« Après les guerres de Crimée, d’Italie et de Bohême, les adversaires de la veille ont pu sinon se réconcilier très sincèrement, au moins suivre les mêmes routes et reprendre l’un à côté de l’autre les habitudes de la vie diplomatique.
C’est que, dans aucune de ces guerres, le corps du vaincu n’avait été entamé.(…) Enfin, sous des nuances différentes, la Russie et l’Autriche étaient des monarchies qui n’avaient pas rompu avec leur passé, qui croyaient en leur propre avenir et qui, ne limitant point leur horizon à l’étendue d’une vie d’homme, se résignaient sans trop de peine à un effacement momentané.
Ce n’était plus, en 1870, le fait de la France. Elle ne se fie plus à l’avenir, elle se renferme dans le présent. Comme il n’y a plus, au-dessus de la nation, un lieu où tous les Français puissent concentrer leurs gloires, leurs douleurs, leurs espérances, chacun les concentre en soi-même ; les blessures du patriotisme se transforment ainsi en blessures d’amour-propre, les passions nationales en passions individuelles.
La démocratie, loin d’adoucir les moeurs, les a rendues plus rudes ; elle a développé l’égoïsme et non l’abnégation dans les coeurs. Le système des nationalités a déjà provoqué et provoquera plus de guerres que ne l’ont fait autrefois les querelles religieuses et que ne le font de nos jours les ambitions des rois. »