La vision de l’Autre en Grèce
Ce dossier a été constitué pour un cours sur la vision de l’Autre, de l’étranger, dans les civilisations antiques donné en 2007-2008 par Christophe Rime (collège de Saussure, Genève).
Passages tirés :
Herodote, L’Enquête, livres I à IX.
A.
Livre I, préface.
« Hérodote d’Halicarnasse présente ici les résultats de son enquête, afin que le temps n’abolisse pas les travaux des hommes et que les grands exploits accomplis soit par les Grecs, soit par les Barbares , ne tombent pas dans l’oubli ; et il donne en particulier la raison du conflit qui mis ces deux peuples aux prises. »
B.
Livre II, 46,
« Dans ce nome [district de l’ancienne Egypte] un prodige eut lieu de mon temps : un bouc s’accouplait publiquement à une femme, le fait fut notoire. »
C.
Livre II, 121.
« Le roi [le pharaon d’Egypte] s’irrita fort quand il apprit la disparition du cadavre ; mais, décidé à tout faire pour découvrir l’auteur de ces stratagèmes, il prit, dit-on, le parti suivant que je me refuse à croire pour ma part : il envoya sa propre fille dans un lieu de débauche, avec ordre d’accueillir indifféremment tous ceux qui se présenteraient et de leur réclamer, avant de se livrer à eux, le récit de l’action la plus ingénieuse et la plus criminelle qu’ils eussent faite de leur vie ; si l’un d’eux lui racontait l’histoire du voleur, elle devait le saisir et ne pas le laisser échapper. »
D.
Livre I, 199.
« La plus honteuse des lois de Babylone est celle qui oblige toutes les femmes du pays à se rendre une fois dans leur vie au temple d’Aphrodite pour s’y livrer à un inconnu. Beaucoup d’entre elles, fières de leur richesse, refusent de se mêler aux autres femmes et se font conduire au temple dans des voitures couvertes où elles demeurent, avec de nombreux serviteurs autour d’elles. Mais en général cela se passe ainsi : les femmes sont assises dans l’enceinte sacrée d’Aphrodite, la tête ceinte d’une corde, toujours nombreuses car si les unes se retirent, il en vient d’autres. Des allées tracées en tous sens par des cordes tendues permettent aux visiteurs de circuler au milieu d’elles et de faire leur choix. La femme qui s’est assise en ce lieu ne peut retourner chez elle avant qu’un des passants n’ait jeté quelque argent sur ses genoux, pour avoir commerce avec elle en dehors du temple. (…) Qu’elle que soit la somme offerte, la femme ne refuse jamais : elle n’en a pas le droit et cet argent est sacré. Elle suit le premier qui lui jette de l’argent et ne peut repousser personne. (…) »
E.
Livre IV, 172.
« Après ces Auschises viennent, plus à l’ouest, les Nasamons, un peuple important. (…) Ils pratiquent la polygamie, mais les femmes sont communes à tous comme chez les Massagètes ; avant de s’unir à une femme, l’homme plante un bâton devant sa porte. Quand un Nasamon se marie pour la première fois, la coutume veut que pendant la première nuit tous les convives puissent jouir de la femme qu’il épouse ; et chacun d’eux doit lui remettre un cadeau qu’il apporte de chez lui. »
F.
Livre I, 203.
« Des peuples nombreux et divers habitent le Caucase, et la plupart vivent des fruits qu’ils trouvent dans les forêts sauvages. (…) Ces créatures, dit-on encore, s’accouplent publiquement, comme des bêtes. »
G.
Livre I, 118-119.
