Sous l’Ancien Régime et jusqu’en 1629, les ordonnances sont dites « de réformation ». Elles sont en premier lieu destinées à délimiter les compétences des grands organes de l’État et de l’administration, tout en restreignant les abus dans les domaines les plus variés. À partir du XVIIIème siècle, les ordonnances ont plutôt pour but de régler un problème particulier. Une fois rédigée, l’ordonnance se voit apposer le grand sceau royal par le chancelier. Elle est assortie d’une formulation finale,  « car tel est notre bon plaisir « ,  restée à tort comme la marque de l’absolutisme. Apparue sous François 1er, elle ne signifie pas que le roi satisfait l’un de ses caprices, mais ordonne ce qu’il juge convenable pour le bien public.

En avril 1757, Louis XV signe ainsi une ordonnance réprimant les écrits critiquant la religion (catholique), et donc l’autorité du roi, en garantissant la peine de mort aux coupables. Ce n’est cependant pas la première ordonnance prise à ce sujet  par la Monarchie, car  avant lui, Louis XIV en signa une assez similaire le 30 juillet 1666, la torture s’ajoutant  à la mise à mort, tandis que la délation était  encouragée.

Les deux textes sont proposés pour comparaison dans les peines encourues pour blasphème.


Louis XIV signe l’ordonnance du 30 juillet 1666

Louis, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre, Salut. Considérant qu’il n’y a rien qui puisse arrêter davantage la bénédiction du Ciel sur notre personne et sur notre Etat, que de garder et faire garder les saints commandements inviolablement, et faire punir avec sévérité ceux qui s’emportent avec cet excès de mépris, que de jurer et détester son saint nom  […]

Défendons très expressément à tous nos sujets de quelque qualité et condition qu’ils soient, de blasphémer, jurer et détester le saint nom de Dieu, ni proférer aucunes paroles contre l’honneur de la très Sacrée Vierge, sa mère, et les saints.

Voulons et nous plaît que tous ceux qui se trouveront convaincus d’avoir juré et blasphémé le nom de Dieu, de sa très sainte mère et des saints, soient condamnés pour la première fois en une amende pécuniaire selon leurs biens, la grandeur et l’énormité du serment et blasphème, les deux tiers de l’amende applicables aux hôpitaux des lieux et, où il n’y en aura, à l’église, et l’autre tiers aux dénonciateurs, et si ceux qui auront ainsi été punis retombent à faire les dits serments seront pour la seconde, tierce et quatrième fois condamnés en amende double, triple et quadruple, et pour la cinquième fois seront mis au carcan aux jours de fête, de dimanche ou autre et y demeureront depuis huit heures du matin jusques à une heure d’après-midi, sujets à toutes injures et opprobres et en outre condamnés à une grosse amende; et, pour la sixième fois, seront menés et conduits au pilori, et là auront la lèvre de dessus coupée d’un fer chaud et, la septième fois, seront menés au pilori et auront la lèvre de dessous coupée; et si par obstination et mauvaise coutume invétérée ils continuaient après toutes ces peines à proférer les dits jurements et blasphèmes, voulons et ordonnons qu’ils aient la langue coupée toute juste, afin qu’à l’avenir ils ne le puissent plus proférer; et en cas que ceux qui se trouveraient convaincus n’aient de quoi payer les dites amendes, ils tiendront prison pendant un mois au pain et à l’eau ou plus longtemps ainsi que les juges le trouveront plus à propos selon la qualité et énormité des dits blasphèmes; et afin que l’on puisse avoir connaissance de ceux qui retomberont aux dits blasphèmes, sera fait un registre particulier de ceux qui auront été repris et condamnés.

Voulons que tous ceux qui auront ouï les dits blasphèmes aient à les révéler aux juges des lieux dans les vingt-quatre heures en suivant, à peine de soixante sols parisis d’amende et plus grande s’il y échoit.

Déclarons néanmoins que nous n’entendons comprendre les énormes blasphèmes, qui selon la théologie appartiennent au genre d’infidélité et dérogent à la bonté et grandeur de Dieu et de ses autres attributs; voulons que les dits crimes soient punis de plus grande peine que celles que dessus, à l’arbitrage des juges selon leur énormité. […]

Louis XIV Déclaration du roi contre les jureurs et blasphémateurs du saint nom de Dieu, de la Vierge et des saints, 30 juillet 1666

Extrait de Me Guy du Rousseaud de la Combe, avocat au Parlement,Traité des matières criminelles,

Paris, 1783, Librairies associées avec approbation et privilège du Roi, 7ème édition, page 59


Louis XV signe l’ordonnance du 16 avril 1657

Louis, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre : à tout ceux qui ces présentes lettres verront, Salut. L’attention continuelle que Nous devons apporter à maintenir l’ordre et la tranquillité publique, et à réprimer tout ce qui peut la troubler, ne nous permet pas de souffrir la licence effrénée des écrits qui se répandent dans notre royaume, et qui tendent à attaquer la religion, à émouvoir les esprits, et à donner atteinte à notre autorité ; les Rois nos prédécesseurs ont opposé en différents temps la sévérité des Lois à un pareil mal, ils ont même été jusqu’à la peine de mort pour contenir par la crainte la plus propre à en imposer ceux qui seraient capables de se porter à des excès si dangereux ; animés du même esprit, Nous croyons devoir renouveler cette même peine contre tous ceux qui auront eu part à la composition, à l’impression et distribution de ces Ecrits ; celle des galères contre tous ceux qui auront eu part à la composition, impression et distribution de tous autres Ecrits de quelque nature qu’ils soient, sans avoir observé les formalités prescrites par nos ordonnances […]

Article premier

Tous ceux qui seront convaincus d’avoir composé, fait composer et imprimer des Ecrits tendant à attaquer la Religion, à émouvoir les esprits, à donner atteint à notre autorité, et à troubler l’ordre et la tranquillité de nos Etats, seront punis de mort.

II

Tous ceux qui auront imprimé lesdits ouvrages, les libraires, colporteurs, et autres personnes qui les auront répandus dans le public seront pareillement punis de mort. […]

IV

Les ordonnances, édits et déclarations faits, tant par nous que par les Rois nos prédécesseurs, sur le fait de l’imprimerie et de la librairie, seront exécutés ; en conséquence, défendons à toute personne de quelqu’état, qualité et condition qu’elles soient, à toute communauté, maisons ecclésiastiques ou laïques, séculière régulière, même aux personnes demeurantes dans les lieux privilégiés, de souffrir en leur maison, dans les villes ou dans les campagnes, des imprimeries privées et clandestines, soit avec presse, rouleaux ou autrement, sous quelque dénomination que ce soit. […]

CAR TEL EST NOTRE PLAISIR. En témoin de quoi nous avons fait mettre notre sceau assez dite présentes. Donné à Versailles, l’an de grâce mil sept cent cinquante-sept, et de notre règne le 42e. Signé Louis.

Louis XV Déclaration… portant défense à toutes personnes, de quelqu’ état et condition qu’elles soient, de composer ni faire composer, imprimer et distribuer aucuns écrits contre la règle des ordonnances, sous les peines mentionnées, Paris, imprimerie royale, 1757, 4 pages.

Note : l’écriture a été en partie modernisée.