Epître au roi François Ier

Introduction de l' »Institution de la religion chrétienne » de Calvin

’’ Au Roi de France très chrétien,
François premier de ce nom,
son Prince et Souverain Seigneur,
Jean Calvin,
paix et salut en notre Seigneur Jésus-Christ
En commençant à écrire le présent livre, je n’avais pas l’intention, Sire, d’écrire quoi que ce soit à Votre Majesté : mon but était seulement d’enseigner quelques éléments simples, destinés à alimenter la piété de ceux qui éprouveraient le désir de servir Dieu. Je voulais, principalement, que mon travail soit utile aux Français, dont je voyais plusieurs avoir faim et soif de Jésus-Christ et bien peu le connaître comme il fallait. Ce projet ressort clairement du livre dans lequel j’ai utilisé la forme la plus simple possible d’enseignement. Mais, voyant que l’opposition de quelques personnes malintentionnées avait été telle en votre royaume qu’elle n’avait laissé aucune place à la saine doctrine, il m’a semblé expédient d’utiliser ce présent livre à la fois pour l’instruction de ceux que, tout d’abord, j’avais délibéré d’enseigner, mais aussi comme confession de foi, afin que vous connaissiez quelle est la foi contre laquelle s’élèvent ceux qui, par le feu et par le glaive, troublent aujourd’hui votre royaume. Je n’aurai aucune honte à reconnaître que je présente, ici, une sorte de résumé de cette doctrine que certains estiment devoir être réprimée par la prison, le bannissement, la proscription et le feu, et qu’ils déclarent avec insistance devoir être totalement éradiquée.
Je sais bien que d’horribles rapports ont frappé vos oreilles et votre coeur, afin de vous persuader du caractère odieux de notre cause. Mais vous avez à manifester, selon votre clémence et votre mansuétude, que s’il suffisait d’accuser, aucune innocence, en paroles ou en actes, ne serait reconnue. Si quelqu’un, pour susciter de la haine contre cette doctrine – à laquelle je souhaite rendre justice –, se met à déclarer qu’elle est déjà condamnée d’un commun accord par tous les États, qu’elle a fait l’objet de plusieurs jugements, il dira seulement qu’elle a été en partie violemment abattue par la puissance et la conjuration de ses adversaires, en partie méchamment opprimée par leurs mensonges, leurs tromperies, leurs calomnies et leurs trahisons. C’est par la force et la violence que d’injustes jugements ont été prononcés à son encontre avant même qu’elle se soit défendue. C’est par la ruse et la trahison que, sans raison, cette doctrine est qualifiée de séditieuse et de nuisible. Afin que personne ne pense que nous nous plaignons à tort, vous pouvez vous-même, Sire, être témoin des nombreuses calomnies dont elle est, tous les jours, l’objet devant vous : elle n’aurait d’autre but que d’anéantir toute autorité et tout ordre, de troubler la paix, d’abolir les lois, de supprimer les seigneuries et les possessions; bref, de favoriser une totale confusion.
Et cependant, vous n’en entendez que la plus petite partie. On répand contre cette doctrine, dans le peuple, d’horribles rapports qui, s’ils étaient exacts, permettraient, à bon droit, à tout le monde de la juger, avec ses auteurs, digne de mille feux et de mille gibets. Comment s’étonner, maintenant, qu’elle soit tellement haïe du monde entier, dès lors qu’on ajoute foi à de telles et si injustes accusations? Voilà pourquoi toutes les classes de la société s’accordent pour condamner aussi bien nous-même que notre enseignement. Les personnes qui se sont constituées juges, entièrement soumises à leur sentiment, prononcent pour sentence l’opinion qu’elles ont apportée de leur maison et estiment s’être bien acquittés de leur office en ne condamnant personne à mort, sinon ceux qui sont reconnus coupables par leur confession ou par un témoignage digne de foi. Mais de quel crime? Celui d’adhérer à cette doctrine damnée, disent-ils. À quel titre l’est-elle? Telle a été la substance de notre défense : ne pas désavouer cette doctrine, mais la défendre comme vraie. Mais le droit à la parole nous a été enlevé. (…)

De Bâle, le premier jour d’août, mil cinq cent trente-cinq.  »

Toute la lettre sur http://www.info-bible.org/histoire/reforme/calvin-lettre-au-roi.htm.

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Chanson protestante du XVIe siècle

Refrain

 » Pauvres papistes, retournez-vous

A Jésus qui est mort pour nous.

Pauvres papistes débonnaires

Qui désirez à Jésus plaire,

Votre ignorance a trop duré,

Trop d’erreurs enduré.  »

 » Laissez donc toute idolâtrie,

Venez à Jésus qui vous prie.

Lui seul décharge les pécheurs,

Les appelant par ses prêcheurs.  »

(Refrain)

 » Laissez-moi l’idole de Rome,

Cet Antéchrist qui tout consomme.

Renoncez à tous ces larrons,

Avec leurs bulles et pardons.  »

(Refrain)

 » Laissez-moi ces malheureux prêtres,

Plus que Judas méchants et traîtres,

Qui Jésus une fois vendit,

Et rendant l’argent, se pendit.  »

(Refrain)

Cité par H. Bordier, Le Chansonnier huguenot du XVIe siècle, Paris, 1871, t. II.

