Du côté des historiens, la réflexion sur l’espace, bien qu’elle demeure un courant marginal au sein de la discipline, a connu des développements importants dans la période récente, au point qu’on puisse parler de nouvelle captation de la géographie par l’histoire.

S’interrogeant sur la valeur heuristique de la cartographie historique pour leur discipline, certains ont renoué avec un domaine oublié depuis Longnon (1907), Brette (1904), ou Mirot (1948) : la collection des Atlas de la Révolution françaises’inscrit (1987) … ; voir aussi Arbellot, Goubert et al., 1986). Plusieurs géographies historiques ont vu le jour (Braudel, 1986 ; Burguière et Revel, 1989). Dans des domaines plus spécifiques, des travaux directement inspirés de la problématique géographique et surtout de la pensée des organisations et des modèles spatiaux ont été entrepris : recherches sur les communications (Arbellot, 1973; Lepetit, 1984), sur les limites et les frontières (Nordman, 1986, 1989), sur les circonscriptions territoriales et les découpages de l’espace (Ozouf-Marignier, 1989), et sur les systèmes urbains (Lepetit, 1988).

Pour les historiens, l’espace n’est pas seulement le moyen de diversifier les centres d’intérêt et de trouver de nouveaux objets. Il ouvre la voie, comme naguère, à une réflexion théorique sur la discipline. Pour Higounet, qui reprend l’affirmation de Sorre selon laquelle l’histoire est une succession de géographies, l’histoire géographique renouvelle par ses méthodes (pratique du terrain, de la cartographie) et ses débats (déterminisme, croisement de la diachronie et de la synchronie) l’histoire totale (1961, 1968). B. Lepetit, au terme d’une mise à l’épreuve des modèles spatiaux de l’(analyse urbaine, affirme que “l’histoire de l’espace oblige à rompre avec les cloisonnements habituels et à ne pas réduire la visée totalisatrice de l’histoire à une simple addition ; économie, société, civilisation : tout le sens est dans les modalités de leurs relations” (1990).

M.-V. OZOUF-MARIGNIER “Géographie et histoire”, in A. Bailly/R. Ferras/D. Pumain, Encyclopédie de géographie, Paris, Economica, 1992, p. 105-106