Manifeste du Parti de l’Istiqlal (11 janvier 1944) au Maroc
« Le Parti de l’Istiqlal (…)
Considérant que le Maroc a toujours constitué un Etat libre et souverain et qu’il a conservé son indépendance pendant treize siècles jusqu’au moment où, dans des circonstances particulières, un régime de protectorat lui a été imposé.(…)
Considérant que le régime ainsi établi a tenté de briser par des moyens divers l’unité du peuple marocain, a empêché les Marocains de participer de façon effective au gouvernement de leur pays et les a privés de toutes les libertés publiques et individuelles.
Considérant que le Maroc a participé de façon effective aux guerres mondiales aux côtés des Alliés ; que ses troupes viennent d’accomplir des exploits qui ont suscité l’admiration de tous aussi bien en France, en Tunisie, en Corse, en Sicile et en Italie et qu’on attend d’elles une participation encore plus étendue sur d’autres champs de bataille, notamment pour aider à la libération de la France.
Considérant que les Alliés, qui versent leur sang pour la cause de la liberté, ont reconnu dans la Charte de l’Atlantique, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes (…).
DECIDE (…) De demander l’indépendance du Maroc dans son intégrité territorial sous l’égide de Sa Majesté Sidi Mohammed Ben Youssef, que Dieu le glorifie. (…)
De demander l’adhésion du Maroc à la Charte de l’Atlantique et sa participation à la Conférence de la Paix. (…) »
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La répression à Madagascar
« … Atrocités des rebelles : colons coupés en morceaux ; femmes violées et sagayées, enfants massacrés. Atrocités de la répression : prisonniers massacrés dans un train à Moramanga, mitraillage dans les prisons (Mananjary, Manakara, Farafangana), exécutions de prisonniers dans la brousse sans jugement.
Le gouverneur général de Chevigné et le général Garbay ont estimé, en 1948, le total des morts de 60’000 à 80’000. Simple hypothèse, à une époque où l’on ne pouvait rien savoir de précis, une grande partie des villageois de la zone insurgée n’étant pas encore rentrés chez eux. En 1950, le gouverneur général Bargues demanda à chaque district de dresser la liste des victimes. Le total aboutit aux chiffres suivants: 140 Français, 2 Indiens, 19 Chinois, 2 Syriens, 17 Sénégalais, 1’646 Malgaches tués par les rebelles -, 4’126 Malgaches tués en opérations ; 5’390 disparus ou morts en forêt de misère physiologique (cette rubrique rappelle nombre de guerres antérieures, notamment celle de 1852 où une grande partie de la population antesaka mourut dans ces conditions). Total : 11’343 victimes. J’ai consulté ces listes dans la plupart des districts du Sud-Est. Elles sont nominatives, avec indication du cas de chacun. Elles ont été dressées sur les déclarations de chefs de villages et des notables, qui n’avaient pas intérêt à restreindre le nombre des morts, ceux-ci représentant un allégement sur l’impôt à payer par leur village. »
extrait de Hubert Deschamps, Histoire de Madagascar, 1961.
L’indépendance de la Tunisie (mars 1956)
Protocole d’accord entre la France et la Tunisie
« Les deux gouvernements reconnaissent que le développement harmonieux et pacifique des rapports franco-tunisiens (…) permet l’accession à la complète souveraineté sans souffrances pour le peuple et sans heurts pour l’État. Ils affirment leur conviction qu’en fondant leurs rapports sur le respect mutuel et entier de leurs souverainetés, dans l’indépendance et dans l’égalité des deux États, la France et la Tunisie renforcent la solidarité qui les unit (…).
En conséquence : la France reconnaît solennellement l’indépendance de la Tunisie (…). Dans le respect de leurs souverainetés, la France et la Tunisie conviennent de définir ou compléter les modalités d’une inter-dépendance librement réalisée entre les deux pays en organisant leur coopération dans les domaines où leurs intérêts sont communs (…).
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Congo
Baudoin et Lumumba : deux visions de la colonisation
A)
Discours de S. M. le Roi BAUDOUIN à la cérémonie de l’indépendance à Léopoldville, le 30 juin 1960, dans « Textes et Documents », n° 123, Ministère des Affaires Étrangères, Bruxelles.
« L’indépendance du Congo constitue l’aboutissement de l’¦uvre conçue par le génie du Roi Léopold II, entreprise par lui avec un courage tenace et continuée avec persévérance par la Belgique. Elle marque une heure décisive dans les destinées non seulement du Congo lui-même, mais je n’hésite pas à l’affirmer, de l’Afrique tout entière. (…)
Pendant 80 ans, la Belgique a envoyé sur votre sol les meilleurs de ses fils, d’abord pour délivrer le bassin du Congo de l’odieux trafic esclavagiste qui décimait ses populations, ensuite pour rapprocher les unes des autres les ethnies qui, jadis ennemies, s’apprêtent à constituer ensemble le plus grand des États indépendants d’Afrique, enfin, pour appeler à une vie plus heureuse les diverses régions du Congo que vous représentez ici, unies en un même Parlement.
