvent pas le système socialiste ; notre idéologie, nos conceptions leur sont étrangères. Dans une égale mesure, nous, citoyens d’États socialistes, nous n’approuvons pas le régime capitaliste et l’idéologie bourgeoise. Mais, il nous faut vivre en paix et régler les problèmes internationaux qui se présentent par des moyens pacifiques seulement. De là découle la nécessité de faire des concessions mutuelles. »

Extrait de « Les mémoires de l’Europe », tome VI, l’Europe moderne, sous la direction de Jean-Pierre Vivet, édition Robert Laffont, Paris, 1973

Khrouchtchev énonce un reproche qui lui est fait en 1959.

« (Les représentants des pays bourgeois) disent : les dirigeants soviétiques affirment qu’ils sont pour la coexistence pacifique et en même temps ils déclarent qu’ils luttent pour le communisme, et ils disent même que le communisme triomphera dans tous les pays. Quelle coexistence pacifique peut donc être réalisée avec l’Union soviétique si cette dernière lutte pour le communisme ? »