Idéologie et propagande


Extraits du préambule de la Constitution soviétique de 1977

« La Grande Révolution socialiste d’Octobre, accomplie par les ouvriers et les paysans de Russie dirigés par le Parti communiste avec à sa tête V.I.Lénine, a renversé le pouvoir des capitalistes et des grands propriétaires fonciers, brisé les chaînes de l’oppression, instauré la dictature du prolétariat et créé l’Etat soviétique.(…) Le pouvoir soviétique a réalisé les transformations sociales et économiques les plus profondes, il a mis fin pour toujours à l’exploitation de l’homme par l’homme, aux antagonismes de classe et à l’hostilité entre les nations. (…) La propriété sociale des moyens de production et une démocratie authentique pour les masses laborieuses se sont affirmées. Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, une société socialiste a été édifiée. (…)

C’est une société de démocratie authentique, dont le système politique garantit une gestion efficace de toutes les affaires sociales, une participation toujours plus active des travailleurs à la vie de l’Etat, où les libertés et droits réels des citoyens sont indissociables de leurs devoirs et de leurs responsabilités à l’égard de la société. La société socialiste développée est une étape nécessaire sur le chemin du communisme. »

Source : Les constitutions de l’URSS et de la Russie, D.Colas, PUF, 1997.

Extraits de la Constitution de l’URSS de 1977

  • « Art 2. En URSS tout le pouvoir appartient au peuple. Le peuple exerce le pouvoir d’Etat par l’intermédiaire des Soviets des députés du peuple, qui constituent la base politique de l’URSS. (…)
  • Art 6. Le Parti communiste de l’Union soviétique est la force qui dirige et oriente la société soviétique, c’est le noyeau de son système politique, des organismes d’Etat et des organisations sociales. Le PCUS existe pour le peuple et est au service du peuple. Armé de la doctrine marxiste&endash;léniniste, le Parti communiste définit la perspective générale du développement de la société, les orientations de la politique intérieure et étrangère de l’URSS, il dirige la grande ¦uvre créatrice du peuple soviétique, confère un caractère organisé et scientifiquement fondé à sa lutte pour la victoire du communisme. (…)
  • Art 10. Le système économique de l’URSS est fondé sur la propriété socialiste des moyens de production sous la forme de la propriété d’Etat (du peuple) et de la propriété kolkhozienne et coopérative. (…)
  • Art 70. L’Union des Républiques socialistes soviétiques est un Etat multinational fédéral uni, constitué selon le principe du fédéralisme socialiste par suite de la libre autodétermination des nations et de l’association librement consentie des Républiques socialistes soviétiques égales en droits. (…)
  • Art 72. Chaque république fédérée conserve le droit de se séparer librement de l’URSS. (…) »

Un texte globalement prophétique

C. Emmanuel Todd écrivait dans son livre dans « La Chute finale, essai sur la décomposition du système soviétique » (éd Laffont, 1976, p. 316 sqq) en conclusion ceci :

« Si les dirigeants soviétiques arrivent à surmonter leurs instincts nationalistes et l’humiliation que constituerait (ou constituera) le retrait d’Europe orientale et la libération des nationalités, l’économie russe pourra s’engager dans la voie d’une réforme à la hongroise. (…) [la Hongrie qui avait entrepris une réforme économique depuis 1960 tout en restant dans le bloc soviétique avait, en 1976, une incontestable avance dans le domaine]

Le communisme russe a une autre spécificité : celle d’avoir massacré quinze à vingt millions de citoyens soviétiques. Ce passé un peu lourd rend la tâche de la nouvelle classe soviétique particulièrement difficile, peut-être même franchement hasardeuse. (…) Il faut espérer que les apparatchiki russes surmonteront a) leur tempérament fasciste et autocratique, b) leur peur du peuple russe, c) leur nationalisme, d) et qu’ils n’attendront pas trop tard pour se décider.

Le Kremlin a le choix entre deux types de changement, voie longue et voie courte. La voie longue est la ligne actuellement choisie par le Kremlin : un changement d’idéologie précède une modification du système économique : démarxisation, développement d’un climat nationaliste, raciste, antisémite et antichinois, russification des Républiques fédérées. Le régime essaye de faire du communisme russe un fascisme ordinaire. Cette politique ne peut aboutir pour une raison simple : parce que les démocraties populaires ont déjà décollé, qu’elles sont déjà plus riches que la Russie, et que dans cinq ou dix ans l’Armée rouge qui campe en République démocratique allemande, en Pologne, en Hongrie et en Tchécoslovaquie sera dans la situation d’une armée de pays sous-développé occupant l’Europe occidentale actuelle : l’armée égyptienne occupant la Suisse par exemple.

