Ordonnance royale contre les blasphémateurs (1397)


Le Blasphémateur lapidé, Gérard Hoet et Abraham de Blois, Figures de la Bible, P. de Hondt éditeur, La Haye, 1728.

Cette ordonnance royale, donnée par le roi Charles VI (1368-1422), décrit les peines encourues par ceux qui blasphèment contre Dieu, la vierge Marie, ainsi que contre les saints et saintes de la religion catholique:

Charles, par la grâce de Dieu Roy de France, à tous ceulx qui ces présentes verront, Salut. Il est venu à nostre connoissance que combien que par nos prédécesseurs Roys de France, ou par aucun d’eux, ait ja puisça esté ordonné que tous ceux qui nostre et leur créateur et ses oeuvres diroient paroles, injures et blasphème de luy, de la glorieuse vierge Marie, sa benoite mère, et de ses saintz et sainctes, et qui jureroient ou fairoient le vilain serment, fussent mis pour la première fois qu’illeur adviendroit, au pilery où ils demeurassent des heure de prime jusques à heure de none, et que l’on leur pût jetter aux yeux boue ou autres ordures, fors pierres ou choses qui les pussent blesser, et après ce demeurassent un mois entier en prison au pain et à l’eau; à la seconde fois, si par aventure il leur advenoit que à eux mis au pilory à jour de marché ou solemnel, l’on fendit la lèvre dessus à un fer chaud par manière que leur dents leur parussent; et à la tierce fois la lèvre dessous; et à la quarte fois tout le vanlèvre; et si par male eschéance, il leur advenoit la quinte fois, l’on leur coupat la langue tout outre, si que deslors en avant ils ne pussent procéder à telles choses dire;

Et en outre, que si aucuns ouyent dire ces mauvaises paroles et ils ne le venoient annoncer incontinant à justice, que l’on pût lever et prendre de et sur eux amende jusques à la somme de soixante livres, et s’ils ne la pouvoient payer pécuniairement, qu’ils demeurassent en prison au pain et à l’eau jusques à tant que en ladite prison, ilz eussent souffert pénitence équipollant à ladite amende; néantmoins, nonobstant ce, plusieurs de nostre royaume et d’autres conversans et habitans en icelluy, non ayans Dieu devant leurs yeux, mais de leur salut peu curans ou non mémoratifz, dient les paroles et blasphèmes dessus couchez et autres, despitent, renient, maugrées et font plusieurs grands et abominables sermens en grand irrévérence de Dieu, de la benoite vierge Marie, et des saintz et saintes, en grand péril de leur salut et d’encourir le damnement de leurs ames, lesquelles choses sont et doivent estre à Nous et à tous bons et vrays catholicques très desplaisans et détestables, et pourtant, Nous, désirans de tout nostre coeur y estre pourveu et à nostre pouvoir les faire cesser, voulons, constituons et ordonnons, par la teneur de ces présentes et par meure délibération, que l’ordonnance cy-dessus exprimée soit dores en avant par tout nostredit royaume tenue, gardée, entretenue et accomplie vigoureusement et sans déport, de point en point, et par la forme et manière que dessus est déclairé; et aussy que tous ceux qui, désormais, dépiteront, renieront, maugréeront nostre Seigneur, sa très digne mère et les saintz et saintes devant ditz, autrement que dessus est couché, ou d’eux ou d’aucuns d’iceux fairont sérementz indeubz et non loisibles, autres que le vilain sérement dessus exprimé, soient corrigez et punis par détention de leurs personnes en prison, fermée par tel et si long espace de temps comme les juges en quelle jurisdiction ce adviendra, decerneront et verront estre expédient et à faire, selon l’exigence du cas et laqualité des personnes, et que a ces peines et punition soient tous ceulx à qui ce touchera et pourra toucher, contraintz vigoureusement et sans déport, par toutes voyes et manières expédiens et convenables, et le contenu en ces présentes exécuté et accompli si bien et si diligemment qu’il n’y puisse intervenir delay ou défaut si donnons en mandement à nos amez et féaux les gens tenant nostre présent parlement à Paris et qui tiendront ceux avenir, au prévost de Paris, au sénéchal de Thoulouse et à tous nos autres justiciers ou à leurs lieutenans qui sont à présent et seront pour le temps, et à chacun d’eulx, que notre présente constitution et ordonnance tiennent, gardent, entretiennent et accomplissent, et fassent tenir, garder, entériner et accomplir, de point en point, sans enfraindre et toutes faveurs et déportz cessans, en la mettant et faisant mettre si dilligemment et convenablement à exécution, afin que en leur coulpe ou négligence n’y ait dilation ou faute, car nous nous en prendrons à eux, et afin que par tout nostredit royaume ce soit notoire et aucun n’en puisse prétendre ignorance, fassent nostre présente constitution et ordonnance, crier et publier solemnellement par tous les lieux et places où l’on accoustumé faire publications et cris. En tesmoins de ce, Nous avons fait mettre nostre seel à ces présentes.

Donné à Paris le VIIe jour deMay, l’an de grâce Mil trois cens quatre vingtz dix sept, et de nostre règne le XVIIe.

Par le Roy à la relation de son grand conseil ou Mesires les ducz de Bourgonhe, d’Orléans et de Bourbonnois, vous et plusieurs autres estiez. J. Manhac.

Source : Archives Départementales de l’Hérault, A 1, folios 226 r° à 227 r°.