Texte lu par le maréchal Pétain, vice-président du Conseil, au Conseil des ministres, 13 juin 1940
«
Nous reconnaissons tous que la situation militaire est aujourd’hui très grave […] Il faut bien examiner les conséquences qui résulteraient de la continuation de la lutte. Si l’on admet l’idée de persévérer grâce à la constitution d’un réduit national, on doit reconnaître que la défense de ce réduit ne pourrait être organisée par les troupes françaises en débandade, mais par des troupes anglaises fraîches. Mais si ce réduit, établi dans une région maritime, pouvait être organisé, il ne constituerait pas, à mon avis, une garantie de sécurité et exposerait à la tentation d’abandonner ce refuge incertain.

Or, il est impossible au gouvernement, sans émigrer, sans déserter, d’abandonner le territoire français. Le devoir du gouvernement est, quoi qu’il arrive, de rester dans le pays sous peine de n’être plus reconnu pour tel. Priver la France de ses défenseurs naturels dans une période de désarroi général, c’est la livrer à l’ennemi.

Le renouveau français, il faut l’attendre en restant sur place, plutôt que d’une conquête de notre territoire par des canons alliés dans des conditions et un délai impossibles à prévoir.

Je suis donc d’avis de ne pas abandonner le sol français et d’accepter la souffrance qui sera imposée à la patrie et à ses fils. La renaissance française sera le fruit de cette souffrance.

Ainsi la question qui se pose en ce moment n’est pas de savoir si le gouvernement demande l’armistice, mais s’il accepte de quitter le sol métropolitain.

Je déclare, en ce qui me concerne, que hors du gouvernement s’il le faut, je me refuserai à quitter le sol métropolitain, je resterai parmi le peuple français pour partager ses peines et ses misères.

L’armistice est à mes yeux la condition nécessaire de la pérennité de la France éternelle.»

Cité par Marc Ferro, Pétain, Fayard, 1987.