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Artus Désiré appelle au meurtre des protestants (vers 1560)

« Ceux qui répandront leur sang

Pour cette cause juste et bonne,

Sont assurés que Dieu leur donne

Plein pardon de tous leurs péchés.

(…) Ils se sont mis à tuer

Les prêtres pour avoir leurs hardes,

À battre et à prostituer Leurs propres soeurs comme paillardes.

L’Eglise ont à coups de bombardes

Réformée à tout saccager.

(…) L’air demande à les étouffer,

La terre à les réduire en cendres,

Le feu à les ardre et chauffer,

Justice à les faire tous pendre,

Leurs péchés en Enfer les rendre,

Et les grandes ondes de la mer

A les noyer et abîmer,

Le vent à les réduire en poudre,

Et le diable à les enfermer

Ès lieux de tempête et de foudre. »

Artus Désiré, La grande trahison du roy Guillot, sans lieu ni date. (vers 1560).

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Une religion de tolérance

« On dit que la principale cause de la sédition est la religion, chose fort étrange et presque incroyable (…). Si sédition est guerre civile, pire que celle du dehors, comment advient-il qu’elle soit causée et produite de la religion, même chrétienne et évangélique, qui nous commande surtout la paix et amitié entre les hommes ? C’est folie d’espérer paix, repos et amitié entre les personnes qui sont de diverses religions (…). C’est ce qui sépare le père du fils, le frère du frère, le mari de la femme (…). C’est ce qui éloigne le sujet de porter obéissance à son roi, et qui engendre les rébellions. Considérons que la dissolution de notre Église a été cause de la naissance des hérésies, et la réforme pourra être cause de les éteindre. (…) Il nous faut dorénavant garnir de vertus et bonnes moeurs, et puis les assaillir [les protestants] avec les armes de charité, prières, persuasions, paroles de Dieu, qui sont propres à tel combat. Ôtons ces mots diaboliques, noms de partis, factions et séditions, luthériens, huguenots*, papistes** : ne changeons le nom de chrétien. »

* Nom donné aux protestants français.

** Nom donné en France, au temps des guerres de religion, aux catholiques.

Discours de Miche de L’Hospital, chancelier de France, ouvrant les États généraux en 1560.

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Catholiques et protestants en France à la veille des guerres de Religion (vers 1560)

Claude HATON (1534-1604) est un prêtre catholique de Provins. Il rédige ses Mémoires vers 1575-1580. Les extraits présentés ici concernent la période 1555-1561, époque où le protestantisme français se structure et gagne en audience.

 » En France et dans le reste de la Chrétienté, le nombre des hérétiques augmentait davantage, d’autant plus que les prélats et pasteurs de l’Église, à commencer par les cardinaux et archevêques jusqu’aux simples curés, montraient une grande négligence à faire leur devoir. Ils ne se souciaient guère d’autre chose que de tirer à eux le revenu de leurs bénéfices (…). Les archevêques, évêques et cardinaux de France étaient presque tous à la Cour du roi et des princes. Les abbés, prieurs et curés demeuraient, les uns dans les grosses villes de France et autres lieux où ils prenaient plus de plaisir qu’à résider pour assumer leur charge et prêcher et annoncer la vraie parole de Dieu à leurs sujets et paroissiens. Cette négligence donnait aux hérétiques luthériens (1) l’occasion de médire sur l’Église de Jésus-Christ et d’en débaucher les fidèles. Le nombre des prêtres était fort grand par les villes et villages. A l’envie les uns des autres, ils mettaient aux enchères les cures et prieurés (…). Le plus souvent, le plus âne et mécanique de la paroisse était le vicaire, à cause d’un bail trop élevé (2). La plupart des dits prêtres étaient fort vicieux et scandaleux et assez peu inquiétés par la justice (…). Un autre abus, fort répandu, était que la plus grande part des évêques, abbés, prieurs et curés, clercs et simples tonsurés, n’étaient pas prêtres, ni en voie de l’être et n’ayant d’ailleurs pas l’intention de le devenir (…).

Pour leur fausse religion, les luthériens faisaient souvent des assemblées secrètes de jour et de nuit. Ils s’y sermonnaient les uns vers les autres, tant dans les villes qu’ailleurs, dans la maison de l’un d’entre eux, afin, disaient-ils, de faire le service du Seigneur et d’annoncer ses louanges. l’un d’eux faisait lecture de quelques chapitre de l’Ancien ou Nouveau testament, extrait d’une Bible écrite ou imprimée en français. Pareillement, pour émouvoir leurs coeurs et les nouveaux frères, ils chantaient deux ou trois fois quelques psaumes de David, traduits en rime française par Clément Marot (…), fort harmonieux et d’un chant bien délectable pour annoncer les louanges du Seigneur. Celles-ci étaient chantées au commencement, au milieu et à la fin de leurs cérémonies, qu’ils appelaient le prêche et les prières. Lorsqu’elles étaient dites, il était permis aux hommes de s’approcher des femmes et les femmes des hommes, chacun d’eux où son plaisir le conduisait. Après s’être entresalués et chéris les uns les autres, le ministre ou prédicant (…) annonçait la charité qu’ils devaient les uns aux autres de leurs biens et de leurs corps pour s’entretenir en cette religion. En soufflant et en éteignant les chandelles, il leur disait : « Au nom de Dieu, accomplissez la charité fraternelle, chacun d’entre vous jouissant de ce qu’il aime. » Cela fait et dit, chacun s’accommodait à sa chacune et prenait là le contentement de leurs désirs (…).

