Ces deux documents sont issus des archives de Paris. Ils témoignent, dans le froid langage de l’administration, de la violence extrême et de l’hécatombe provoquées dans le camp des Communards par l’armée versaillaise pour mettre fin à la Commune de Paris, dont les morts lors de la Semaine sanglante se comptent par milliers.
Le document 2 est un décompte des communards tués entre le 21 et le 28 mai 1871 qui furent ensuite inhumés dans les arrondissements parisiens, allant du 12ème au 20ème. Ce décompte fut effectué par l’ingénieur en chef du service de la voie publique de Paris, ce qui signifie qu’il s’agit essentiellement des Communards morts au combat ou abattus et dont les cadavres gisaient dans les rues de Paris ou dans les cours. Le chiffre précis de 5517 morts ne concerne cependant que la moitié des arrondissements et ne prend pas en compte les morts qui ont été inhumés hors de Paris intra muros. Mais il donne néanmoins un ordre de grandeur intéressant sur l’ampleur des massacres.
Ces morts de la Commune ont été inhumés dans l’urgence, afin d’effacer le plus vite possible les stigmates de la guerre civile dans la capitale ; mais aussi et surtout pour des raisons d’hygiène publique, afin d’éviter les épidémies.
Ceux qui n’ont pas été enterrés dans les cimetières l’ont été en d’autres lieux et c’est ce que suggère le document 1. La lettre du préfet de police évoque l’inhumation de 700 à 800 insurgés de la Commune enterrés dans une ancienne carrière à l’est de Paris : les anciennes carrières d’Amérique d’où jadis on extrayait le gypse servant à fabriquer le plâtre. En 1871, les carrières d’Amérique servirent de fosse commune creusée à la hâte et, semble-t-il, à une profondeur insuffisante.
Et voilà que, par une cruelle ironie de l’Histoire, les morts, que les vainqueurs cherchaient à faire disparaître au plus vite, réapparurent quelques mois plus tard à la surface de la terre…
Document 1 : lettre du préfet de Police de Paris adressée au préfet de la Seine
Préfecture de police Paris le 18 janvier 1872
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7, Boulevard du Palais
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Secrétariat particulier
Monsieur et cher collègue,
j’ai l’honneur de vous informer qu’un tassement assez considérable vient de se produire dans l’excavation des Carrières d’Amérique où 7 à 800 insurgés ont été inhumés, lors des événements de la Commune. Par suite de ce tassement un cadavre serait en ce moment à moitié découvert et on apercevrait déjà les vêtements de plusieurs autres.
Je m’empresse, Monsieur et cher Collègue, de vous faire connaître que je viens de prescrire d’urgence au commissaire de police de prendre de promptes mesures dans l’intérêt de l’ordre et de l’hygiène publics. Ces mesures pouvant être insuffisantes dans l’avenir, il appartient à votre administration de remédier au fâcheux état des choses que je viens de vous signaler.
Agréez, Monsieur et cher collègue, l’assurance de ma haute considération.
Le préfet de police
Léon Renault
Document 2 : un décompte des inhumations à la suite de la Semaine sanglante
PONTS ET CHAUSSÉES
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DIRECTION DE LA VOIE PUBLIQUE ET DES PROMENADES
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Service de la voie publique
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2ème division
Rapport de l’ingénieur en chef
Renseignements sur les inhumations à la suite des journées du 21 au 28 mai 1871
11ème arrondissement » » Il n’y a pas eu d’inhumations dans le 11ème arrondissement tout ayant été transporté au père Lachaise. Les inhumations sont comprises dans le 20ème arrondissement.
12ème » » 600
13ème » » 404
14ème » » 1623
15ème » » 171
16ème » » 535
17ème » » 38
18ème » » 787
19ème » » 385
20ème » » 974
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Total 5517
Paris le 8 juin 1871
L’ingénieur en chef
La fin de La Commune de Paris : un bulletin de victoire d’ A. Thiers
