Le mot « melon » est utilisé dans une acception raciste dans l’Algérie coloniale pour désigner l’indigène arabe ou berbère. Il passe ensuite dans le vocabulaire raciste utilisé dans la métropole, en particulier dans le Sud-Est de la France. On se souvient d’ailleurs d’un  discours politique prononcé en 2015 dans le Vaucluse. Il était question de terre fertile, de fraises, de cerises et de vignes quand le discours avait été interrompu par un spectateur ajoutant « et le melon !». L’ajout avait été aussitôt repris à la tribune par une personnalité jouant ou pas de l’ambigüité entre l’ignorance possible de la signification du terme et la connivence que son usage établissait avec une salle dont les rires en disaient long. En 1959, alors que beaucoup croient encore à l’Algérie française, le motocycliste Georges Monneret participe à une expédition vers le puits de pétrole d’Hassi Messaoud. Un participant rapporte dans le périodique Santé publique des 15-31 mai 1959 les agissements d’un nommé Bobinet. Dans son récit de la mort d’un homme, la distance établie par l’auteur témoigne du regard porté en 1959 sur celui que le métropolitain appelle alors le « Nord-Africain ». Le fait que le récit puisse être ainsi publié constitue également une information. Franz Fanon écrit quelques mois plus tard dans les Damnés de la terre (Maspero, 1961, p. 69) : « La ville du colonisé, ou du moins la ville indigène, le village nègre, la médina, la réserve est un lieu mal famé, peuplé d’hommes mal famés. On y naît n’importe où, n’importe comment. On y meurt n’importe où, de n’importe quoi ».

 DC.


« Bobinet », le mécano qui accompagne notre caravane, est originaire de la Rochelle, marié et établi en Algérie depuis dix ans. Il est chef mécanicien dans un grand garage algérois.

Autoritaire. Capacité professionnelle ne dépassant pas la panne d’essence. Forte tendance à l’éthylisme.

La curieuse passion de notre petit bonhomme, le long du parcours, est de diriger sa voiture sur des groupes d’Arabes qui nous regardent passer et de les voir s’éparpiller comme des moineaux affolés.

Ce qui devait arriver arriva… A Djelfa, un vieux musulman fit les frais de la fête. Touché de plein fouet par la voiture qui roulait à plus de 120 km.-h (26 m de traces de freinage), notre Bobinet envoya l’Arabe chez Allah.

Oraison funèbre de Bobinet en débarquant à Alger.

Devant mon ignorance de l’argot du terroir, il m’explique d’un ton enjoué :

– Un melon, c’est un Arabe chez nous. L’imbécile (il use d’un terme plus court) ne s’est pas reculé à temps. Il a pris la bagnole en pleine poire. Et ma carrosserie est abîmée…

Santé publique, 15-31 mai 1959.