Il était fort facile d’être huguenot en ce temps car les fondements de leur prétendue religion n’étaient guère malaisés à apprendre : il suffisait d’être meurtrier, voleur, larron, sacrilège, paillard, adultère, voleur d’églises, briseur d’images ; il fallait médire du pape, des cardinaux, des évêques, des prêtres, des moines et des ecclésiastiques, être meurtrier de telles gens, haïr et médire de la messe et du saint-sacrement de l’autel, et dire que c’était Jehan le Blanc, donner l’hostie à manger aux bêtes et chiens ; graisser ses bottes et souliers du chrême et des saintes huiles (3), faire son ordure fécale dans les bénitiers et fonts baptismaux, manger de la chair les vendredis et samedis lord du Carême et des jours de jeûne, blâmer les pèlerinages, dire qu’il ne faut pas prier la Vierge Marie ni les saints (…), dire qu’il ne faut faire nulle bonne oeuvre pour avoir la vie éternelle et mériter le Paradis. Pour eux, il suffisait de croire en Dieu et en Jésus-Christ (…). »

Mémoires de Claude Haton contenant le récit des événements accomplis de 1553 à 1562, Paris, 1857, p. 49-50, 89-91, 150-151, éd. par F. Bourquelot, publié dans R. Grevet et Ph. Minard, La France moderne, 1498-1653, t. 1, Paris, Hachette supérieur, 1997.

Notes :
1) Terme qui désignait alors tous les protestants, y compris les calvinistes pourtant plus nombreux en France.
2) Un vicaire pouvait remplacer le titulaire d’une cure moyennant finances, abus qui était facilité par la comende.
3) Chrême et huiles étaient utilisés dans la liturgie, pour certains sacrements.

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Lettre du cardinal de Lorraine à Catherine de Médicis (1562)

« Madame, j’ai reçu des lettres qu’il vous a plus de m’écrire, l’une par Villemur et l’autre par ce courrier, et vous remercie très humblement de l’édit (1) qu’il vous a plu de m’envoyer et, quant à ce qu’il vous plaît m’en demander mon avis, ce serait grande sottise à moi, après la résolution prise, en vouloir parler. Si est-ce que, selon mon petit jugement, il y a des choses à l’avancement de notre sainte catholique religion, dont je loue Dieu. Il y en a d’autres qui démontrent quelque désir de l’établissement des ministres de l’Antéchrist que, si j’y eusse été, je n’eus nullement conseillé car ils sont contre Dieu et contre le roi. Or Dieu veuille, Madame, que par là vous soyez à repos comme vous l’espérez. Quant à moi, je n’en crois ni n’en pense rien car toute édification qui est contre Dieu et tout dessein des hommes contre sa loi ne prospérera jamais. J’ai vu aussi, Madame, ce qui vous plaît de mander que vous avez gagné ce point que l’on ne prêche plus au château du roi, votre fils, et j’en loue Dieu. C’est ainsi, madame, comme il faut faire mais qui vaut mieux ? L’on prêche au village à la calvinienne. Si le roi et vous n’êtes obéis que dedans les fossés avec toute votre cour et vos gardes, comment le serez-vous par les provinces où vous envoyez les gouverneurs ?

Et puis, Madame, il faudrait repurger votre maison et du roi et de messieurs et madame votre fille, et envoyer chez eux ceux qui ne veulent vivre selon la loi que vous tenez car encore est-il plus étrange que vous n’ayez le moyen de nettoyer de ces hérésies votre chambre et votre garde-robe, je n’ose dire les logis des dames et seigneurs qui sont en votre état. Or, Madame, puisque vous le voulez et que votre vie le démontre, puisque c’était la volonté du roi, votre seigneur, auquel je m’assure que la mort ne vous a rien ôté de l’obéissance que vous lui portiez, comme un chacun l’a connu, et que il vous plaît de nous mander que le roi de Navarre est du tout de votre avis et que il vous a promis qui ne vous parlera jamais de telles gens, faites que vous le puissiez et, à tel commandement, vous serez obéie et vous apaiserez l’ire de Dieu et tous les troubles du royaume, et lors je crois que vous aurez repos. Madame, vous me commandez de vous mander franchement mon avis, et, en serviteur fidèle tel que je vous suis, je n’y ai voulu aucunement faillir. Je vous supplie très humblement, Madame, le prendre en bonne part car je vous suis trop tenu pour flatter. Monsieur mon frère vous va trouver ainsi qu’il vous écrit et moi, je m’en vais à Reims annoncer la parole de Dieu en mon église et prier Dieu, Madame, pour le roi et pour vous. Vous entendrez par mon dit frère tout le discours de nos actions, même du voyage que nous avons fait en Allemagne (2) , qui me fera ne vous ennuyer de plus longue lettre et, après avoir très humblement baisé les mains de votre majesté, je prierai Dieu qui lui donne très bonne vie et longue.
De Nancy, ce XXIe de février [1562].
Votre très humble et très obéissant sujet et serviteur, C. Cardinal de Lorraine. »

Lettres du cardinal Charles de Lorraine (1525 – 1574), publiées et présentées par Daniel Cuisiat, Genève, Librairie Droz, 1998, p. 446 – 447 (l’orthographe a été modernisée pour faciliter l’étude du texte).