« A ces mots Harpage se prosterna devant le roi et s’en retourna chez lui, fort soulagé de voir l’heureux résultat de sa faute, et d’être invité à dîner au palais pour fêter cette faveur de la fortune. Il avait un fils unique d’environ treize ans ; de retour chez lui, il se hâta de l’envoyer au palais avec ordre d’aller trouver le roi et de lui obéir en tout ; et lui-même, tout joyeux, va raconter l’aventure à sa femme. Quand Astyage eut l’enfant près de lui, il le fit égorger et couper en morceaux, puis il fit rôtir ou bouillir les chairs pour en confectionner des plats appétissants qu’on tint prêts à être servis. A l’heure du dîner, les hôtes étaient tous là, Harpage parmi eux ; on plaça devant tous, ainsi que devant le roi, des tables chargées de viande mouton, mais l’on servit à Harpage le corps entier de son fil, sauf la tête, les mains et les pieds, mis à part dans une corbeille d’oser sous un voile. Lorsque Harpage sembla rassasié, Astyage lui demanda s’il avait apprécié le repas ; Harpage affirmat qu’il en était enchanté ; alors les serviteurs chargés de ce soin mirent devant lui la tête de son enfant, toujours dissimulé sous un voile et, debout à ses côtés, l’invitèrent à soulever le voile et à se servir à son gré. Harpage obéit, soulève l’étoffe, et voit les restes de son fils. Cependant il ne manifesta rien et sut se maîtriser. Astyage lui demanda s’il reconnaissait la bête dont il avait mangé la chair. Il répondit qu’il la reconnaissait et que le roi ne pouvait rien faire qui ne lui plût. Après cette réponse et prit ce qui restait des chairs et revint chez lui. »
H.
Livre IV, 102.
« Voici d’abord les coutumes des Taures. Ils sacrifient à la déesse Vierge tous les naufragés et tous les Grecs qu’ils ont capturés au large de leurs côtes. Voici comment ils procèdent : ils commencent le sacrifice, puis ils assomment la victime d’un coup de massue ; certains disent qu’ils jettent le corps du haut de l’escarpement [leur temple est bâti sur un roc escarpé], et gardent la tête fixée sur un pieu ; d’autres sont du même avis sur le sort réservé à la tête, mais affirment que le corps est enseveli, et non pas jeté du haut du rocher. (…) Les ennemis qui tombent entre leurs mains sont ainsi traités : chacun coupe la tête de son prisonnier et l’emporte chez lui ; ensuite il la fixe au bout d’une longue perche et la dresse très haut au-dessus de son toit, en général au-dessus du trou par où sort la fumée ; ce sont, disent-ils, leurs gardiens, postés au-dessus de leurs maisons. Ce peuple vit du brigandage et de la guerre. »
I.
Livre VIII, 116.
« Dans le même pays un Thrace, le roi des Bisaltes et de la Crestonie, commit une action bien atroce. Lui-même avait déclaré qu’il n’accepterait jamais d’être l’esclave de Xersès et il s’était retiré sur le mont Rhodope ; d’autre part, il avait interdit à ses fils de prendre les armes contre la Grèce. Or ceux-ci n’avaient pas tenu compte de ses ordres ou peut-être l’envie les avait-elle pris de voir cette guerre, et ils s’étaient joints à l’expédition de Xersès. Quand ils en revinrent sains et saufs tous les six, leur père leur fit crever les yeux, pour cette seule raison. »
J.
Livre V, 25.
« (…) Le père d’Otanès, Sisamnès, avait été l’un des Juges Royaux sous Cambyse, et parce qu’il avait rendu pour de l’argent une sentence injuste, le roi l’avait fait exécuter, puis écorcher entièrement et, de sa peau découpée en lanières, il avait fait tendre le siège sur lequel Sisamnès de son vivant prenait place pour rendre la justice ; après quoi, Cambyse avait nommé, pour remplacer le coupable occis et écorché sur son ordre, le propre fils de Sisamnès, en lui conseillant d’avoir toujours en mémoire le siège sur lequel il rendait la justice. »
K.
Livre IV, 84-5.
« Un Perse, Oiobaze, vint à ce moment trouver Darius ; il avait trois fils qui partaient tous les trois avec l’armée, et il pria le roi de lui en laisser un. A l’ami qui lui présentait cette modeste requête, répliqua Darius, il laisserait ses trois enfants ; et Oiobaze au comble de la joie voyait déjà ses fils dispensés de la campagne, mais Darius les fit tuer tous les trois par ses exécuteurs. (…) Voilà comment les jeunes gens, égorgés, furent laissés à leur père. »
L.