En ce moment historique, notre pensée à tous doit se tourner vers les pionniers de l’émancipation africaine et vers ceux qui après eux ont fait du Congo ce qu’il est aujourd’hui. Ils méritent à la fois notre admiration et votre reconnaissance, car ce sont eux qui, consacrant tous leurs efforts et même leur vie, à un grand idéal, vous ont apporté la paix et ont enrichi votre patrimoine moral et matériel. Il faut que jamais ils ne soient oubliés, ni par la Belgique, ni par le Congo.
Lorsque Léopold II a entrepris la grande ¦uvre qui trouve aujourd’hui son couronnement, il ne s’est pas présenté à vous en conquérant, mais en civilisateur.
Le Congo, dès sa fondation, a ouvert ses frontières au trafic international sans que jamais la Belgique y ait exercé un monopole institué dans son intérêt exclusif.
Le Congo a été doté de chemins de fer, de routes, de lignes maritimes et aériennes qui, en mettant vos populations en contact les unes avec les autres, ont favorisé leur unité et ont élargi le pays aux dimensions du monde.
Un service médical, dont la mise au point a demandé plusieurs dizaines d’années, a été patiemment organisé et vous a délivré de maladies combien dévastatrices. Des hôpitaux nombreux et remarquablement outillés ont été construits. L’agriculture a été améliorée et modernisée. De grandes villes ont été édifiées et à travers tout le pays les conditions de l’habitation et l’hygiène traduisent de remarquables progrès. Des entreprises industrielles ont mis en valeur les richesses naturelles du sol. L’expansion économique a été considérable, augmentant ainsi le bien-être de vos populations et dotant le pays de techniciens indispensables à son développement.
Grâce aux écoles des missions, comme à celles que créèrent les pouvoirs publics, l’éducation a bien vite connu une extension enviable, une élite intellectuelle a commencé à se constituer ; vos universités vont rapidement l’accroître. Un nombre de plus en plus considérable de travailleurs qualifiés appartenant à l’agriculture, à l’industrie, à l’artisanat, au commerce, à l’administration, font pénétrer dans toutes les classes de la population ‘émancipation individuelle qui -constitue la véritable base de toute civilisation.
Nous sommes heureux d’avoir ainsi donné au Congo, malgré les plus grandes difficultés, les éléments indispensables à l’armature d’un pays en marche sur la voie du développement.
Le grand mouvement d’indépendance qui entraîne toute l’Afrique a trouvé, auprès, des pouvoirs belges, la plus large, compréhension.
En face du désir unanime de vos populations nous n’avons pas hésité à vous reconnaître dès à présent cette indépendance.
C’est à vous, Messieurs, qu’il appartient maintenant de démontrer que nous avons eu raison de vous faire confiance. (…) »
B)
Discours de Patrice LUMUMBA, Premier ministre et ministre de la défense nationale de la République du Congo, à la cérémonie de l’Indépendance à, Léopoldville le 30 juin 1960, dans « Textes et Documents », no 123, Ministère des Affaires Étrangères, Bruxelles.
« A vous tous, mes amis qui avez lutté sans relâche à nos côtés, je vous demande de faire de ce 30 juin 1960 une date illustre que vous garderez ineffaçablement gravée dans vos c¦urs, une date dont vous enseignerez avec fierté la signification à vos enfants, pour que ceux-ci à leur tour fassent connaître à leurs fils et à leurs petits-fils l’histoire glorieuse de notre lutte pour la libertés.
Car cette indépendance du Congo, si elle est proclamée aujourd’hui dans l’entente avec la Belgique, pays ami avec qui nous traitons d’égal à égal, nul Congolais digne de ce nom ne pourra jamais oublier cependant que c’est par la lutte qu’elle a été conquise, une lutte de tous les jours, une lutte ardente et idéaliste, une lutte dans laquelle nous n’avons ménagé ni nos forces, ni nos privations, ni nos souffrances, ni notre sang. C’est une lutte qui fut de larmes, de feu et de sang, nous en sommes fiers jusqu’au plus profond de nous-mêmes, car ce fut une lutte noble et juste, une lutte indispensable pour mettre fin à l’humiliant esclavage, qui nous était imposé par la force.
Ce que fut notre sort en 80 ans de régime colonialiste, nos blessures sont trop fraîches et trop douloureuses encore pour que nous puissions les chasser de notre mémoire.
