I. Présentation d’un camisard par lui-même
« 1701 – Jean Gaubert d’Arphy, paroisse d’Aulas, commença à prêcher et continua pendant trois ans. Il a ensuite resté 17 ans sans plus prêcher ou à Genève ou en prison. II a après recommencé à prêcher, à la sollicitation de M. Corteiz qui l’obligea de revenir de Genève, dont il subsiste encore par la Grâce de Dieu, cette année 1727, après avoir vu bien des choses, passé par beaucoup de périls et de dangers…»
II. Vie d’une communauté réformée après la révocation
« […] L’an 1698, à Vébron – Le détachement alors était tous les soirs et les jours presque en campagne et d’une maison à l’autre on les fouillait pour voir si on avait des armes, des livres. Si on en trouvait on condamnait ou aux galères ou à l’amende. Ils cherchaient les pots aussi pour voir si on y avait cuit de la viande les jours maigres et le carême et on faisait payer l’amende s’ils en trouvaient. On faisait venir le monde à la messe, par amende, par garnison de soldats ou à coups de bâton. On comptait le monde (et on les appelait un par un par leur nom) à la porte comme des brebis et celui qui manquait était châtié. On forçait petits et grands à confesser, à communier et on donnait des billets à ceux qui avaient fait leur devoir comme on appelait. On condamnait â l’amende pour avoir chanté les psaumes et celui qui n’avait pas de billets payait l’amende ou était obligé à le faire, quelques-uns achetaient des billets d’un autre ou en volait pour ne pas le faire, d’autres crachaient l’hostie à la bouche ».
III. Les responsables de la guerre
« On attribue tous les malheurs à tout le corps des Camisards, mais il faut remarquer qu’il y avait trois sortes de Camisards.
Les uns l’étaient sans connaissance de cause et par un zèle inconsidéré et par pure ignorance de la foi de Dieu. Il ne fallait qu’être papiste et tomber entre leurs mains; ils ne faisaient point de quartier sur-tout aux ecclésiastiques, aux gens des lieux suspects, à ceux qu’ils soupçonnaient avoir fait ou qu’ils fasaient dans la suite quelque tort à la religion réformée, aux soldats qu’ils trouvaient écartés ou qui désertaient et y étant même poussés à le faire, par ces prétendus inspirés. Entre ceux-ci il y avait aussi de plus cruels les uns que les autres comme cela arrive dans les rébellions et dans les troupes, ils étaient aussi persuadés que Dieu le voulait ainsi qu’ils tuassent ces ennemis et ceux de religion et ils se confirmaient dans ce dessein par quelques passages de l’Écriture qu’ils interprétaient fort mal et en leur faveur.
Les seconds étaient plus modérés, avaient plus de savoir-vivre, ils n’en voulaient qu’aux méchants, aux VendeursDélateurs qui livraient les assemblées protestantes secrètes dites «des déserts». aux persécuteurs et aux troupes qui les poursuivaient et ils ne faisaient aucune insulte aux bons papistes ni aux bons ecclésiastiques au contraire ils mangeaient et buvaient avec eux.
Les troisièmes n’étaient pas à proprement des Camisards, c’était des fainéants qui allaient voler, piller à droite et à gauche et se trouvaient chez eux même plusieurs papistes. Faisaient ainsi d’autres qui avaient un ennemi, allaient le tuer, ou battre ou piller sa maison, ses biens ou les brûler et tout cela était imputé aux Camisards.
Enfin cette guerre de Camisards doit être attribuée uniquement aux seuls ecclésiastiques romains qui par leurs dures cruautés et sévères persécutions portèrent le monde au désespoir, qui sous le mot de conversion et instructions ne faisaient que piller ce pays et enrichir les couvents et les évêques; ce qui prouve ceci est que le pauvre a aussi bien besoin d’instruction comme le riche mais il n’y avait point pour lui, on ne mettait au couvent que ceux qui pouvaient payer 4 à 5 écus par mois et l’évêque ou l’abbé ou le prieur en tirait la moitié. Le monde n’en pouvait plus, les trois quarts des biens sont aujourd’hui des ecclésiastiques. »
«Mémoire de Jean Gaubert», dans Journaux camisards (1700-1715), texte établis et présentés par Philippe Joutard, Union générale d’édition, collection « 10-18 », 1965, p. 109-111.