Notes :
1. Il s’agit de l’édit de janvier 1562.
2. Allusion à l’entrevue de Saverne du 15 ou 18 février entre les Guises et le duc de Wurtemberg.

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Le saccagement des églises catholiques en France (1562)

« O quelle hérésie qui, de la propriété des membres de Jésus-Christ, change et transmue l’homme au naturel de l’Antéchrist, et de chrétien le rend pis que païen, et de miséricordieux, gracieux et obéissant évangéliste en fait un cruel, furieux, abandonné et désespéré athéiste ! Soit que nous regardions aux actes commis contre la religion, soit aux offenses faites contre le magistrat, soit aux injures, concussions et carnages multipliés sur le peuple paisible, rien plus n’apparaîtra que toute effrénée bestialité, et rien mois qu’aucune humanité. (…) Je dis donc que les ministres de mensonge, Bèze et ses consorts, lorsqu’à Poissy et en cour, fléchissant le genou et se jetant contre terre, se prêchaient aux trop bons seigneurs et dames les très humbles, très obéissants et très affectionnés serviteurs de Dieu et du Roi, ils pourchassaient et brassaient cette dernière entreprise dans très fiers, très rebelles et très ennemis conjurateurs contre Dieu et le Roi, et pour la première instruction imprimèrent en cœurs de leurs suivants et confédérés de ne faire aucune conscience de mentir, dissimuler, calomnier, imposer faux-crimes, piller, dérober, voler, assommer et tyranniser en toute cruauté, moyennant qu’ils sussent bien déguiser toutes choses et se couvrir au nom de la parole du Seigneur. (…)

Quand ils eurent gagné ce point, ils délibérèrent de l’exécution de leur conseil, et arrêtèrent que, pour commencer l’année des merveilles, qu’au mois de janvier on ravirait en une même nuit tous les joyaux des églises qui sont en villes de France, et pour ce faire, que les gentilshommes de leur association seraient avertis de se retirer en ce temps par les hôtelleries des villes ou aux maisons secrètes de leurs frères en hérésie, avec tel nombre de gens qu’ils pourraient introduire à petit bruit et sous ombre venir des champs en villes ouïr la parole du Seigneur ; et qu’ainsi assemblés, d’un effort en une même nuit, ils pilleraient les églises sans résistance ; car on désarmait toutes les calamiteuses villes de ce royaume, pour le moins à la requête et sollicitation des dévoyés. (…)

(…) Et environ de Noël, nombre de gens apparut à Paris, trop plus grand que de coutume, qui allaient en armes aux prêches, un jour hors la porte de Saint-Antoine, en un lieu dit Popincourt, et l’autre au faubourg de Saint-Marceau, en un jardin nommé le Patriarche. On voyait bien que tant de gens ramassés avaient quelque mauvaise intention ; car ils étaient si insolents qu’on n’eut osé se trouver devant eux sur le pavé ou seulement les regarder. (…) Advint que le jour de la Saint-Jean, deux jours après Noël, cette grande flotte de gens débauchés était à la prêche au lieu du Patriarche, et pour autant qu’il était fête, les catholiques sonnèrent leurs vêpres, après le sermon, en leur Église de Saint-Médard, où le peuple était assemblé comme de coutume. Les huguenots prirent à injure le son des cloches et alléguaient qu’on troublait la parole du Seigneur. Et sans autre offense coururent saccager cette pauvre Église, qui n’était pas encore parfaite, rompirent toutes les portes, entrèrent l’épée au point, les pistolets en main, frappèrent sans discrétion et outragèrent le peuple tout nu, rien moins pensant qu’à la guerre. Entre les autres, ils reconnurent celui qui avait prêché les catholiques, et de fureur ruèrent sur lui, étant à genou, pour lui trancher la tête ; et de fait, du coup ils coupèrent le collet de sa grande robe et de ses autres habillements, et peu lui offensèrent le col, mais le bâtonnèrent à leur plaisir et navrèrent de taillades d’épée. Ils tuèrent aucuns des paroissiens et en blessèrent plusieurs. Ils mirent en pièce le saint sacrement et le jetèrent contre terre, le conculquant. Ils ne laissèrent pas une image sans lui abattre la tête, comme à un saint vif et sensible. Ils cassèrent la plupart des vitres, brisèrent une quantité des autels, volèrent les ornements, calices, reliques, et généralement tout ce qu’ils purent emporter. Gabaston, chevalier du guet, entra à cheval jusque devant le maître-autel et criait en gascon corrompu : Pilla tout, pilla tout. Ils se vantaient d’avoir fait leur ordure dedans les fonds baptismaux, et celui d’entre eux qui pouvait faire ou dire le pis était le plus estimé. »

Discours sur le saccagement des églises catholiques par les hérétiques anciens, et nouveaux calvinistes en l’an 1562, Claude de Saintes, théologien à Paris, dans Archives curieuses de l’histoire de France, série 1re, t. 4, p. 369-372.

