Si certaines circonstances historiques ont pu parfois rapprocher « celui qui croyait au ciel et celui qui n’y croyait pas », les relations entre les catholiques et les communistes ont dans l’ensemble été compliquées.

La raison fondamentale tient d’abord aux fondements doctrinaux antagonistes entre le christianisme qui promet le paradis après la mort et une idéologie communiste marxiste, matérialiste et athée. Mais, plus encore peut-être, parce qu’il y a une compétition pour la conquête des esprits entre deux types de foi et qu’il est fort difficile de trancher si  la foi catholique du charbonnier est plus ou moins sincère et plus ou moins profonde que la foi communiste du mineur de fond.

En 1949, la querelle prend une autre tournure puisque le Vatican adopte un décret permettant l’excommunication des communistes, dont nous présentons le texte ci-dessous. Ce décret est évidemment à replacer dans le contexte du début de la guerre froide. Dans un monde divisé en deux blocs, l’Église catholique a choisi son camp, celui que depuis 1947, on appelle « le Monde libre ». Cette réaction d’hostilité envers les communistes s’explique aussi par les pressions et les persécutions (par exemple, l’arrestation et la condamnation en Hongrie du cardinal József Mindszenty) que les catholiques subissent dans les pays d’Europe de l’Est et qui entravent le libre exercice du culte.

Enfin, et peut-être surtout, il faut replacer ce décret dans le contexte politique italien de l’après guerre. Eugenio Pacelli (1876-1958), le pape italien Pie XII, est très attentif à la vie politique de son pays. Or, après la guerre, l’Italie est dominée par deux grandes forces politiques, la démocratie chrétienne au pouvoir et le Parti communiste italien qui représente près de 30 % de l’électorat. Le décret peut donc être interprété comme un soutien à peine voilé à la Démocratie chrétienne et un moyen de dissuader les fidèles de voter communiste. Et de fait, les excommunications pour communisme semblent avoir été fort rares au pays de Don Camillo1 et ailleurs dans le monde.

1 : voir le supplément Pop culture à la fin de l’article.


 Décret du Saint-Office du 1er juillet 1949

On a posé à cette Suprême Congrégation les questions suivantes :
1. Est-il permis de s’inscrire comme membre à un parti communiste ou de le favoriser en
quelque manière ?
2. Est-il permis de publier, de répandre ou de lire des livres, revues, journaux ou feuilles
volantes qui soutiennent la doctrine ou l’action des communistes, ou d’y écrire ?
3. Peut-on admettre aux Sacrements les fidèles qui, sciemment et librement, posent les
actes envisagés dont parlent les numéros 1 et 2 ?
4. Les fidèles qui professent la doctrine matérialiste et antichrétienne des communistes et
surtout ceux qui la défendent ou la propagent encourent-ils de plein droit, comme
apostats de la foi catholique, l’excommunication spécialement réservée au Saint-Siège ?
Les EEmes et RRmes Pères, préposés à la sauvegarde de la foi et des mœurs, après avoir
recueilli l’avis des RR. Consulteurs, ont, dans la séance plénière du mardi 28 juin 1949, décrété
qu’il fallait répondre :
1. Négativement, car le communisme est matérialiste et antichrétien : bien que les chefs
communistes (les dirigeants) déclarent parfois en paroles qu’ils n’attaquent pas la
religion, ils se montrent, en fait, soit par leur doctrine, soit par leurs actes, hostiles à
Dieu, à la vraie religion et à l’Église du Christ.
2. Négativement, car tous ces écrits sont condamnés de plein droit (cf. le can. 1399 du
Code de Droit canonique).
3. Négativement, conformément aux principes ordinaires sur le refus des Sacrements aux
fidèles qui ne sont pas dans les dispositions voulues.
4. Affirmativement.
Et le jeudi suivant, 30 des mêmes mois et année, S.S. Pie XII, Pape par la Providence divine,
dans l’audience ordinaire accordée à S. Exc. Rme l’Assesseur du Saint-Office, a approuvé la
décision des Éminentissimes Pères qui lui a été soumise, et ordonné qu’elle fût promulguée
dans l’organe officiel des Actes du Siège apostolique.
Donné à Rome, le 1er juillet 1949
Pierre Vigorita, notaire de la Suprême Congrégation du Saint-Office
Décret du Saint-Office du 1er juillet 1949.

Source : La Documentation catholique, XLVI, n° 1048, 31 juillet 1949, col. 961-962


Supplément Pop culture

Le petit monde de Don Camillo.

On ne pouvait aborder ce sujet sans évoquer le « petit monde de Don Camillo », dont le succès populaire fut considérable. Issu d’un roman italien de l’écrivain italien Giovannino Guareschi, la première adaptation au cinéma est réalisée par Julien Duvivier en 1952. La comédie située dans un petit village italien met aux prises le maire communiste Peppone et le curé de choc et haut en couleurs Don Camillo. Les deux s’engueulent et s’opposent, mais au fond s’estiment mutuellement et savent se retrouver dans des combats communs (comme pendant la Résistance…).

Servi par des acteurs comiques de grand talent, le succès populaire du film fut tel que ce ne furent pas moins de 5 « Don Camillo » qui sortirent sur les écrans entre 1952 et 1965. Cette mise à distance des tensions de la Guerre froide par le rire était aussi une manière de signifier qu’au-delà de leurs querelles idéologiques, les citoyens et les citoyennes des pays démocratiques forment nation…


 

De Don Camillo à Don Patillo…

De 1975 à 1996, la figure populaire du curé de choc Don Camillo (Fernandel étant mort en 1971) est récupérée par la publicité pour vendre des pâtes et devient Don Patillo, incarné par l’imitateur André Aubert. Les tensions de la Guerre froide s’atténuent, les églises perdent leurs fidèles et la grande industrie agro-alimentaire récupère la figure du prêtre en soutane pour faire son beurre avec des pâtes. Les voies du Seigneur sont décidément impénétrables …