La voie courte est celle de la réforme économique immédiate, avec renforcement de l’appareil policier, conversion immédiate en fascisme ordinaire faisant confiance aux techniques répressives physiques, sans trop se préoccuper de l’idéologie.(…)

L’URSS amorce un grand cycle régressif : la hausse de la mortalité infantile suffit à le démontrer. Ce que nous ignorons, c’est le rythme du mouvement de décomposition. (…)

Faut-il continuer à surestimer la puissance économique soviétique ? (…) Les rapports entre puissance militaire et puissance économique sont, dans le cas de l’URSS, absolument inverses : l’Union soviétique produit des canons parce qu’elle est incapable de produire du beurre ou des automobiles, ou n’importe quel type de bien de consommation.

Il faut espérer que le régime aura le courage et l’audace de décollectiviser à temps. Sinon, ce sera à l’Occident de décider de l’explosion ou de la survie du premier des systèmes communistes. Si l’on continue à sous-estimer la crise soviétique, à considérer le poids militaire accru de l’URSS comme « une conséquence historique inévitable de sa puissance économique et industrielle grandissante »[citation d’un rapport du Département d’Etat américain, dirigé alors par H. Kissinger], on risque de faire exploser le système soviétique par mégarde, en lui refusant de l’aide à un moment décisif. »

« L’ÉDIFICATION DU SOCIALISME : UNE TÂCHE ARDUE. »

Un train roule et traverse l’URSS. Brusquement, il s’arrête. Le mécanicien affolé accourt dans un wagon : « camarade Vladimir Illich, les blancs ont coupé la voie ferrée, le train ne peut plus avancer, qu’allons-nous faire ? »

Lénine garde son sang froid, retrousse ses manches : « Allons, camarades, tous au travail, armons nous de pelles et de pioches et reconstruisons ensembles la voie ferrée. » Chacun se met au travail en chantant, et peu après, le train repart.

Il roule des jours et des nuits, puis s’arrête à nouveau, loin de toute gare. Le mécanicien, blême, accourt : « Camarade Jossip Vissarionovitch, la voie est coupée, les contre-révolutionnaires sont passés par là, que faire ? »

Staline n’hésite pas : « Il y a des traîtres parmi nous, que l’on fusille sur le champ la moitié des passagers ; quand aux autres, qu’on leur passe la chemise rayée et qu’ils se mettent au travail jusqu’à ce que la voie ferrée soit reconstruite. Peu importent les moyens. »

Ainsi fait-on sur le champ. Le train reprend sa route, traverse la taïga, et à nouveau le mécanicien voit les rails coupés devant lui. Cette fois, pense-t-il, ses minutes sont comptées, mais il faut bien avertir ; et ruisselant de sueurs froides, il surgit dans un wagon : « Camarade Nikita Sergueievitch, les ennemis de la révolution ne sont pas tous morts : la voie est à nouveau sabotée, nous ne pouvons poursuivre notre route ! »

Kroutchev lui dit alors : « Ce n’est rien, camarade mécanicien : prenons les rails qui sont derrière nous, reposons les devant et ainsi de suite, nous pourrons avancer quand même. »

Et au fil des kilomètres , les rails étaient levés, déplacés, le train roulait. Mais quelques temps plus tard, le mécanicien freine dans un grincement terrible ; glacé de peur, il se présente dans un wagon : « Camarade Leonide Illich, vous ne me croirez pas mais pourtant je vous assure, c’est vrai : les antisoviétiques et les impérialistes ont encore coupé la voie. Que faire ? »

« C’est fort ennuyeux, répond Brejnev, mais on peut s’en sortir : que l’on baisse les rideaux de tous les compartiments et que l’on secoue de temps en temps les wagons pour que tout le monde ait l’impression que nous avançons. »

Extrait de Nina et Jean Kehayan, Rue du prolétaire rouge , Le Seuil, 1978.

Les secrétaires généraux du PCUS

Dates :

  • 1917-1924 : Vladimir Illich Oulianov, dit Lénine.
  • 1924-1953 : Jossip Vissarionovitch Djugatsvilli, dit Staline.
  • 1953-1964 : Nikita Sergueievitch Kroutchev.
  • 1964-1982 : Leonid Illich Brejnev.
  • 1982-1984 : Youri Andropov.
  • 1984-1985 : Constantin Tchernenko.
  • 1985-1991 : Mikhaïl Gorbatchev.