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Abjuration de deux calvinistes devant l’évêque de Rodez (1569)

Expression d’époque

« Nous, Claire Ayme et Françoise Doulcete, belle fille de ladite Ayme et femme de feu Antoine Gayraud de Cambolas, reconnaissant la vraie foie de l’Église chrétienne apostolique catholique romaine, anathématisons, détestons, avons en horreur et adjurons toutes hérésies et sectes même des sacramentaires esquelles avons par l’espace de trois ans versé et ce que a leurs faux sacrements comme en la cène calvinique étant en Montpellier et avec eux eu en irrévérence le saint sacrement de pénitence et confession sacramentelle, les ministres de l’Église chrétienne même notre saint Père le Pape, vous monsieur notre Évêque et tous autres en quel ordre et rang soient constitués. Avons aussi été par l’avis et commandement du susdit Gayraud conviées au rebellement, secrètes assemblées faites de peuples hérétiques, fait apprendre nos enfants et filles aux dites sectes et en ce scandalisé plusieurs de nos prochains, de quoi aujourd’hui nous repentons et connaissons à raison lesdites hérésies et sectes avoir été séparées de l’Église vraie apostolique chrétienne hors de laquelle n’y a salut quelconque, désirons être reçues et être faites membres du corps mystique de l’Église de laquelle Jésus-Christ est le chef, à genoux devant vous Monseigneur de Rodez et en cœur contrit et humble confessons et attestons croire en Dieu le Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, en son fils unique Jésus-Christ, au Saint-Esprit, et à l’Église catholique, et tout ce qui est contenue au saint symbole et en tout ce que notre mère sainte Église croit et tient, à laquelle seulement appartient de juger du vrai sens et intelligence des Écritures.

Confessons aussi que véritablement et proprement en la nouvelle loi évangélique y a sept sacrements institués par Jésus-Christ, par lesquels nous sont administrés actuellement et de fait la grâce de notre Dieu et effets de sa sainte passion à notre séparation et rédemption si par pêché nous n’y mettons empêchement, combien que a tous singulièrement ne sont nécessaires, au nombre desquels confessons être le saint baptême, confirmation, eucharistie, pénitence, extrême onction, ordre et mariage et que de ceux-là le baptême, confirmation et ordre ne se peuvent sans crime de sacrilège réitérer.

Et néanmoins confessons toutes les cérémonies faites audits saints sacrements, et les nouvelles cérémonies des hérétiques réprouvons et damnons.

Confessons en la sainte messe être offert à Dieu vrai, propre et propitiatoire sacrifice pour les vivants et pour les morts et au saint sacrement être vraiment, réellement et substantiellement le corps et le sang unis avec l’âme et divinité de Jésus-Christ et le pain offert par la toute puissante parole de Dieu prononcée par le prêtre seul ministre ordonné par Jésus-Christ être fait le vrai corps et toute la substance du vin être convertie et transsubstantiée au vrai sang de Jésus-Christ, de sous l’une desdites espèces ou parties Jésus-Christ être tout entier par chacun fidèle reçu.

Nous tenons aussi constamment qu’il y a un purgatoire et que les âmes détenues sont aidées par les suffrages des vivants.

Confessons que faut vénérer et invoquer les saints, qu’ils offrent oraison pour nous à Dieu, que leurs images sont bien retenues en l’église pour mémoire et icelles pour la représentation devoir être vénérées et non tenues pour idoles comme par ci-devant avons mal tenu et pensé. Confessons aussi la puissance d’absoudre et pardonner être laissée par Jésus-Christ en l’Église et être nécessaire et salutaire l’usage des indulgences.

Aussi confessons l’Église romaine être la mère des autres Églises à laquelle promettons obédience et généralement confessons, tenons et promettons toute notre vie tenir, confesser et garder tout ce qu’est commandé par les saints décrets et conciles et rejetons, damnons, désavouons toutes les hérésies, sectes, cérémonies damnées et rejetées par ladite Église en la foi de laquelle voulons, protestons vivres et mourir, hors de laquelle confessons n’y avoir aucun salut.

Par quoi humblement demandons absolution en cœur contrit et humble et avec ce que en serions trouver, croire, dogmatiser ou participer avec les hérétiques et faire contre ladite confession et abjuration des saints décrets voulons être sujettes à la sévérité et réaggrave des dits saints décrets. »

Archives Départementales de l’Aveyron, G 195, fol. 89v.-92, cité par Thierry WANEGFFELEN, Ni Rome, ni Genève : des fidèles entre deux chaires en France au XVIe siècle, Paris, 1997, p. 493-494.

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Le massacre de la Saint-Barthélémy (24.8.1572) expliqué par un catholique

 » Mais peut-être quelques hommes ont-ils été peinés de la foule immense des victimes ?

Disons tout d’abord qu’il n’y en eut pas la millième partie de ce que des gens mal intentionnés prétendent bruyamment. Ensuite tous ceux qui sont tombés, à l’exception des conjurés [c’est-à-dire Coligny et les chefs protestants] ont été tués à l’insu du roi, malgré le roi, contrairement à ses ordres, le roi en a été affligé et peut-être a-t-il l’intention de venger leur meurtre. En ce qui concerne les conjurés, quelle que soit la multitude des victimes, il faut considérer non pas combien sont tombés, mais combien ont conspiré : nul ne fera difficulté à me l’accorder.

