« Si la France s’était donné, comme l’Allemagne, 65 millions d’habitants, les méridionaux ne seraient pas, comme ils sont, embarrassés de leurs vins ; il y aurait 25 millions de gosiers de plus pour les absorber. Les fabricants de vêtements auraient 25 millions de clients de plus à équiper; les entrepreneurs de bâtiments (quand le bâtiment va, tout va !) auraient à bâtir pour les loger cinquante villes telles que Lyon ou Marseille, etc…Le terme «etc.» était alors fréquemment noté «etc…». Non, certes le travail ne manquerait pas ni les ouvriers non plus. L’agriculture cesserait de « manquer de bras ». Non seulement la main d’œuvre ne serait pas moins recherchée, mais elle serait mieux payée parce que le pays serait plus riche. Les parents d’un enfant unique ne sont pas obligés d’être aussi laborieux que ceux qui ont plusieurs enfants. Le besoin ne les y oblige pas. Ainsi, ils nuisent à la patrie doublement; on ne contribuant pas suffisamment à sa perpétuité et, en outre, en ne produisant pas tout ce qu’ils peuvent produire. Il convient d’ailleurs de ne pas exagérer la portée de cette remarque et de reconnaître que la masse des Français sont restés laborieux malgré l’abaissement de la natalité. Dans le même ordre d’idées, on doit remarquer que les fauteurs de grèves ont généralement très peu d’enfants et, en tout cas, c’est auprès des familles restreintes que leurs efforts ont surtout chance de réussir. Ils le savent et l’ont dit souvent C’est même un des motifs qui leur font ouvrir l’oreille à la propagande néo-malthusiennes.»
Jacques Bertillon, La dépopulation de la France : ses conséquences, ses causes, mesures à prendre pour la combattre, Paris, F. Alcan, 1911, p. 23-25.