Chronologie 1985-1994

URSS

1985
– Gorbatchev – Secrétaire Général du PC Soviétique

1986
– Début de la Perestroïka

1989
– Mai : Ouverture du « rideau de fer » en Hongrie
– Novembre : Effondrement des démocraties populaires
– Ouverture du Mur de Berlin

1990
– Indépendance des Républiques baltes
– Réunification de l’Allemagne

1991
-Echec du putch des conservateurs soviétiques
-Les Républiques soviétiques proclament leur indépendance
-25 décembre : Dissolution de l’URSS

RUSSIE

1994
– Début de la guerre en Tchétchénie
– Conflits frontaliers dans le Caucase

La démission de Mikhaïl Gorbatchev et la fin de l’URSS

Le 25 décembre 1991, en 12 minutes, le Président de l’URSS annonce sa démission. Au même moment, sur le Kremlin, le drapeau de la Russie remplace celui de l’URSS, comme, la veille, la même Russie a repris le siège de la désormais ex-URSS aux Nations Unies. Dans cette brève allocution, M. Gorbatchev revient sur l’état de l’Union au moment où il a accédé au poste suprême de Premier Secrétaire, en 1985, sur les réformes qu’il a voulu initier et les raisons de leur échec.

« (…) En m’adressant une dernière fois à vous en tant que président de l’URSS, j’estime nécessaire de tirer le bilan du chemin parcouru depuis 1985, et cela d’autant plus que les jugements à cet égard sont bien souvent contradictoires, superficiels, quand ils ne manquent pas purement et simplement d’objectivité.

Le sort a voulu qu’au moment où je me retrouvais à la tête de l’État, des dysfonctionnements étaient déjà manifestes dans notre pays. Rien ne nous manquait, pourtant, ni la terre, ni le pétrole, ni le gaz, sans compter tant d’autres richesses naturelles. Le Ciel, en outre, nous avait généreusement dotés en cerveaux et talents. Mais le fait est que nous vivions beaucoup plus mal que les pays développés et que notre retard sur eux ne cessait de s’accroître.

La cause en était, dès cette époque, évidente : la société étouffait, prise dans les tenailles du système bureaucratique de commandement. Vouée à servir l’idéologie et à porter le terrible fardeau de la course aux armements, elle avait atteint la limite de ses forces.

Toutes les tentatives réformes partielles – or il y en eut un certain nombre – échouaient les unes après les autres. Le pays avait perdu le cap. On ne pouvait continuer ainsi, des changements radicaux s’imposaient.

Aussi n’ai-je pas regretté un seul instant de ne pas mettre à profit mes anciennes fonctions de secrétaire général pour simplement « régner » quelques années. Cela m’eût paru irresponsable et amoral.

Je comprenais fort bien qu’entreprendre des réformes d’une immense ampleur dans une société comme la nôtre était éminemment complexe et risqué. Je reste cependant convaincu, aujourd’hui encore, de la justesse historique des réformes démocratiques initiées au printemps 1985.

Le processus de rénovation de notre pays, accompagné de changements fondamentaux dans la communauté internationale, s’est révélé autrement plus ardu qu’on l’eût pu supposer. Néanmoins, ce qui a été accompli doit être apprécié en bonne justice.

La société a obtenu la liberté, elle a été délivrée de l’asservissement politique et spirituel dans lequel elle était tenue. C’est là sa principale conquête. Nous ne mesurons pas encore complètement la portée de cet acquis, et cela explique que nous n’ayons toujours pas appris à user, comme il convient, de la liberté. Il n’en demeure pas moins que fut réalisée une œuvre historique majeure :

Le système totalitaire, qui empêchait depuis longtemps le pays d’être florissant et prospère, a été anéanti.

Une percée a été effectuée sur la voie des transformations démocratiques. Élections libres, liberté de la presse, libertés confessionnelles, organes représentatifs de pouvoir, multipartisme sont devenus réalités.

Un mouvement vers une économie multiforme a été amorcé, et l’égalité de toutes les formes de propriété s’instaure peu à peu. Dans le cadre de la réforme agraire, on assiste à une renaissance de la paysannerie, des fermiers sont apparus, des millions d’hectares de terres sont restitués aux populations des villes et des campagnes. La liberté économique des producteurs est garantie par la loi, et l’entreprenariat, l’actionnariat, la privatisation commencent à prendre de l’ampleur.