Livre IX, 78-9.
« A Platée dans le camp des Eginètes se trouvait Lampon fils de Pythéas, l’un des premiers personnages d’Egine, qui tint à Pausanias le langage le plus révoltant ; il vint en hâte le trouver et lui dit : « (…) tu viens d’accomplir un exploit d’une grandeur, d’une splendeur prodigieuses ; le ciel t’a donné de sauver la Grèce et d’obtenir ainsi plus de gloire qu’aucun Grec à notre connaissance. Va maintenant jusqu’au bout de ton ouvrage, pour que ton nom soit encore plus grand, et pour que le Barbare à l’avenir s’abstienne de tout acte présomptueux envers les Grecs. Quand aux Thermopyles Léonidas a succombé, Mardonios et Xersès ont fait clouer à un poteau sa tête coupée ; traite-les de même, et tu obtiendras les éloges de tous les Spartiates d’abord et du reste de la Grèce ensuite. Fais empaler Mardonios, et tu auras vengé ton oncle, Léonidas.(…)
L’autre lui répondit : « Etranger d’Egine, j’apprécie ta sollicitude et ta prévoyance, toutefois ton idée n’est pas heureuse : après avoir tant exalté ma personne, mon pays et mes actions, tu m’as rejeté plus bas que terre, toi qui me proposes d’outrager un mort et qui prétends que, si je t’écoute, mon nom en sera plus glorieux ; cet acte convient à des Barbares plus qu’à des Grecs, et chez les Barbares même nous le blâmons (…) »
M.
Livre II, 158.
« (…) Les Egyptiens traitent de Barbares tous les peuples qui ne parlent pas leur langue. »
N.
Livre I, 134.
« Parmi les autres peuples, ils estiment d’abord, après eux-mêmes toutefois, leurs voisins immédiats, puis les voisins de ceux-là, et ainsi de suite selon la distance qui les en sépare ; les peuples situés le plus loin de chez eux sont à leurs yeux les moins estimables. (…) Les nations les plus éloignées leur paraissent les plus viles. »
O.
Livre VII, 33.
(…) Un peu plus tard, en cet endroit, des Athéniens sous les ordres de Xanthippe fils d’Ariphron s’emparèrent d’Artayctès, le gouverneur perse de Sestos, et le clouèrent vivant à un poteau. « »
P.
Livre IX, 120.
« On emmena le Perse au bord de la mer, (…) et là il fut cloué sur des ais que l’on planta en terre ; et son fils fut lapidé devant ses yeux. »
Q.
Livre I, 131
« Les Perses ont, je le sais, les coutumes suivantes : ils n’élèvent aux dieux ni statues, ni temples, ni autels, et traitent d’insensés ceux qui leur en élèvent ; c’est, je pense, qu’ils n’ont jamais attribué de forme humaine à leurs dieux, comme le font les Grecs (…). »
R.
Livre V, 92
« Il avait envoyé [Périandre] des messagers sur les bords de l’Achéron, chez les Thesprotes, au lieu où l’on évoque les morts afin de la consulter (…) »
S.
Livre VIII, 47
« Les peuples qui habitent en deça des Thesprotes et du fleuve Achéron participaient tous à l’expédition. Les Thesprotes habitent aux frontières des Ambracites et des Leucadiens, les alliés venus des régions les plus lointaines. »
T.
Thucydide, Guerre du Péloponnèse, II, 68, 5
« Les habitants d’Argos d’Amphilochie adoptèrent la langue grecque, (…) qu’ils empruntèrent aux Ambraciotes (…) les autres habitants de l’Amphiloquie, eux, sont des barbares. »
U.
Thucydide, Guerre du Péloponnèse, II, 80, 5
« Comme Grecs, il avait avec lui les gens d’Ambracie, d’Anactorion et de Leucade (…) il y avait aussi comme barbares (…) »
La vision de l’Autre à Rome
La vision de l’Autre en Egypte
La vision de l’Autre en Perse