« Ah, sans doute, je ne suis pas un barbare, et je sens tout aussi vivement que le plus chatouilleux des intellectuels, ce qu’il y a de révoltant dans une condamnation sans preuves suffisantes. Je suis de ceux qui estiment qu’il est moins dangereux pour la société de laisser échapper dix coupables que de frapper indûment un seul innocent. Mais je n’en ai pas moins horreur des procédés employés, de l’agitation antipatriotique entretenue à prix d’or, au moyen d’une presse archi-vénale, à l’aide des subventions de l’étranger, au risque de frapper notre pays d’impuissance et de faire déchoir la France de son rang. S’il s’était agi d’un humble, d’un pauvre diable, et non d’un capitaine allié à toute une tribu riche et puissante, on n’eût pas dépensé ni tant d’activité malfaisante ni tant d’or. […]
Malgré mon sentiment bien net à l’endroit de la campagne révisionniste et de ses meneurs, je ne pouvais méconnaître que des fautes et des fautes graves avaient été commises avant, pendant, et surtout après le procès de 1894, par un petit nombre d’officiers généraux et supérieurs, entraînés à l’origine, je n’en ai jamais douté, par les plus honorables intentions».

Camille Krantz, juillet 1899

Source : AN, 587 AP 4, dossier 8, note sur la chute du cabinet Dupuy, juillet 1899, fol. 7-10.
Cité dans Bertrand Joly, Histoire politique de l’affaire Dreyfus, Paris, Fayard, 2014, 783 p.

 

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