Dans notre orientation de l’économie vers le marché, nous devons garder présent à l’esprit que tout cela est fait pour les hommes. En ces temps difficiles, rien ne doit être négligé pour la protection sociale, notamment en ce qui concerne les enfants et les personnes âgées.

Nous vivons dans un monde nouveau :

Nous en avons fini avec la « guerre froide », la course aux armements est arrêtée, de même que la militarisation à outrance de notre pays, qui dénaturait l’économie, la conscience sociale et la morale. La menace d’une guerre mondiale est levée.

Je tiens à souligner une fois encore qu’en cette période de transition, j’ai déployé tous mes efforts pour qu’un contrôle efficace de l’arme nucléaire soit maintenu.

Nous nous sommes ouverts au monde, nous avons renoncé à intervenir dans les affaires d’autrui, à recourir à l’emploi des armes hors de nos frontières, ce qui nous a valu, en retour, confiance, solidarité et respect.

Nous sommes devenus l’un des grands remparts d’une refonte de la civilisation contemporaine, basée sur des principes de paix et de démocratie.

Peuples et nations se sont vu octroyer une réelle liberté de choix pour leur autodétermination. La volonté de réformer démocratiquement notre État multinational nous a menés au seuil d’un nouveau contrat d’Union.

Toutes ces transformations ont impliqué une énorme tension. Elles se sont déroulées dans un contexte de lutte très âpre, sur fond de résistance croissante des forces de l’ancien appareil réactionnaire moribond, tant dans les structures du Parti et de l’État que dans l’économie, pour ne rien dire de nos vieilles habitudes, de nos préjugés idéologiques, de notre psychologie de nivellement et de parasitisme. Elles se sont heurtées à notre intolérance, à notre faible niveau de culture politique, à notre peur du changement. Ainsi avons-nous perdu un temps précieux. L’ancien système s’est effondré avant même que le nouveau ait eu le temps de fonctionner. Et la crise de la société s’en est trouvée aggravée.

Je sais le mécontentement engendré par la situation actuelle et ses difficultés, je sais les vives critiques formulées à l’encontre tant de l’ensemble des pouvoirs publics que de mon action personnelle. Mais je tiens à le souligner une nouvelle fois : des changements aussi radicaux, dans un pays aussi immense, chargé, en outre, d’un héritage tel que le nôtre, ne peuvent s’effectuer sans douleur, sans problèmes, sans bouleversements.

Le putsch d’août a conduit la crise générale à son point de rupture. L’aspect le plus funeste de cette crise est l’effondrement de l’État. Je suis inquiet de constater que notre population n’est plus, aujourd’hui, citoyenne d’un grand pays. Les conséquences peuvent en être très graves pour tous.

Il me paraît d’une importance capitale que soient préservés les acquis démocratiques de ces dernières années. Ils sont le fruit des souffrances endurées au cours de notre histoire, le fruit de notre tragique expérience. Nous ne devons en aucun cas, sous aucun prétexte, y renoncer – cela reviendrait à enterrer les espoirs d’un avenir meilleur. »

« Un grand État cesse d’exister ». Paris, Points, 2010, pp. 37 – 45.

La démission de Mikhaïl Gorbatchev et la fin de l’URSS, le même discours en trois séquences

a). L’état de l’URSS en 1985

« (…) En m’adressant une dernière fois à vous en tant que président de l’URSS, j’estime nécessaire de tirer le bilan du chemin parcouru depuis 1985, et cela d’autant plus que les jugements à cet égard sont bien souvent contradictoires, superficiels, quand ils ne manquent pas purement et simplement d’objectivité.

Le sort a voulu qu’au moment où je me retrouvais à la tête de l’État, des dysfonctionnements étaient déjà manifestes dans notre pays. Rien ne nous manquait, pourtant, ni la terre, ni le pétrole, ni le gaz, sans compter tant d’autres richesses naturelles. Le Ciel, en outre, nous avait généreusement dotés en cerveaux et talents. Mais le fait est que nous vivions beaucoup plus mal que les pays développés et que notre retard sur eux ne cessait de s’accroître.

La cause en était, dès cette époque, évidente : la société étouffait, prise dans les tenailles du système bureaucratique de commandement. Vouée à servir l’idéologie et à porter le terrible fardeau de la course aux armements, elle avait atteint la limite de ses forces.