Nous avons connu le travail harassant exigé en échange de salaires qui ne nous permettaient ni de manger à notre faim, ni de nous vêtir ou de nous loger décemment, ni d’élever nos enfants comme des êtres chers. Nous avons connu les ironies, les insultes, les coups que nous devions subir matin, midi et soir, parce que nous étions des nègres. Qui oubliera qu’à un noir on disait « Tu », non certes comme à un ami, mais parce que le « Vous » honorable était réservé aux seuls blancs ?
Nous avons connu nos terres spoliées au nom de textes prétendument légaux, qui ne faisaient que reconnaître le droit du plus fort, nous avons connu que la loi n’était jamais la même, selon qu’il s’agissait d’un blanc ou d’un noir, accommodante pour les uns, cruelle et inhumaine Pour les autres. Nous avons connu les souffrances atroces des relégués pour opinions politiques ou, croyances religieuses : exilés dans leur propre patrie, leur sort était vraiment pire que la mort même. Nous avons connu qu’il y avait dans les villes des maisons magnifiques pour les blancs et des paillottes croulantes pour les noirs : qu’un noir n’était admis ni dans les cinémas, ni dans les restaurants, ni dans les magasins dits européens, qu’un noir voyageait à même la coque des péniches au pied du blanc dans sa cabine de luxe.
Qui oubliera, enfin, les fusillades où périrent tant de nos frères, ou les cachots où furent brutalement jetés ceux qui ne voulaient pas se soumettre à un régime d’injustice ?
Tout cela, mes frères, nous en avons profondément souffert, mais tout cela aussi, nous, que le vote de vos représentants élus a agréés pour diriger notre cher pays, nous qui avons souffert dans notre corps et dans notre c¦ur de l’oppression colonialiste, nous vous le disons, tout cela est désormais fini.
La République du Congo a été proclamée et notre cher pays est maintenant entre les mains de ses propres enfants (…) ».
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Sur Cliotexte, d’autres textes sur la colonisation du Congo belge.
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Tanzanie
Tiré de David Gakunzi et Ad’Obe Obe, Rencontres avec Julius Nyerere , Paris, Descartes et Cie, 1995, pp. 43-44
« Nous nous sommes battus pour avoir notre drapeau et notre hymne national mais nous étions conscients que ce ne serait pas suffisant, qu’il nous faudrait aller plus loin si nous voulions construire une véritable nation indépendante.
La plupart des mouvements de libération en Afrique à l’époque n’avaient qu’une idéologie : être libres. Ils ignoraient bien souvent l’après : que faire une fois la liberté retrouvée ? Ce à quoi nous accordions la plus grande importance, tous, c’était nous gouverner nous-mêmes. Il n’est donc pas étonnant que certains aient décolonisé tout en gardant le système social et administratif du colonisateur. Il n’est pas étonnant non plus que, quelque temps après les indépendances, les populations aient commencé à se dire: « Est-ce ça, la liberté pour laquelle nous avons tant combattu ? A qui revient cette liberté pour laquelle nous avons tout donné ? ». Ces questions sont devenus courantes après les indépendances.
Pendant notre lutte pour l’émancipation, nous étions conscients que l’indépendance ne serait pas tout, qu’elle ne serait pas le début du « Grand Soir », qu’il resterait un long chemin à parcourir pour libérer notre peuple de la pauvreté, de la maladie, de l’ignorance, des préjugés …
Dès notre accession à l’indépendance, nous avons tenus à affirmer que le fondement de notre action intérieure et extérieure serait une tentative sincère d’honorer la dignité de l’homme.
Les défis à relever étaient nombreux. »
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Les faiblesses de la bourgeoisie des pays colonisés
« La bourgeoisie nationale, qui prend le pouvoir à la fin du régime colonial est une bourgeoisie sous-développée. Sa puissance économique est presque nulle, et en tout cas, sans commune mesure avec celle de la bourgeoisie métropolitaine à laquelle elle entend se substituer. Dans son narcissisme volontariste, la bourgeoisie nationale s’est facilement convaincue qu’elle pouvait avantageusement remplacer la bourgeoisie métropolitaine (…). Au sein de cette bourgeoisie nationale, on ne trouve ni industriels ni financiers. La bourgeoisie nationale des pays sous-développés n’est pas orientée vers la production, l’invention, la construction, le travail. Elle est toute entière canalisée vers des activités de type intermédiaire. Etre dans le circuit, dans la combine, telle semble être sa vocation profonde. La bourgeoisie nationale a une psychologie d’homme d’affaires, non de capitaine d’industrie. Et il est bien vrai que la rapacité des colons et le système d’embargo installé par le colonialisme ne lui ont guère laissé le choix. Dans le système colonial une bourgeoisie qui accumule du capital est une impossibilité (…). »
Tiré de Franz Fanon, « Les Damnés de la terre » , Paris, Maspéro, 1961
Sur cliotexte, il y a aussi des textes sur l’Algérie et l’Afrique du Sud.