Jusqu’à présent, je crois donc que tout est clair : un complot a été ourdi, non seulement on devait le châtier, mais on l’a châtié de façon permise par la loi ; en ce qui concerne le nombre des victimes, le roi ne mérite aucun reproche ; il mérite, au contraire, d’être loué puisqu’il n’a même pas fait mettre à mort tous les conjurés…

Cependant, puisqu’ils veulent tant entendre parler de haine, j’avouerai que l’amer souvenir des guerres civiles avait donné au roi beaucoup de motifs de haine contre les réformés : ils avaient conspiré la perte du roi et de tout le royaume ; ils avaient détruit les corps par les poignards, par le feu, par des désastres, les âmes par l’esprit de révolte, par tout ce qu’il y avait de monstrueux dans les crimes. Dans les églises et dans les sanctuaires les plus vénérés, ils avaient apporté la dévastation et la ruine… En un mot, ils avaient transgressé les lois divines et humaines, ils avaient commis d’innombrables crimes dont un seul méritait toute sorte de supplice. »

Guy du Faur de Pibrac : Avocat général au parlement de Paris. Texte de propagande publié en 1573.

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Le massacre de la Saint-Barthélémy (24.8.1572) raconté par un protestant

Une quinzaine de détachements, à pied, à cheval furent répartis en divers lieux. Ils sonnèrent la cloche pour donner aux papistes le signal du massacre. Dès le début, le duc de Guise, à la tête de ses cruels trabans* envahit le logis de l’amiral où beaucoup de gentilshommes braves, considérés, se trouvaient réunis. Les trabans français que le roi avait envoyés à l’amiral, sous prétexte de le protéger, n’opposèrent aucune résistance ; ils aidèrent plutôt le duc de Guise à consommer son horrible forfait. En revanche les douze suisses de la garde constituée par le Roi de Navarre se conduisirent vaillamment : ils furent les uns transpercés, les autres faits prisonniers. Alors le duc de Guise se précipita dans la chambre de l’amiral. Celui-ci le supplia d’épargner les jours d’un vieillard impitoyable. Le duc de Guise le fit jeter par la fenêtre. D’après une rumeur digne de créance, la tête fut expédiée à Rome.

… En cette occurrence, quiconque avait un ennemi put le faire occire comme huguenot**, un frère se débarrasser de son frère pour recueillir l’héritage, certains papistes, soit cupidité, soit jalousie, soit vengeance n’épargnèrent point leurs propres coreligionnaires. Par les rues une bande succédait à l’autre sans interruption, surtout au quartier des libraires. Plusieurs de ces derniers furent précipités du haut de leur maison dans le feu où flambaient les livres. Les femmes avec leurs enfants dont elles ne voulaient pas se séparer, étaient traînées vers la Seine, percées de coups, jetées dans le fleuve en si grand nombre que le fleuve se teignit de rouge… Bref, le carnage se prolongea du dimanche 24 août à minuit jusqu’au lendemain ; plus de dix mille créatures, hommes, femmes, jeunes, vieux, furent misérablement égorgés en vingt-quatre heures.  »

* Hallebardiers.

** Surnom donné aux protestants ; c’est la déformation d’un mot allemand « Eidgenossen » qui signifie : confédérés (par référence aux Suisses, qu’on nomme Eidgenossen, car membres de la Confédération helvétique, et dont plusieurs cantons étaient protestants).

Mémoires de Luc Geizkofier (1550-1620), étudiant allemand, protestant, présent à Paris au moment de la Saint-Barthélemy.

On pense que 3 000 protestants furent tués à Paris et 20 000 dans tout le royaume.

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Oraison funèbre du duc et du cardinal de Guise, chefs de la Ligue (printemps 1589)

Après l’exécution du duc de Guise et de son frère le cardinal, chefs de la Ligue catholique, de nombreux services à la mémoire des défunts furent célébrés par les Ligueurs. Lors de l’un d’eux, célébré en la cathédrale de Senlis le 23 février ou le 2 mars 1589, le chanoine Antoine Muldrac prononça cette oraison funèbre, qui fut rapidement publiée. Ce discours se fonde sur l’histoire du mauvais riche et du pauvre Lazare, racontée par Jésus, selon l’Evangile de Luc (chapitre 16, versets 19 à 31) : tandis que le mauvais riche, vêtu de pourpre et de lin, festoie, le pauvre Lazare, couvert d’ulcères, doit rester couché devant la porte. Les deux hommes meurent. Lazare est « emporté par les anges dans le sein d’Abraham », tandis que le mauvais riche va brûler dans les flammes de l’enfer. Le sens de l’histoire est un appel au repentir.

« En notre Evangile donc notre Seigneur fait comparaison de deux hommes ensemble, l’un est le mauvais Riche et l’autre le pauvre Lazare. Or par ce mauvais Riche, messieurs, qui est-ce que nous pouvons mieux entendre que Henry de Valois, troisième de ce nom, Roi de France, lequel nous avons vu et entendu, non pas seulement être habillé de pourpre et d’écarlate, mais avec ses mignons habillé de même et encore plus richement que lui, mener une vie dissolue, danser tout nu avec une putain publique qu’il a fait exprès venir de lointain pays.