Toutes les tentatives réformes partielles – or il y en eut un certain nombre – échouaient les unes après les autres. Le pays avait perdu le cap. On ne pouvait continuer ainsi, des changements radicaux s’imposaient. (…) »

« Un grand État cesse d’exister ». Paris, Points, 2010, pp. 37 – 39.

b). Les réformes de Mikhaïl Gorbatchev

« (…) Aussi n’ai-je pas regretté un seul instant de ne pas mettre à profit mes anciennes fonctions de secrétaire général pour simplement « régner » quelques années. Cela m’eût paru irresponsable et amoral.

Je comprenais fort bien qu’entreprendre des réformes d’une immense ampleur dans une société comme la nôtre était éminemment complexe et risqué. Je reste cependant convaincu, aujourd’hui encore, de la justesse historique des réformes démocratiques initiées au printemps 1985.

Le processus de rénovation de notre pays, accompagné de changements fondamentaux dans la communauté internationale, s’est révélé autrement plus ardu qu’on l’eût pu supposer. Néanmoins, ce qui a été accompli doit être apprécié en bonne justice.

La société a obtenu la liberté, elle a été délivrée de l’asservissement politique et spirituel dans lequel elle était tenue. C’est là sa principale conquête. Nous ne mesurons pas encore complètement la portée de cet acquis, et cela explique que nous n’ayons toujours pas appris à user, comme il convient, de la liberté. Il n’en demeure pas moins que fut réalisée une œuvre historique majeure :

Le système totalitaire, qui empêchait depuis longtemps le pays d’être florissant et prospère, a été anéanti.

Une percée a été effectuée sur la voie des transformations démocratiques. Élections libres, liberté de la presse, libertés confessionnelles, organes représentatifs de pouvoir, multipartisme sont devenus réalités.

Un mouvement vers une économie multiforme a été amorcé, et l’égalité de toutes les formes de propriété s’instaure peu à peu. Dans le cadre de la réforme agraire, on assiste à une renaissance de la paysannerie, des fermiers sont apparus, des millions d’hectares de terres sont restitués aux populations des villes et des campagnes. La liberté économique des producteurs est garantie par la loi, et l’entreprenariat, l’actionnariat, la privatisation commencent à prendre de l’ampleur.

Dans notre orientation de l’économie vers le marché, nous devons garder présent à l’esprit que tout cela est fait pour les hommes. En ces temps difficiles, rien ne doit être négligé pour la protection sociale, notamment en ce qui concerne les enfants et les personnes âgées.

Nous vivons dans un monde nouveau :

Nous en avons fini avec la « guerre froide », la course aux armements est arrêtée, de même que la militarisation à outrance de notre pays, qui dénaturait l’économie, la conscience sociale et la morale. La menace d’une guerre mondiale est levée.

Je tiens à souligner une fois encore qu’en cette période de transition, j’ai déployé tous mes efforts pour qu’un contrôle efficace de l’arme nucléaire soit maintenu.

Nous nous sommes ouverts au monde, nous avons renoncé à intervenir dans les affaires d’autrui, à recourir à l’emploi des armes hors de nos frontières, ce qui nous a valu, en retour, confiance, solidarité et respect.

Nous sommes devenus l’un des grands remparts d’une refonte de la civilisation contemporaine, basée sur des principes de paix et de démocratie.

Peuples et nations se sont vu octroyer une réelle liberté de choix pour leur autodétermination. La volonté de réformer démocratiquement notre État multinational nous a menés au seuil d’un nouveau contrat d’Union. (…) »

« Un grand État cesse d’exister ». Paris, Points, 2010, pp. 41 – 43.

c). L’échec des réformes

« (…) Toutes ces transformations ont impliqué une énorme tension. Elles se sont déroulées dans un contexte de lutte très âpre, sur fond de résistance croissante des forces de l’ancien appareil réactionnaire moribond, tant dans les structures du Parti et de l’État que dans l’économie, pour ne rien dire de nos vieilles habitudes, de nos préjugés idéologiques, de notre psychologie de nivellement et de parasitisme. Elles se sont heurtées à notre intolérance, à notre faible niveau de culture politique, à notre peur du changement. Ainsi avons-nous perdu un temps précieux. L’ancien système s’est effondré avant même que le nouveau ait eu le temps de fonctionner. Et la crise de la société s’en est trouvée aggravée.

Je sais le mécontentement engendré par la situation actuelle et ses difficultés, je sais les vives critiques formulées à l’encontre tant de l’ensemble des pouvoirs publics que de mon action personnelle. Mais je tiens à le souligner une nouvelle fois : des changements aussi radicaux, dans un pays aussi immense, chargé, en outre, d’un héritage tel que le nôtre, ne peuvent s’effectuer sans douleur, sans problèmes, sans bouleversements.

