Maurice Barrès en 1923 —–>

 » La mise en liberté du traître Dreyfus serait après tout un fait minime, mais si Dreyfus est plus qu’un traître, s’il est un symbole, c’est une autre affaire : c’est l’affaire Dreyfus ! Halte-là ! Le triomphe du camp qui soutient Dreyfus-symbole installerait décidément au pouvoir les hommes qui poursuivent la transformation de la France selon leur esprit propre. Et moi je veux conserver la France.

C’est tout le nationalisme, cette opposition. Vous songez et vous prétendez nous plier sur vos songeries. Nous constatons les conditions qui peuvent seules maintenir la France et nous les acceptons.

En vérité, je m’inquiète bien de savoir ce que valent dans un cabinet clos vos « généreuses » préférences !

In abstracto, on peut soutenir cette thèse-ci et cette thèse-là, on peut, selon le coeur qu’on a, apprécier ou déprécier l’armée, la juridiction militaire, les luttes de race. Mais il ne s’agit pas de votre coeur; il s’agit de la France et ces questions doivent être traitées par rapport à l’intérêt de la France.

Il ne faut pas supprimer l’armée, parce qu’une milice ne suffirait point, je vous prie de le croire, en Lorraine.

Il ne faut point supprimer la juridiction militaire parce que certaines fautes insignifiantes chez le civil deviennent par leurs conséquences très graves chez le militaire.

Il ne faut point se plaindre du mouvement antisémite dans l’instant où l’on constate la puissance énorme de la nationalité juive qui menace de « chambardement » l’État français.

C’est ce que n’entendront jamais, je le crois bien, les théoriciens de l’Université. Ils répètent (…) : « je dois toujours agir de telle sorte que je puisse vouloir que mon action serve de règle universelle ». Nullement, messieurs, laissez ces grands mots de toujours et d’universelle et puisque vous êtes Français, préoccupez-vous d’agir selon l’intérêt français à cette date.  »

Source : « L’état de la question », Le journal, 4 octobre 1898.