Mais quand ? non pas un jour de Carême prenant, qui est aucunement excusable envers les fols, mais un premier Dimanche de Carême, pour bien solenniser le reste, ou quand il entend la révolte de son peuple, ou cependant que sa mère est malade au lit de la mort, ou même après la mort pour conjoindre le deuil d’icelle avec celui de ces deux grands Princes.

Et par le Lazare, qui pourrons-nous mieux entendre que ce grand duc de Guise ? car le Lazare vaut autant à dire, comma aidé de Dieu (…).

Que si nous pouvons regarder l’anagramme du nom de Henri de Valois, nous trouverons que c’est vilain Hérodes, sans y rien changer, ajouter ou diminuer. Et véritablement cet acte est digne d’un vilain Hérode : voire même dirai-je qu’Hérode ne fut jamais si vilain ni si cruel, car sa cruauté n’a point excédé la mort, mais ces deux frères ayant été misérablement massacrés, jacebant ad januam divitis vulceribus pleni [« Ils gisaient à la porte du riche, couverts de blessures »], chambre qui doit être sacrée, chambre qui doit servir d’azur, chambre où le plus grand malfaiteur du monde dût être en sauveté : mais ce mauvais Riche prenait plaisir à les voir pleins de plaies, et les a gardés tant que les corps ont été tout puants et infects. Mais encore a-t-il bien passé outre, car voulant montrer l’envie qu’il avait à l’encontre d’eux en leur vie, et craignant qu’à la vue ou mémoire des corps, le peuple ne se ressouvint des vertus de ces généreux Princes, il les a lui-même brûlés et réduits en cendre, comme jadis soulaient faire les tyrans des corps des glorieux martyrs, de peur que les Chrétiens ne vinssent à les adorer. (…)

Il ne faut donc point que nous espérions rien de bien d’un tel homme qui jamais n’ayant fait un acte de vertu ne s’est pas contenté d’avoir tyrannisé son peuple durant sa vie, nous voulait encore à la fin de ses jours livrer entre les mains d’un maudit hérétique et a fait tout ce qu’il a pu pour parvenir à cette fin. Mais tout ainsi que le Lazare après sa mort a été porté par les Anges au sein d’Abraham, ainsi ces deux frères étant morts pour soutenir la querelle de Dieu, leur mémoire maintenant est en bénédiction et ont plus fait après leur mort que non pas en leur vie : car quand ils seraient encore en vie, et qu’ils eussent fait sonner le tambourin par toute la France, ils n’auraient pas ému la centième partie du peuple qui s’est élevé après leur mort. (…)

Ceux-là sont bénis de Dieu en l’Ecriture, qui ont fait mourir les ennemis de Dieu et de son peuple. Ainsi Jahel a reçu bénédiction pour avoir tué Sisara, et Judith pour avoir tué Holopherne (…). Mais au contraire Saül a reçu malédiction pour ce qu’il a pardonné à Agag, l’ennemi de Dieu et le sien […]. Je sais que tu me diras ce que dit saint Paul, mihi vinndictam et ego retribuam [« C’est moi qui ferai justice, moi qui rétribuerai »]. Mais cette autorité se doit entendre de nos injures particulières, non pas de la cause de Dieu : car en icelle être cruel, c’est une piété signalée et qui mérite bénédictions, comme il nous est montré par les exemples ci-dessus.

Mais tout ainsi que notre Lazare reçoit maintenant consolation, au contraire aussi le mauvais riche est tourmenté en son esprit, et en sa conscience, ayant un ver qui le ronge incessamment et par le moyen duquel il porte son enfer quant et soi, ou pour le moins il le commence ici. Et semble que Dieu le veuille priver de la couronne pour la remettre entre les mains d’un Charles de Lorraine, comme il y a six cents ans que Hugues Capet l’a ôtée à Charles de Lorraine, pour bien moindre cause à savoir pour avoir contracté alliance sans le consentement des Français avec les Allemands, qui lors n’étaient hérétiques ni ennemis de Dieu et de l’Eglise.

Et notre mauvais riche les a fait venir tant de fois en France pour ravager nos biens et mettre à mort nos corps par le glaive et nos âmes par l’hérésie, desquels notre Lazare nous a toujours délivrés, et de quoi maintenant il reçoit la gloire. »

Antoine Muldrac, Oraison funèbre prononcée aux obsèques de Louis de Lorraine, cardinal, et Henri duc de Guise, frères, Paris, veuve Nicolas Rosset, 1589, p. 7-9, 18-24 (l’orthographe a été modernisée).

