Le 1er mars 2022, en représailles à l’invasion de l’Ukraine par les troupes de la Fédération de Russie, les 27 se sont accordés pour bannir RT (Russia Today créé en 2005) et Sputnik (créé en 2014) de l’espace européen car ils sont  considérés (à juste titre) comme des organes officiels de la  propagande du Kremlin. Ils ont été rapidement suivis par Facebook, Tik-Tok et Microsoft.

La défiance vis-à-vis des médias russes officiels n’est pas neuve. En effet, l’organisation de ces derniers en Russie ne garantit aucune liberté d’expression ou d’esprit critique, notamment à l’égard du pouvoir en place, comme en témoignent les campagnes de diffamation, les arrestations et les assassinats de journalistes critiques (Anna Stepanovna Politkovskaïa en 2006 à Moscou). Les médias russes font l’objet d’une surveillance officielle assurée par l’organisme russe de surveillance des médias : Roskomnadzor (Service fédéral de supervision des communications, des technologies de l’information et des médias de masse en français).

Les extraits choisis annonçant l’interdiction de ces médias proviennent du Journal officiel de l’Union européenne, publié le 2 mars 2022.


[…]

(3) Le 1er mars 2022, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2022/351 modifiant la décision 2014/512/PESC et imposant de nouvelles mesures restrictives à l’encontre des médias russes menant des actions de propagande.

(4) Dans ses conclusions du 24 février 2022, le Conseil européen a condamné avec la plus grande fermeté l’agression militaire non provoquée et injustifiée de la Fédération de Russie contre l’Ukraine. Par ses actions militaires illégales, la Russie viole de façon flagrante le droit international et les principes de la charte des Nations unies, et porte atteinte à la sécurité et à la stabilité européennes et mondiales. Le Conseil européen a appelé à l’élaboration et à l’adoption en urgence d’un nouveau train de sanctions individuelles et économiques. Le Conseil européen a appelé la Russie et les formations armées qu’elle soutient à cesser leur campagne de désinformation.

(5) Dans ses conclusions du 10 mai 2021, le Conseil a souligné la nécessité de renforcer encore la résilience de l’Union et des États membres, de même que leur capacité à lutter contre les menaces hybrides, y compris la désinformation, en veillant à ce qu’il soit recouru de manière coordonnée et intégrée aux outils existants de lutte contre les menaces hybrides au niveau de l’Union et des États membres, et le cas échéant à de nouveaux outils de ce type, ainsi que la nécessité d’étudier des réponses possibles dans le domaine des menaces hybrides, notamment face aux ingérences et opérations d’influence étrangères, qui pourraient englober des mesures de prévention et l’imposition de coûts à des acteurs étatiques et non étatiques hostiles.

(6) La Fédération de Russie a lancé une campagne internationale systématique de manipulation des médias et de déformation des faits afin de renforcer sa stratégie de déstabilisation des pays voisins et de l’Union et de ses États membres. La propagande a notamment pris pour cibles, de manière répétée et constante, les partis politiques européens, en particulier en période électorale, ainsi que la société civile, les demandeurs d’asile, les minorités ethniques russes, les minorités de genre et le fonctionnement des institutions démocratiques dans l’Union et ses États membres.

(7) Pour justifier et soutenir son agression de l’Ukraine, la Fédération de Russie a mené des actions de propagande continues et concertées ciblant les membres de la société civile de l’Union et de ses voisins, en faussant et manipulant gravement les faits.

(8) Ces actions de propagande ont utilisé comme canaux un certain nombre de médias placés sous le contrôle permanent, direct ou indirect, des dirigeants de la Fédération de Russie. De telles actions menacent directement et gravement l’ordre et la sécurité publics de l’Union.

(9) Ces médias jouent un rôle essentiel et déterminant pour faire avancer et soutenir l’agression contre l’Ukraine et pour déstabiliser les pays voisins.

(10) Compte tenu de la gravité de la situation, et en riposte aux actions de la Russie visant à déstabiliser la situation en Ukraine, il est nécessaire, dans le respect des droits et libertés fondamentaux reconnus dans la Charte des droits fondamentaux, et notamment du droit à la liberté d’expression et d’information reconnu à l’article 11 de celle-ci, d’instaurer de nouvelles mesures restrictives afin de suspendre d’urgence les activités de diffusion de ces médias dans l’Union ou en direction de l’Union. Ces mesures devraient être maintenues jusqu’à ce que l’agression contre l’Ukraine prenne fin et jusqu’à ce que la Fédération de Russie et ses médias associés cessent de mener des actions de propagande contre l’Union et ses États membres.

(11) Dans le respect des libertés et droits fondamentaux reconnus dans la Charte des droits fondamentaux, notamment du droit à la liberté d’expression et d’information, à la liberté d’entreprise et du droit de propriété tels qu’ils sont reconnus dans ses articles 11, 16 et 17, ces mesures n’empêchent pas ces médias et leur personnel d’exercer dans l’Union d’autres activités que la diffusion, telles que des enquêtes et des entretiens. En particulier, ces mesures ne modifient pas l’obligation de respecter les droits, libertés et principes visés à l’article 6 du traité sur l’Union européenne, figurant dans la Charte des droits fondamentaux, ainsi que dans les constitutions des États membres dans le cadre de leurs champs d’application respectifs.

(12) Ces mesures entrent dans le champ d’application du traité et, de ce fait, une action réglementaire au niveau de l’Union est nécessaire, notamment afin d’en garantir l’application uniforme dans tous les États membres.

[…]

Article premier
Le règlement (UE) no 833/2014 est modifié comme suit:
1) L’article ci-après est inséré après l’article 2 sexies:
«Article 2 septies
1. Il est interdit aux opérateurs de diffuser ou de permettre, de faciliter ou de contribuer d’une autre manière à la diffusion de contenus provenant des personnes morales, entités ou organismes énumérés à l’annexe XV, y compris par la transmission ou la distribution par tout moyen tel que le câble, le satellite, la télévision sur IP, les fournisseurs de services internet, les plateformes ou applications, nouvelles ou préexistantes, de partage de vidéos sur l’internet.
2. Toute licence ou autorisation de diffusion et tout accord de transmission et de distribution conclu avec les
personnes morales, entités ou organismes énumérés à l’annexe XV sont suspendus.».

[…]

ANNEXE
«ANNEXE XV
Liste des personnes morales, entités ou organismes visés à l’article 2 septies
RT — Russia Today English
RT — Russia Today UK
RT — Russia Today Germany
RT — Russia Today France
RT — Russia Today Spanish
Sputnik».

Source vers le texte d’origine complet : Journal officiel de l’Union européenne,

2 mars 2022, Législation L 065 ICI

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Pour aller plus loin :

  • Maria Zakharova, Nicolas Pauthe La liberté de la presse et des médias en Russie, revue Droit et société 2016/2 (N° 93), pages 437 à 452 ICI
  • Chupin Ivan Des médias aux ordres de Poutine ? L’émergence de médias d’opposition en Russie, revue Savoir/Agir 2014/2 (n° 28), pages 33 à 38, ICI
  • Jean-Baptiste Jeangène Vilmer La lutte contre la désinformation russe : contrer la propagande sans faire de contre-propagande ? Revue Défense Nationale2017/6 (N° 801), pages 93 à 105, ICI
  • Noémie Lair  « Les Ukrainiens refusent de se battre » : une journée d’invasion russe en Ukraine vue par RT », France Inter, 24 février 2022 ICI