Le putsch d’août a conduit la crise générale à son point de rupture. L’aspect le plus funeste de cette crise est l’effondrement de l’État. Je suis inquiet de constater que notre population n’est plus, aujourd’hui, citoyenne d’un grand pays. Les conséquences peuvent en être très graves pour tous.

Il me paraît d’une importance capitale que soient préservés les acquis démocratiques de ces dernières années. Ils sont le fruit des souffrances endurées au cours de notre histoire, le fruit de notre tragique expérience. Nous ne devons en aucun cas, sous aucun prétexte, y renoncer – cela reviendrait à enterrer les espoirs d’un avenir meilleur. »

« Un grand État cesse d’exister ». Paris, Points, 2010, pp. 43 – 45.

Nostalgie de l’URSS

« Le 15 mars 1996, le Parlement de Russie [tenu par une majorité de nostalgiques de l’ex-URSS] dénonçait l’acte marquant la chute de l’URSS [l’accord d’Alma-Ata de la fin 1991].

Les anciennes républiques ont dénoncé ce vote qui visait à réhabiliter juridiquement l’URSS.

A Bakou, le président azerbaïdjanais Gueïdar Aliev a estimé que l’URSS ne s’est pas effondrée parce que certains de ses responsables l’ont décidé « mais en raison de processus politiques et sociaux historiques objectifs en cours dans les années 80 dans le monde et notamment en URSS. Cela devait avoir lieu et a eu lieu, il n’y a pas de retour possible », a-t-il ajouté. »

(cité par le journal « Le Courrier » (Genève, 18.3.1996)

« La dissolution de l’URSS, le 31 décembre 1991, a-t-elle marqué pour les ex-Soviétiques la fin d’un rêve ou d’un cauchemar ? La réponse varie évidemment selon les lieux et les personnes, mais le nombre de ceux qui, aujourd’hui expriment des regrets pour tel ou tel aspect de l’ancien régime reste surprenant. »

Pierre Chuvin, « Nostalgie du communisme », in L’Histoire n° 247, octobre 2000

Les choix de Vladimir Poutine

« Retour à l’hymne de Staline », article d’Henri Roth dans la Tribune de Genève du 9 décembre 2000.

« L’hymne national choisi par Staline en 1944 redeviendra celui de la Russie. C’est à une majorité soviétique que la Douma l’a décidé hier. L’air d’Alexandrov reprend la place de celui de Klinka choisi par Boris Eltsine en 1993.

Le concert de protestations des députés libéraux, de nombreux intellectuels et de l’ancien président Eltsine n’y a rien fait. A moins qu’il n’ait même provoqué une réaction de défiance de la part des communistes, des nationalistes et du parti de Vladimir Poutine l’Unité.

« Cette décision a fait tomber les masques et montre dans quelle direction le pays se dirige », s’est indigné le député Grigori Iavlinski. Son parti centriste Iabloko était le seul avec l’Union des forces de droite à voter contre le retour de l’hymne soviétique. « Pour la première fois dans l’histoire de la Douma, l’opposition n’a pas pu s’exprimer lors d’un débat politique majeur », a déclaré Grigori Iavlinski. Les opposants à l’hymne d’Alexandrov n’ont recueilli que 51 voix sur 381.

Société divisée

Trois cents voix étaient nécessaires pour ce changement constitutionnel. L’union des forces de droite a annoncé son intention de contester en justice la validité du vote, une démarche hasardeuse puisqu’elle nécessite le soutien de nonante députés. « Il n’est plus question pour moi de me lever lorsque retentira un hymne pareil », commente Alina, une enseignante de 30 ans qui montre avec tant d’autres que la décision préconisée lundi par le Président Poutine divise la société au lieu de l’unir.

Les communistes jubilent. Le chef du parti Guennadi Ziouganov a déclaré que « désormais, à 6 heures du matin, chaque citoyen va se réveiller au son de l’hymne soviétique. Cette musique grandiose va mobiliser les travailleurs pour la défense de leurs droits sociaux ». Les Russes ont tous encore en tête l’air solennel qui a si longtemps ouvert et clos les programmes de radios soviétiques.

D’autre part, le drapeau rouge redevient celui des armées. Les armoiries porteront le symbole tsariste de l’aigle à deux têtes regardant vers l’Orient et l’Occident. Quant au drapeau russe il ne change pas ses couleurs blanc-bleu-rouge. Les nouveaux symboles de l’Etat devraient entrer en vigueur le 1er janvier [2001]. »