Notes :
Carême-prenant : période traditionnelle du Carnaval, pendant les trois jours précédant le début du carême.
Carême : période de repentir et de jeûne de quarante jours, précédant la fête de Pâques.
Hérode : type même du roi criminel. Selon l’Evangile de Matthieu, Hérode fait assassiner tous les enfants de Bethléem après avoir appris la naissance du Messie ; son fils Hérode Antipas fait emprisonner et décapiter Jean-Baptiste, à la demande de sa belle-fille Salomé.
Souler : avoir coutume de.
Jaël et Sisara, Judith et Holopherne : exemples tirés de la Bible. Sisera, chef de l’armée des Cananéens, est tué par une femme, Yaël (Livre des Juges). La pauvre veuve Judith parvient à décapiter Holopherne, général en chef du roi des Assyriens Nabuchodonosor, qui s’apprêtait à attaquer Jérusalem (Livre de Judith). Mais le roi d’Israël Saül est rejeté par Dieu pour avoir désobéi en épargnant Agag, roi des Amalécites (1er livre de Samuel, chap. 15).
Quant et soi : en lui-même.
Hugues Capet et Charles de Lorraine : Hugues Capet a été élu en 987 malgré l’opposition de Charles de Lorraine, oncle du dernier roi carolingien Louis V.
« notre Lazare nous a délivrés » : allusion aux victoires remportées par Henri de Guise en 1587 sur les reîtres allemands et suisses à Vimory et Auneau.

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L’édit de la paix religieuse (1598)

« Mais maintenant qu’il plaît à Dieu commencer à nous faire jouir de quelque meilleur repos, nous avons estimé ne le pouvoir mieux employer, qu’à vaquer à ce qui ne peut concerner la gloire de son saint nom et service, et à pourvoir qu’il puisse être adoré et prié par tous nos sujets : et s’il ne lui a plu permettre que ce soit pour encore en une même forme de religion, que ce soit au moins d’une même intention, et avec telle règle, qu’il n’y ait point pour cela de trouble ou de tumulte entre eux : et que nous et ce royaume puissions toujours mériter et conserver le titre glorieux de très-chrétien, qui a été par tant de mérites et dès si longtemps acquis : et par même moyen ôter la cause du mal et trouble qui peut avenir sur le fait de la religion, qui est toujours le plus glissant et pénétrant de tous les autres.»

Préambule de l’édit de Nantes, 1598.

Un texte essentiel : l’Édit de Nantes (1598)

 » Entre les grâces infinies qu’il a plu à Dieu nous départir, celle est bien des plus insignes et remarquables de nous avoir donné la vertu et la force de ne céder aux effroyables troubles, confusions et désordres qui se trouvèrent à notre avènement à ce royaume, qui était divisé en tant de parts et de factions que la plus légitime en était quasi la moindre, et de nous être néanmoins tellement roidis contre cette tourmente que nous l’ayons enfin surmontée et touchions maintenant le port de salut et repos de cet État. (…)

Mais maintenant qu’il plaît à Dieu commencer à nous faire jouir de quelque meilleur repos, nous avons estimé ne le pouvoir mieux employer qu’à vaquer à ce qui peut concerner la gloire de son saint nom et service et à pourvoir qu’il puisse être adoré et prié par tous nos sujets et s’ il ne lui a plu permettre que ce soit pour encore en une même forme et religion, que ce soit au moins d’une même intention et avec telle règle qu’il n’y ait point pour cela de trouble et de tumulte entre eux. (…)

Pour ces causes, ayant avec l’avis des princes de notre sang, autres princes et officiers de la Couronne et autres grands et notables personnages de notre Conseil d’État étant près de nous, bien et diligemment pesé et considéré toute cette affaire, avons, par cet Édit perpétuel et irrévocable, dit, déclaré et ordonné, disons, déclarons et ordonnons :

I.

Premièrement, que la mémoire de toutes choses passées d’une part et d’autre, depuis le commencement du mois de mars 1585 jusqu’à notre avènement à la couronne et durant les autres troubles précédents et à leur occasion, demeurera éteinte et assoupie, comme de chose non advenue. Et ne sera loisible ni permis à nos procureurs généraux, ni autres personnes quelconques, publiques ni privées, en quelque temps, ni pour quelque occasion que ce soit, en faire mention, procès ou poursuite en aucunes cours ou juridictions que ce soit. (…)

III.

Ordonnons que la religion catholique, apostolique et romaine sera remise et rétablie en tous les lieux et endroits de cestui notre royaume et pays de notre obéissance où l’exercice d’icelle a été intermis pour y être paisiblement et librement exercé sans aucun trouble ou empêchement. (…)

VI.

Et pour ne laisser aucune occasion de troubles et différends entre nos sujets, avons permis et permettons à ceux de ladite religion prétendue réformée vivre et demeurer par toutes les villes et lieux de cestui notre royaume et pays de notre obéissance, sans être enquis, vexés, molestés ni astreints à faire chose pour le fait de la religion contre leur conscience, ni pour raison d’icelle être recherchés dans les maisons et lieux où ils voudront habiter, en se comportant au reste selon qu’il est contenu en notre présent Édit. (…)

XVIII.

Défendons aussi à tous nos sujets, de quelque qualité et condition qu’ils soient, d’enlever par force ou induction, contre le gré de leurs parents, les enfants de ladite religion pour les faire baptiser ou confirmer en l’Église catholique, apostolique et romaine. Comme aussi mêmes défenses sont faites à ceux de ladite religion prétendue réformée, le tout à peine d’être punis exemplairement.  »

Sur la Réforme à Genève au XVIe s. , voyez aussi cet article.